Pour vous, c'était trop ; il fallait mettre fin à l'abus de position dominante d'EDF, incompatible avec l'article 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
Mais le comble, c'est que le premier lot concerne les barrages les plus rentables – et d'emblée, vous empêchez EDF de se porter candidat pour plus de 60 % d'un lot hydroélectrique.
Pour information, EDF investit chaque année 400 millions d'euros dans le renforcement des installations. Exclure l'entreprise publique d'un grand nombre d'appels d'offres, c'est se passer d'une expérience de terrain de soixante-quinze ans et maximiser les risques de catastrophe. Confier la gestion des barrages à des opérateurs aura des conséquences néfastes et multiples.
Comme à votre habitude, vous vous évertuez à tenir un double discours. M. Macron, dans sa lettre aux citoyens d'Europe, dit vouloir « refonder notre politique commerciale : sanctionner ou interdire en Europe les entreprises qui portent atteinte à nos intérêts stratégiques et nos valeurs essentielles, comme les normes environnementales, la protection des données et le juste paiement de l'impôt ».
Or, personne d'autre que vous ne porte atteinte à nos intérêts stratégiques. Le mythe des bienfaits de la privatisation ne trompe personne, et surtout pas dans le domaine de l'hydroélectricité. Même un pays comme les États-Unis, pourtant à la pointe du libéralisme économique, est revenu sur son choix en abandonnant la libéralisation de la gestion des barrages hydroélectriques.
Il suffit de regarder l'expérience de vos prédécesseurs sur ces manoeuvres de privatisation pour comprendre que tout ceci se traduit par une perte de pouvoir d'achat pour nos concitoyens.
Prenons l'exemple de la privatisation des autoroutes en 2006 au profit de Vinci, Eiffage, etc. La rentabilité bat des records. Les concessions représentent entre 20 % et 24 % du chiffre d'affaires de ces entreprises. Elles ont permis à leurs actionnaires d'encaisser 14,9 milliards d'euros de dividendes entre 2006 et 2013.
En 2014, l'Autorité de la concurrence considérait que cette « rentabilité exceptionnelle n'apparaissait justifiée ni par leurs coûts ni par les risques auxquels elles sont exposées ». Elle préconisait alors la révision du mécanisme d'indexation des tarifs des péages – qui avaient fortement augmenté – et l'obligation pour les sociétés d'autoroutes de réinvestir leurs bénéfices et de les partager avec l'État.
Mais cela est impossible parce que les concessions arrivent à échéance entre 2027 et 2035. L'État ne dispose d'aucun moyen de pression, puisque les contrats signés avantagent les entreprises privées.
C'est une liquidation de nos services publics que vous orchestrez au détriment de l'intérêt général : aéroports, autoroutes, stationnement, ports, train et maintenant les barrages.