Avant toute chose, permettez-moi de vous redire ma conviction, qui est aussi celle de tout le Gouvernement : la réussite de la transition énergétique passe par le renforcement de la finance verte. C'est cette conviction qui guide notre action pour verdir la finance française – et pas seulement l'épargne populaire – depuis presque deux ans.
Je reviendrai brièvement sur les principaux chantiers que nous avons menés.
Je pense tout d'abord au « Climate Finance Day ». Cet événement entièrement consacré au verdissement de la finance s'est tenu pour la première fois en 2017. À cette occasion, nous avons pris des engagements forts, qui ont tous été tenus.
Le premier est le renforcement de notre obligation assimilable du Trésor – OAT – verte qui, avec un encours de 15 milliards d'euros, est le plus gros encours de ce type au monde.
Le deuxième est la mise en oeuvre de la charte des investisseurs publics en faveur du climat : en 2017, tous les investisseurs institutionnels publics, représentant près de 600 milliards d'euros d'investissements, se sont engagés à intégrer la dimension climatique dans leur politique d'investissement.
Le troisième engagement, qui est le plus important à mes yeux, est celui de permettre aux Français de mobiliser leur épargne pour le climat. Nous nous sommes ainsi engagés à ce que tous les nouveaux placements des épargnants dans les livrets de développement durable et solidaire centralisés à la CDC aillent exclusivement à des investissements verts. L'intégralité des nouveaux flux du LDDS centralisés au Fonds d'épargne sera dorénavant destinée à financer des emplois verts.
Nous avons aussi inscrit des mesures importantes dans la loi PACTE – plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises – , qui reviendra bientôt en deuxième lecture devant votre assemblée. Nous avons même évoqué hier soir avec certains d'entre vous l'intégration de la transition écologique et énergétique dans des supports en unités de compte et l'instauration d'un reporting transparent à cet égard pour les épargnants.
Je pense à ce que nous faisons pour verdir l'assurance-vie qui, avec 1 700 milliards d'euros d'encours, est de loin le placement préféré des Français : à partir de 2022, tous les contrats d'assurance vie devront proposer des unités de compte vertes, solidaires et responsables. Je pense aussi au renforcement des compétences de l'Autorité des marchés financiers en matière de reporting climatique. Je pense, enfin, à l'introduction des enjeux environnementaux dans la gestion de toutes les entreprises.
Bien sûr, nous pouvons et nous devons aller plus loin dans le renforcement de la transparence en matière de finance verte. À cet égard, nous progressons d'abord au niveau européen. Comme vous le savez, en effet, la Commission européenne a proposé en mai dernier un paquet pour verdir la finance, qui vise à renforcer la transparence sur les risques climatiques et à développer des outils permettant de construire des produits financiers verts, comme une taxonomie des activités vertes. La France soutient pleinement le travail de la Commission européenne et nous sommes mobilisés depuis de nombreux mois pour parvenir à une adoption rapide de ce paquet climat.
Au niveau national, nous allons également faire le bilan de l'article 173 de la loi sur la transition énergétique, qui oblige les sociétés d'assurance à publier un rapport annuel sur leur prise en compte des critères environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance. Nous sommes donc ponctuels dans la tenue de nos engagements. Cette évaluation donnera lieu à un rapport du Gouvernement dans le courant du semestre. Nous pourrons ensuite en tirer les conséquences et envisager, si nécessaire, des adaptations aux obligations de reporting applicables au secteur financier. Nous associerons les parlementaires à ces travaux.
La proposition de loi que nous discutons est une bonne occasion d'approfondir notre réflexion commune, tout particulièrement sur la question de l'épargne populaire.
Je tiens à remercier le groupe GDR, et plus particulièrement la députée des Hauts-de-Seine, Elsa Faucillon. Je remercie également le groupe majoritaire et Bénédicte Peyrol pour avoir apporté une contribution constructive, à travers ses amendements. Cette séance nous permet d'engager le débat sur un sujet majeur et je suis certaine que nous aurons encore de nombreuses occasions de poursuivre nos discussions et de continuer à mettre la finance au service de la transition énergétique.
Ces éléments étant posés, je voudrais maintenant revenir brièvement sur les quatre articles de cette proposition de loi.
Votre article 1er veut préciser les règles d'utilisation des fonds du livret A et du LDDS conservés par les banques. Vous souhaitez d'abord que les ressources non centralisées de l'épargne réglementée soient employées exclusivement pour les usages définis dans cet article. Je rappelle que l'encours des prêts des banques aux PME était plus de deux fois supérieur aux encours non centralisés de l'épargne réglementée en 2017. Par ailleurs, l'Observatoire de l'épargne réglementée estime que l'obligation de consacrer 10 % des fonds non centralisés au financement de travaux d'économie d'énergie dans les bâtiments anciens est globalement respectée.
