Selon M. le secrétaire d'État Benjamin Griveaux, « Si une mesure qu'on a prise [coûte] de l'argent public, [... ] on n'est pas idiots, on va la changer » : le manque à gagner pour les caisses de l'État étant établi, il est temps d'écouter votre collègue !
Ainsi, au regard de ces éléments, si la majorité argue qu'il s'agit d'un impôt symbolique, force est de constater que sa suppression, inscrite dans la théorie du ruissellement si chère à Emmanuel Macron, était idéologique. Rétablir l'ISF, c'est entendre les revendications de nos concitoyens : selon une étude IFOP en date du 6 janvier 2019, 77 % des Français sont favorables au rétablissement de l'ISF. C'est une question d'équité fiscale qui, retrouvée, permettrait d'atténuer le sentiment d'injustice ébranlant la cohésion sociale.
Par ailleurs, concernant l'impôt sur le revenu, il est urgent de le rendre plus progressif, conformément à l'esprit de la loi Caillaux de 1914. La présente proposition de loi va dans ce sens en ajoutant quatre tranches d'imposition supplémentaires, ce qui permettrait de retrouver un équilibre entre proportionnalité et progressivité de l'impôt.
En effet, le système fiscal français tend vers toujours plus de proportionnalité. Les impôts dits indirects sur la consommation, comme la TVA, accroissent les inégalités de revenus. Certes, les plus aisés consomment plus en volume et payent donc globalement plus d'impôts indirects que les autres. Mais, rapporté à leurs revenus, le niveau de ces impôts est nettement inférieur à ce que payent les plus démunis. L'explication tient à l'épargne : alors que ces derniers consomment quasiment l'ensemble de leurs revenus, les plus aisés en épargnent un tiers. Les impôts indirects ne portent donc que sur une fraction de leur revenu. Or, la TVA représente plus de la moitié des recettes fiscales nettes de l'État.
De la même manière, la hausse de la CSG ainsi que l'instauration de la flat tax décidées par le Gouvernement et sa majorité n'ont fait qu'abaisser la part de l'impôt sur le revenu dans la richesse nationale : il représente seulement 3,3 % en France, contre 9 % en Allemagne et 10 % au Royaume-Uni. Cela démontre la nécessité de renforcer l'impôt sur le revenu dans le sens d'une plus grande progressivité, pour contrebalancer cette fiscalité régressive, donc injuste, qui détruit le pouvoir d'achat des plus modestes. En effet, un impôt véritablement progressif est mieux à même de réduire les inégalités relatives comme absolues. C'est là le sens de cette proposition de loi qui tend à ajouter de nouvelles tranches d'imposition. Ainsi, seuls les contribuables les plus aisés seront affectés et non les contribuables se situant dans les premières tranches, c'est-à-dire les classes moyennes.
De plus, cela serait conforme à l'esprit de l'impôt sur le revenu. Celui-ci a été pensé originellement comme très progressif, afin que les plus modestes puissent financer leurs besoins primaires, tandis que les foyers aux plus hauts revenus seraient fortement taxés, seule leur épargne en étant affectée, non leur consommation. La proposition de loi qui nous est soumise rejoint entièrement cet esprit, en améliorant la redistribution des ressources, en réduisant plus efficacement les inégalités, posant ainsi les conditions d'une véritable équité verticale entre tous les contribuables.
Elle s'inscrit enfin parfaitement dans l'esprit de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui dispose que la contribution commune « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »
Dans les attentes exprimées par les Français dans le grand débat ou le vrai débat, la fiscalité tient une place prépondérante. La question de la TVA revient souvent. Comme toutes les taxes, y compris les taxes sur le carburant ou l'énergie, la TVA s'applique sans distinction du consommateur. Si la taxe sur la valeur ajoutée est peu ressentie par les plus aisés, elle est une véritable plaie pour les plus démunis et constitue parfois, sans même qu'ils s'en rendent compte, une grande partie de leurs dépenses.
C'est pourquoi une réflexion sur les différents taux de TVA pourrait être menée, en tenant compte bien évidemment des contraintes européennes mais aussi des comportements des distributeurs. Baisser les taux de TVA si le consommateur final n'en profite pas est contre-productif. Étudier la baisse de la TVA sur l'énergie pourrait être une solution quand on sait qu'en moyenne en 2018, la TVA représente un peu plus de 16 % du montant total de la facture d'électricité ou de gaz des ménages français : une mesure simple, facilement applicable et qui redonnerait immédiatement du pouvoir d'achat au consommateur final.
Le Gouvernement a pris de nombreuses mesures qui ont coûté des milliards aux contribuables ainsi qu'au Trésor public, dont certaines évoquées plut tôt. La grande différence entre la suppression de l'ISF et une baisse de TVA sur l'électricité et le gaz est que la première mesure bénéficie à une part infime de la population qui n'est pas dans le besoin et qui n'a pas de mal à se loger ni à se chauffer.
Étant donné que cette proposition de loi va très probablement se voir opposer une motion de rejet préalable ou une motion de renvoi en commission, je profite de cette tribune pour dire que le groupe Socialistes et apparentés a déposé un amendement visant à élargir l'assiette de l'ISF aux oeuvres d'art, ce qui fera plaisir à notre collègue Mattei, et un autre visant à rétablir le plafonnement du plafonnement, ce qui répond au questionnement de Mme Louwagie.
Rétablir un impôt sur la fortune et renforcer la progressivité de l'impôt sur le revenu, et par là-même de notre système fiscal tout entier, répondrait aux aspirations de nos concitoyens ainsi qu'à leurs préoccupations.
La question fiscale est et a toujours été, dans notre pays, explosive. À la vue de l'iniquité des mesures fiscales prises par ce gouvernement, il est temps que les parlementaires prennent leurs responsabilités. C'est pourquoi, le groupe Socialistes et apparentés votera cette proposition de loi.