Intervention de Stéphane Viry

Séance en hémicycle du jeudi 7 mars 2019 à 15h00
Augmenter le salaire minimum et les salaires en accompagnant les très petites les petites et les moyennes entreprises — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Viry :

... destiné à faire avancer le logiciel France sur cette question de la rémunération du travail.

Cette proposition de loi s'inscrit dans le contexte actuel de la crise des gilets jaunes et d'une absence, selon vos propos, monsieur le rapporteur, de « coup de pouce » au SMIC depuis 2012. Elle évoque en miroir le pouvoir d'achat et traduit, plus généralement, la nouvelle question sociale qui se pose à notre nation. Sur le pouvoir d'achat, force est de constater une hausse du coût de la vie, qui frappe les plus modestes et les classes moyennes depuis plusieurs décennies. Des biens et des services sont devenus plus chers au fil du temps pour diverses raisons. Les coûts du logement ou de l'énergie, par exemple, sont plus élevés, ce qui place des ménages en difficulté, dès lors que les salaires n'évoluent pas proportionnellement. Quant à notre modèle économique et social, je l'ai dit lors de nos travaux en commission des affaires sociales et je l'exprime à nouveau devant vous, il est à bout de souffle et doit être revu pour ne pas conduire le pays à un épuisement, qui, in fine, ferait craindre un effondrement démocratique face à la colère qui ne cesse de gagner du terrain. L'accès à l'emploi demeure pour nous tous, madame la ministre, la clef et l'objectif de la refondation de notre modèle économique et social.

Mes chers collègues, la place et la fonction du SMIC dans notre système économique et social sont importantes, mais ambivalentes, et illustrent la difficulté du sujet. Il importe que le travail paie – je l'ai dit et le redis – , mais que le salaire ne soit pas un frein à l'embauche. Notre situation est difficile, puisque le SMIC est plus élevé en France que dans les autres pays, cette situation étant compensée par une très faible imposition des bas salaires, qui grève les comptes sociaux du pays. Telle est la réalité qui prévaut en France depuis trop d'années.

Les députés communistes proposent aujourd'hui d'augmenter très fortement le minimum salarial, jusqu'à 1 800 euros bruts en 2022, soit une hausse de près de 300 euros par rapport à 2019. Pour soutenir les TPE et les PME, ils suggèrent de créer un fonds d'aide, financé par la suppression des exonérations de cotisations patronales qui résultent de la transformation du CICE dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. Monsieur Peu, vous justifiez la suppression du CICE par des résultats incertains et par une absence de création d'emplois. Il est trop tôt, selon moi, pour estimer l'impact de la suppression du CICE. Je rappelle, s'il en est besoin, que ce crédit d'impôt n'avait pas pour objet premier de créer des emplois, mais de soutenir la compétitivité des entreprises, en leur permettant de gagner des marges de manoeuvre pour innover, investir et, in fine, recréer des emplois. Le groupe Les Républicains s'est toujours opposé au CICE, considérant qu'il s'apparentait à une usine à gaz beaucoup trop complexe pour atteindre les objectifs fixés.

Cependant, nous ne pouvons pas suivre votre raisonnement consistant à affecter les exonérations de charges sociales provenant de la suppression du CICE à un fonds d'aide aux très petites, petites et moyennes entreprises, destiné à amortir l'augmentation du SMIC.

Plus généralement, l'augmentation du SMIC reviendrait à renchérir le coût du travail. Les entreprises françaises ont besoin de retrouver des marges pour assurer leur pérennité et pour gagner en compétitivité : je crains qu'elles ne puissent pas absorber des coûts supplémentaires, notamment salariaux. Nous prendrions le risque, au mieux d'un arrêt des premières embauches, au pire d'une destruction d'emplois, notamment dans des délocalisations que vous, comme moi, combattons avec force. Les premières victimes en seraient les jeunes, les seniors et les personnes disposant de peu de qualification, la mobilisation pour ces dernières devant s'opérer – je sais que nos avis convergent sur ce point.

Je ne partage pas votre constat, monsieur Peu, car il me paraît que, grâce aux décisions prises, la France regagne un peu de compétitivité, ce dont je me réjouis. Les politiques d'exonération de cotisations employeurs ont porté leurs fruits : dans l'industrie, le coût horaire moyen en France est aujourd'hui inférieur à celui de l'Allemagne ; de même, le coût du salaire minimum est moins élevé qu'en Allemagne, aux Pays-Bas ou en Belgique. Malgré ces améliorations, le SMIC français est le cinquième plus élevé d'Europe ; certes, les salaires sont très faibles dans certains pays, mais d'autres, comme la Suède, l'Italie ou le Danemark, n'ont pas de salaire minimum. Le coût horaire moyen du salaire en France reste plus élevé qu'en Allemagne et, a fortiori, que dans d'autres pays comme la Pologne. Je cite ce pays, car une entreprise vosgienne vient de se délocaliser en Pologne. Le coût de votre proposition pour les entreprises nous empêche de vous suivre.

Par ailleurs, nous sommes soucieux des finances de l'État et de l'intérêt général. Or une augmentation du SMIC pèsera sur les finances de l'État, car les exonérations de cotisations patronales sont calculées en fonction du SMIC. Plus celui-ci sera élevé, plus ces exonérations porteront sur des salaires élevés alors que certaines d'entre elles portent sur les salaires inférieurs ou égaux à 2,5 SMIC.

Enfin, un SMIC élevé induit un fort risque de trappe à bas salaires. En effet, il bloque de nombreux salariés dans le revenu minimum et exclut les plus faibles de l'emploi, ce qui alourdit à la marge les coûts sociaux pour l'État.

Forts de ces observations, nous considérons que votre proposition de loi, chers collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, n'atteint pas l'objectif majeur d'une modernisation de notre système économique et social.

À tout le moins, cette mesure ne nous semble pas viable. Son application alourdirait les charges pesant sur les entreprises et sur les finances de l'État. C'est pourquoi le groupe Les Républicains ne peut la soutenir.

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