Vous demandez ensuite la remise au Parlement d'un rapport trimestriel sur les emplois du livret A et du LDDS. Ce serait complexe et coûteux, et je ne suis pas certaine que cela serait très utile, car l'Observatoire de l'épargne réglementée rend déjà un rapport annuel sur ce sujet, qui est adressé au Parlement. En revanche, il est souhaitable que ce rapport annuel soit enrichi à propos des emplois durables, puisque le projet de loi PACTE précise désormais que l'épargne non centralisée peut être affectée à tous les projets « contribuant à la transition énergétique ou à la réduction de l'empreinte climatique ».
L'article 2 vise à instaurer une obligation de transparence sur les prêts et participations financières des banques pour des activités liées aux hydrocarbures et au charbon, pays par pays. Le Gouvernement est tout à fait favorable à l'intégration du risque climatique dans la typologie des risques financiers pour les établissements de crédit et entreprises d'investissement. Nous y travaillons, du reste, au niveau européen : c'est le principe de la directive CRD V sur les fonds propres réglementaires – en anglais : « Capital requirements directive » – , qui est en cours de discussion en trilogue, c'est-à-dire à un stade relativement avancé du processus de son approbation. Son but est simple et ambitieux : il est d'obliger les superviseurs à analyser le profil de chaque établissement à l'aune de ses risques environnementaux, sociaux et de gouvernance – ESG – , et donc des risques climatiques.
Nous partageons donc l'esprit de votre article, mais nous rencontrons ici un problème de calendrier. Pour parler en bon français, imposer un reporting dans la loi préempterait les discussions en cours au niveau européen sur la finance durable.
Avec l'article 3, vous voulez interdire l'emploi des sommes issues du livret A et du LDDS centralisées au fonds d'épargne pour financer des activités d'exploration et d'exploitation des énergies fossiles. Une telle précision n'est pas du niveau de la loi et je ne suis pas certaine qu'une application stricte de ce principe soit souhaitable. La CDC exclut de longue date les groupes qui réalisent plus de 10 % de leur chiffre d'affaires dans le charbon. Elle n'exclut pas, en revanche, les sociétés pétrolières et gazières – je vous rappelle à cet égard que la CDC est notamment un actionnaire significatif des énergéticiens français. Total, par exemple, est la société la plus engagée dans le développement de la batterie électrique en France : faut-il donc l'exclure des investissements de la Caisse des dépôts ?
Exiger que la CDC retire ses participations serait donc coûteux et contreproductif, car elle pratique à l'égard de ces entreprises une politique d'engagement actionnarial qui se traduit par une exigence croissante quant aux stratégies de réduction de l'empreinte carbone. En matière d'investissement socialement responsable – sujet que je connais un peu – , il existe en effet deux pratiques : l'exclusion ou l'investissement, lequel suppose une participation actionnariale qui vise, par le biais des assemblées générales ou à la faveur de la participation aux conseils d'administration, à pousser les lignes et à améliorer d'une manière continue les pratiques des entreprises concernées.
Enfin, l'article 4 vise à étendre les obligations de transparence sur les actifs détenus par les principaux gestionnaires d'actifs dans les entreprises se livrant à des activités d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures et du charbon. Cet article aussi préempte les discussions en cours au niveau européen sur la finance durable, et plus particulièrement celles qui entourent le projet de règlement sur la publication d'information par les acteurs financiers.
L'article 4 étend les obligations prévues pour les investisseurs institutionnels par l'article 173 de la loi sur la transition énergétique. Comme je l'ai déjà dit, un bilan plus approfondi de cet article sera fait d'ici à la fin du semestre. Nous pourrons alors en tirer toutes les conclusions en matière d'obligations de transparence sur la trajectoire CO2. En outre, la place de Paris s'est engagée à favoriser les investissements, financements et assurances de biens orientés vers des solutions et technologies bas carbone. La place va aussi développer des outils de mesure précis et se fixer des objectifs ambitieux, notamment pour ce qui est du financement du charbon.
Voilà les grands messages que je tenais à vous exprimer. Depuis près de deux ans, le Gouvernement agit résolument pour développer et encourager la finance verte, car c'est la condition essentielle pour relever le défi de la transition énergétique. Nous ne payons personne de mots : les mesures et les actes sont là.
Bien sûr, ce chantier n'est pas clos. Nous pouvons faire mieux et aller plus loin, mais nous devons aussi avancer en concertation avec les autres pays européens. Plusieurs des mesures que vous proposez dans le texte que nous examinons me paraissent soulever des difficultés juridiques et techniques réelles, dont nous devons discuter.