Intervention de François Ruffin

Réunion du jeudi 7 mars 2019 à 9h35
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Ruffin :

Avec cet article, il s'agit de permettre la privatisation intégrale d'Engie. À l'automne dernier, le mouvement des « gilets jaunes » est pourtant né d'une crise de l'énergie, et les crises qui se dessinent pour l'avenir sont également des crises de l'énergie, avec le risque d'une raréfaction des matières premières entraînant une hausse des cours. Se priver, à ce moment-là, d'un outil de régulation, c'est évidemment être à contretemps.

On pourrait dire que cela ne va pas changer grand-chose, malheureusement, car l'État, même s'il est actuellement actionnaire, ne joue pas son rôle. Il nous faut un État actionnaire des entreprises d'énergie, mais qui joue véritablement son rôle d'actionnaire. Par exemple, au comité des rémunérations, alors que l'État dispose encore de 36 % des voix, il ne s'est trouvé qu'une seule personne pour décider qu'on ne verserait pas autant de dividendes – car toute la politique d'Engie est aujourd'hui tournée vers les dividendes.

Nous avons aussi besoin de l'État actionnaire pour mener une politique sociale. Combien de fois me suis-je trouvé face à des gens qui, ne parvenant plus à régler leurs factures de gaz, se voient très rapidement privés d'énergie alors qu'ils doivent chauffer leur logement et cuire leurs aliments ? Or il n'y a plus personne au bout du fil : la possibilité de recourir à une assistante sociale n'existe plus, contrairement à ce qui se passe encore – au moins un peu – chez EDF, par exemple. Il y a donc une déperdition : l'État devrait exiger qu'il y ait une politique du gaz pour tous les particuliers et que, quand certaines personnes ont des difficultés à payer, elles puissent avoir facilement un interlocuteur au bout du fil. Or cet interlocuteur s'est encore éloigné, puisque Engie a pris la décision de délocaliser la quasi-totalité de ses centres d'appels, et ce alors même que l'État est actionnaire. Autrement dit, l'État a laissé faire cette délocalisation généralisée d'un service rendu au public. Alors, en effet, on peut craindre qu'en définitive la privatisation intégrale que vous préparez sous couvert de lever les entraves à la croissance d'Engie ne change pas grand-chose car, d'ores et déjà, l'État ne joue pas son rôle.

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