Nous examinons une proposition de loi visant la justice fiscale par le rétablissement de l'impôt de solidarité sur la fortune et le renforcement de la progressivité de l'impôt sur le revenu.
Depuis le début de notre mandat, la question fiscale a été abordée à de très nombreuses reprises et notre groupe a toujours formulé les mêmes recommandations en la matière. Nous sommes convaincus que notre pays et nos concitoyens ont besoin d'une réforme fiscale d'ampleur, profonde et qui devra répondre à trois objectifs : d'abord, un objectif de clarté, pour que chaque citoyen puisse comprendre quels impôts et taxes il paye, à quel niveau et à quoi ça sert ; en somme redonner du sens à l'impôt et redonner un rôle et une place à chaque citoyen dans notre société, par sa contribution mais également de façon que chacun sache ce que l'État lui apporte.
Le deuxième objectif est celui de la justice fiscale : il tient compte des principes fondamentaux de solidarité et de répartition qui fondent notre système social et le fonctionnement même de notre société.
Enfin et peut-être surtout, nous devons partager un objectif de stabilité. Il faut arrêter de revenir constamment sur ces questions fiscales. Menons ensemble une grande réforme, stable et sur laquelle nous pourrions nous engager pour les cinq ou dix prochaines années. Il n'est plus tenable de bousculer la fiscalité à chaque PLF, voire à chaque PLFR. Comment donner confiance aux investisseurs, aux entrepreneurs et aux Français s'ils ne peuvent pas connaître les règles fiscales qui leur seront appliquées dans les six mois ? C'est d'ailleurs une des préconisations formulées par le prix Nobel d'économie Jean Tirole, le 11 février 2015 devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, où il évoquait « la nécessité d'une approche bipartisane, qui persuadera les acteurs économiques que les réformes seront stables. »
J'en viens à la proposition de loi. Celle-ci propose le rétablissement pur et simple de l'ISF, tel qu'il existait avant sa transformation en impôt sur la fortune immobilière IFI. Il est important en effet d'employer les bons termes : l'ISF n'a pas été supprimé comme on peut l'entendre, il a été réformé pour ne peser que sur le patrimoine immobilier. Il existe donc toujours bel et bien un impôt sur la fortune en France.
Rétablir l'ISF dans son ancienne forme ne peut être satisfaisant : revenir en arrière au bout d'un an à peine, sans prendre le temps d'évaluer les retombées économiques, nous semble tout à fait prématuré et ne ferait que nourrir l'instabilité que j'évoquais précédemment, laquelle constitue une grande faiblesse pour notre économie et nuit aux investissements de nos entreprises.
Par ailleurs, vous le savez, chers collègues, votre objectif principal de fiscaliser les gros patrimoines est d'avance manqué puisque les plus grandes fortunes échappaient à l'ISF ancienne version : sur les cinquante plus grandes fortunes françaises, onze ne payaient pas l'ISF !
Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2018, le groupe UDI-Agir et indépendants a soutenu cette réforme de l'ISF, spécificité française qui nuisait à l'attractivité de notre pays, aussi bien sur notre territoire qu'à l'étranger. D'ailleurs, la majorité de nos voisins, notamment l'Allemagne, le Danemark, la Suède, ont renoncé à un tel impôt, et je pense que ce n'est pas pour rien. Il faut évidemment comparer ce qui est comparable, mais lorsque les choix se révèlent judicieux, il n'y a aucune raison de tergiverser. L'ISF poussait environ 800 ménages par an, plus ou moins fortunés, à quitter notre pays. Cela peut paraître peu, mais le coût de ces départs au cours des trente dernières années a été évalué à près de 200 milliards d'euros car aux recettes d'ISF non perçues du fait de leur départ il faut ajouter la perte des recettes d'impôt sur le revenu, de CSG et de TVA.
Ces particuliers sont majoritairement des entrepreneurs qui ont réussi à créer puis à vendre leur entreprise. Les faire fuir par une fiscalité trop lourde entraîne, pour notre pays, une perte d'investissements, d'intelligence et de compétences indispensables à notre attractivité économique. L'ISF contribuait donc à la disparition du tissu entrepreneurial français et affectait le potentiel de la croissance française.