Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du jeudi 7 mars 2019 à 15h00
Revenus du conjoint dans le calcul de l'allocation aux adultes handicapés — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Le présent texte a le mérite de remettre sur la table la question des ressources dont peuvent bénéficier les personnes atteintes de handicap. C'est une question importante, une question de justice sociale pour ces personnes que la solidarité nationale doit soutenir lorsqu'elles se trouvent dans l'incapacité de travailler.

Un adulte handicapé dans l'incapacité de travailler peut bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés. De nombreuses associations de personnes handicapées réclament depuis longtemps, très longtemps, trop longtemps, une réforme de cette aide. On peut le comprendre. En effet, non seulement cette aide s'élève à 860 euros au maximum, mais en plus les revenus du conjoint sont pris en compte dans son calcul. Bref, l'AAH n'est pas la panacée pour les personnes handicapées dans l'incapacité de travailler.

Et la situation devient carrément ubuesque lorsque ces personnes sont mariées ou pacsées : si leur conjoint gagne plus de 1 126 euros par mois, leur allocation devient dégressive et, à partir de 2 200 euros de revenus, elle est tout simplement supprimée. Qui peut croire qu'il soit possible pour un couple de vivre décemment avec un tel revenu, surtout lorsque le handicap de l'un des conjoints implique des coûts d'aménagements, de traitements ou encore de transports qui peuvent être très importants. Comme le rapportent des associations – cela a été dit à plusieurs reprises – , certaines personnes handicapées renoncent même au mariage afin de sauver leur allocation ; cette situation n'est pas tolérable.

L'objectif de ce texte est donc louable. La revalorisation de l'AAH à 900 euros à la fin de l'année 2019 est la bienvenue. Toutefois elle ne réglera malheureusement pas le problème si les personnes handicapées mariées en sont exclues.

Je ne suis cependant pas favorable à la suppression pure et simple de la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de cette aide car je ne pense pas que la solidarité de l'État doive primer sur la solidarité familiale. Au contraire, la solidarité nationale vient compléter la solidarité familiale lorsque cette dernière fait défaut.

L'importance de la solidarité familiale est constitutive des liens familiaux. La solidarité est l'un des devoirs qui incombent aux époux dans le cadre du mariage. Ce devoir de secours s'étend même aux beaux-parents ainsi qu'aux gendres et aux belles-filles. De nos jours, le lien de dépendance entre époux est souvent considéré comme dégradant, à tort ; notre société, je crois, doit changer de regard à ce sujet.

En revanche, le mode de calcul de l'AAH pose un problème grave car il faut assurer un minimum d'autonomie aux personnes handicapées. C'est pourquoi je crois que les plafonds utilisés pour prendre en compte les revenus du conjoint doivent être revus sérieusement à la hausse. Une personne handicapée dont le conjoint gagnerait moins de deux fois le salaire médian par mois doit pouvoir toucher intégralement l'allocation. C'est ce que je proposais dans mes amendements, que la majorité refusera malheureusement d'examiner en adoptant la motion de rejet préalable.

De plus, il faut revenir sur la décision, prise dans la dernière loi de finances, de suppression du complément de ressources. Cette aide, qui venait compléter l'AAH, a été supprimée, sous couvert de simplification, au profit exclusif de la majoration pour la vie autonome, évidemment moins élevée. L'attitude de la majorité vis-à-vis du handicap est souvent affligeante : beaucoup de mots qui peinent à masquer des mesurettes n'ayant d'autre but que de faire des économies.

Une fois encore, la majorité a procédé à son habituel travail de sape à l'égard des textes qui n'émanent pas d'elle, en présentant une nouvelle motion de rejet. C'est bien dommage, car si l'on peut ne pas être d'accord avec la proposition de loi, on ne peut pas nier qu'il y a là un vrai sujet, un vrai problème, et nous attendons toujours les propositions de la majorité. Mais non ! Trouver des solutions quand il est si confortable de conserver ses oeillères et regarder les autres depuis son piédestal, c'est tellement plus facile !

La situation des personnes atteintes de handicap réclame toute notre attention, pas seulement des aides financières. Car le plus important et le plus malheureux, c'est que 32 % d'entre elles déclarent se sentir seules. Il est temps de s'interroger, ensemble, sur la place que nous leur attribuons et sur le regard que nous portons sur eux.

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