Intervention de Agnès Firmin Le Bodo

Séance en hémicycle du jeudi 7 mars 2019 à 21h30
Transparence dans l'utilisation de l'épargne populaire en matière énergétique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAgnès Firmin Le Bodo :

La transition énergétique est une préoccupation essentielle pour nos concitoyens et vitale, à terme, pour notre société. Elle doit être au coeur de nos débats mais il ne faut pas oublier que le mouvement des Gilets jaunes est né de la trajectoire insoutenable de la taxe sur les carburants. Nous devons en effet garder en mémoire que la genèse du mouvement social des Gilets jaunes s'explique par une écologie punitive dont il convient de se détourner pour nous orienter vers des mesures positives.

La proposition de loi qui nous est présentée vise à ré-allouer les flux financiers visant initialement l'investissement dans les énergies fossiles vers les énergies renouvelables. Il est louable et nécessaire de s'assurer que l'épargne populaire des Français soutienne massivement la lutte contre le dérèglement climatique et ne finance plus les énergies fossiles. La finance doit prendre sa part dans la lutte contre le changement climatique. Les outils actuels – français ou européens – sont insuffisants pour garantir une finance durable. Nous ne pouvons que nous rallier à ce constat.

Toutefois, dans sa rédaction actuelle, la proposition de loi ne permettrait pas d'atteindre ces objectifs. C'est pourquoi nous serons attentifs au sort réservé aux amendements proposés.

La première étape d'un tel chantier serait de faire un bilan des dispositifs qui existent déjà. Notre collègue Bénédicte Peyrol a indiqué en commission des finances avoir demandé un rapport à la mission d'évaluation et de contrôle sur le bilan de l'application de l'article 173 de la loi relative à la transition énergétique.

Plusieurs aspects de la proposition de loi sont déjà satisfaits. Si cela semble être le cas de l'article 1er, ses dispositions peuvent néanmoins constituer une avancée. Il prévoit en effet que les fonds servent « exclusivement » à investir dans les PME et à financer la transition énergétique des bâtiments. Certes, en l'état actuel du droit, l'utilisation des fonds est déjà encadrée. De plus, le rapport de l'Observatoire de l'épargne réglementée indique que cet argent va bien aux PME, et même au-delà des indications données par l'arrêté. Cependant, l'ajout du terme « exclusivement » pourrait constituer une plus-value.

L'article 2 demande aux établissements bancaires une publication annuelle de leurs données détaillées sur les financements de projets, prêts bilatéraux ou syndiqués, détention ou achat de titres des entreprises se livrant à des activités d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures et du charbon. L'exigence d'information est louable ; néanmoins, deux aspects nous semblent problématiques : la complexité accrue pour les établissements de crédit et la difficulté à vérifier de manière exhaustive la mise en oeuvre de cette demande.

L'article 3 vise à ce que les sommes déposées par les épargnants sur les livrets dont les dépôts sont centralisés dans le fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations ne puissent être utilisées pour l'acquisition et la gestion de titres de capital ou de titres de créance d'entreprises se livrant à des activités d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures et du charbon. Il est intéressant sur le principe car la Caisse des dépôts et consignations possède des participations financières dans des secteurs carbonés.

Enfin, l'article 4 ajoute aux obligations qui pèsent sur les entreprises d'assurance et de réassurance, les mutuelles et un certain nombre d'établissements, une obligation de transparence sur la gestion de leur portefeuille d'actifs afin d'identifier les éventuels investissements réalisés au bénéfice d'entreprises se livrant à des activités d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures et du charbon. Encore une fois, sur le principe, nous n'y sommes pas opposés mais ce type de règle risque de créer une distorsion avec les concurrents étrangers de ces établissements.

Bien sûr, il faut décarboner notre économie mais la principale difficulté, c'est que nous sommes dans une économie en transition. Il importe que nos banques continuent à dégager des rendements pour accompagner ce mouvement et orienter les investissements vers la transition écologique tout en préservant les intérêts des particuliers.

Sans équilibre, d'autres acteurs pourraient être amenés à orienter les investissements de nos épargnants sans forcément tenir compte de notre désir d'accompagner la transition écologique. De plus, beaucoup d'établissements investissent déjà fortement, sans y être contraints, dans les PME et dans les énergies renouvelables.

Cette proposition de loi traite d'un sujet fondamental : comment orienter l'investissement vers les projets en faveur de la transition écologique ? Il faut cependant garder à l'esprit que nous devons plus encourager que punir afin que les établissements financiers renforcent volontairement leurs activités dans le secteur environnemental. Il ne faut pas céder à une nouvelle tentation d'écologie punitive !

En conséquence, le groupe UDI, Agir et indépendants se montrera bienveillant à l'égard de cette proposition de loi. À 23 heures 30, nous sommes satisfaits de pouvoir enfin débattre !

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