Intervention de Muriel Pénicaud

Séance en hémicycle du jeudi 7 mars 2019 à 9h30
Augmenter le salaire minimum et les salaires en accompagnant les très petites les petites et les moyennes entreprises — Présentation

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

Je ne doute pas que vous soutiendrez ce type de mesures lors de la nouvelle lecture de ce texte.

À partir de ces constats, la démarche du Gouvernement est claire : il faut continuer à stimuler la croissance et la rendre riche en emplois, tout faire pour qu'elle soit inclusive, et soutenir le pouvoir d'achat des travailleurs les moins qualifiés, sujet au coeur de votre proposition de loi. Pour y parvenir, notre approche consiste à jouer sur tous les leviers qui stimulent l'emploi, la qualité de l'emploi et les revenus, plutôt que de le pénaliser. C'est en particulier le cas de la prime d'activité, dont je rappelle que 1,1 million de Français supplémentaires bénéficient désormais grâce aux mesures qui ont été annoncées par le Président de la République le 10 décembre dernier et inscrites peu après dans la loi portant mesures d'urgence économiques et sociales. Combinée à l'augmentation automatique du SMIC, la revalorisation de la prime d'activité représente au minimum 100 euros de plus au niveau du SMIC. D'autres mesures, telles que la défiscalisation et la désocialisation des heures supplémentaires pour le salarié ou encore la prime exceptionnelle, complètent cet effort sans précédent au profit des travailleurs, en particulier de ceux qui ont les revenus les plus faibles.

Venons-en au coeur du sujet qui nous divise : faut-il augmenter fortement et brutalement le SMIC pour accroître le pouvoir d'achat ou compléter l'augmentation salariale par cette solidarité qu'est la prime d'activité, pour permettre aux plus bas revenus d'avoir une vie plus digne ? L'inconvénient de votre proposition, monsieur le rapporteur, c'est qu'elle se traduirait par des destructions d'emplois. Et je ne pense pas que personne ici veuille que l'on choisisse entre le pouvoir d'achat et l'emploi. Il faut donc trouver le meilleur mix, qui permette de favoriser les revenus des salariés les plus modestes tout en continuant de favoriser la création d'emplois.

Ma conviction et mon expérience me suggèrent qu'en matière d'aides aux entreprises, il faut privilégier la simplicité. Vous avez évoqué le CICE, et nous sommes d'accord sur un point : le CICE était très compliqué. C'est pourquoi le Gouvernement a choisi de le transformer en allégements de charges pérennes. Son évaluation par France Stratégie a en effet montré que le dispositif était perçu par les acteurs de terrain comme une mesure complexe, potentiellement réversible, bénéfique a posteriori et donc pénalisante pour les TPE-PME. Cela a pu limiter les décisions d'embauche et d'investissement. Au contraire, les allégements de charges sont plus prévisibles et faciles à anticiper pour les employeurs, en particulier pour les dirigeants des TPE-PME.

Je tiens à insister sur le sujet des petites entreprises, qui, elles aussi, ont été nombreuses dans les mouvements sociaux des derniers mois, exprimant en permanence leurs préoccupations s'agissant du poids des charges sur le coût du travail, qui est réel. Nous voulons alléger : c'est un effet incitatif à l'embauche. Les évaluations des dispositifs d'allégement de charges montrent que leur impact sur l'emploi est important et beaucoup plus efficace qu'un crédit d'impôt a posteriori. C'est la raison pour laquelle les mesures prises par le Gouvernement conduiront, en octobre 2019, à annuler les charges sociales au niveau du SMIC et à les rendre dégressives jusqu'à 2,5 SMIC.

La démarche du Gouvernement consiste à soutenir le pouvoir d'achat, mais sans rien lâcher sur l'objectif de réduction du chômage de masse, au coeur de notre engagement. Cet équilibre fondé sur deux piliers, le pouvoir d'achat renforcé pour tous ceux qui ont les salaires les plus bas, mais aussi plus de travail pour plus de nos concitoyens, est très important. Car, comme vous l'avez dit, la dignité du travail, c'est aussi de gagner sa vie par son travail sans devoir attendre une aide. Lorsque plus de personnes retrouvent le chemin du travail, plus de personnes vivent dignement de leur travail.

Il faut également, c'est évident, renforcer le pouvoir de négociation salariale des travailleurs et de leurs représentants et ainsi augmenter le pouvoir d'achat par le dialogue social, car on ne négocie pas de la même manière quand le taux de chômage dans un secteur d'activité est de 15 % ou quand il est de 5 %, ou selon le taux de compétitivité du secteur. C'est pour cette raison que nous croyons autant aux négociations de branche en la matière.

D'ici quelques jours, le grand débat national prendra fin. Il fournira à la nation de multiples propositions tirées du quotidien des Français. Le Gouvernement s'en inspirera pour répondre aux demandes exprimées par nos concitoyens. Les décisions prises seront cohérentes avec le cap fixé par le Président de la République : permettre à chacun de vivre dignement de son travail, c'est-à-dire de disposer de revenus décents, tout en maintenant la lutte contre le chômage au premier rang de nos priorités.

La question du pouvoir d'achat des travailleurs est réelle. C'est pourquoi, comme je l'ai dit, un mix entre salaires et augmentation de la prime d'activité, c'est-à-dire entre revenus du travail et solidarité, est pour nous la meilleure manière de faire converger développement économique et progrès social.

Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement donnera, monsieur le rapporteur, un avis défavorable à votre proposition de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.