Intervention de Sabine Rubin

Séance en hémicycle du mardi 5 mars 2019 à 21h30
Questions sur la politique éducative du gouvernement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

À Vanves, une réunion d'information sur la réforme du lycée à destination des parents et des élèves est interdite par le rectorat. Dans les Bouches-du-Rhône, un courriel du directeur académique des services de l'éducation nationale – DASEN – demande expressément aux chefs d'établissement de « ne pas accueillir des temps de réunion communs entre enseignants, parents d'élèves et élèves ». À Dijon, une enseignante est convoquée par le recteur pour avoir rédigé un article satirique sur une apparition télévisée d'Emmanuel Macron. À Chelles, un inspecteur de l'éducation nationale rappelle aux enseignants qu'ils sont tenus à une « stricte neutralité sur les réseaux sociaux » et à une « juste mesure en dehors de leur cadre professionnel ».

L'article 1er de votre projet de loi – qui exige une « exemplarité des enseignants » – n'est pas encore entré en vigueur qu'il semble déjà appliqué. Faut-il vous rappeler que cette notion d'exemplarité trouve sa source dans un arrêt du Conseil d'État pour un fait grave de pédophilie ?

Si le fait pour les enseignants de demander un débat sur votre politique devient un délit de manquement à l'exemplarité, c'est que vous exigez d'eux un devoir de réserve qui ne concernait, jusqu'à maintenant, que les cadres administratifs de votre institution.

Les enseignants, eux, ont bien compris votre projet : vous souhaitez les mettre au pas. Ils m'ont même confié leur sentiment d'être prisonniers de leur propre école. Car à cette prison de la pensée s'ajoute une prison géographique. Votre dernière circulaire relative au mouvement intradépartemental les oblige à formuler des voeux de mobilité par bassin de vie : ils ne peuvent plus demander une école en particulier. C'est une manière de les assigner à résidence, car nombre d'entre eux ne bougeront pas parce qu'ils craindront de voir leurs conditions de travail se dégrader encore davantage. Cela aura bien sûr des conséquences pour les enfants des quartiers populaires, qui n'auront devant eux que des enseignants inexpérimentés.

Monsieur le ministre, j'ai deux questions. Pourquoi votre école de la confiance repose-t-elle sur tant de défiance et tant de contraintes pour le corps enseignant qui porte pourtant quotidiennement votre institution à bout de bras ? Votre politique éducative consiste-t-elle à dresser plutôt qu'à éduquer les futurs citoyens en muselant d'ores et déjà la parole de ceux qui sont censés les former à l'analyse et à l'esprit critique ?

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