Intervention de Ian Boucard

Réunion du jeudi 7 mars 2019 à 9h35
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIan Boucard :

Nous souscrivons à l'objectif général de ce chapitre, mais nous appelons à ne pas perdre de vue l'objectif de simplification, qui est également défini très clairement dans le projet de loi PACTE.

Ce chapitre a pour objet de rendre les entreprises plus justes : vaste objectif ! Le groupe Les Républicains est évidemment favorable au développement de l'intéressement et de la participation, car c'est un héritage gaulliste qui nous tient à coeur. Le Sénat a apporté des améliorations sur ces questions et j'espère que nous arriverons à vous convaincre de les conserver. Nous en proposerons d'autres, via d'excellents amendements de notre collègue Daniel Fasquelle.

De la même manière, nous sommes favorables au renforcement du nombre des administrateurs salariés dans les conseils d'administration et les conseils de surveillance. Nous souhaitons aussi qu'ils soient mieux formés, afin de participer pleinement aux débats qui s'y tiennent. Grâce à un dialogue social renforcé et apaisé, ce sont, in fine, de meilleures décisions qui seront prises dans l'intérêt de l'entreprise et des salariés.

Pour notre groupe, il existe néanmoins un point de blocage dans ce texte : l'article 61, qui donne à l'entreprise un intérêt social – ou une « raison d'être » –, inscrit à l'article 1833 du code civil. Cet article crée une obligation de moyens à la charge du chef d'entreprise, qui devra évaluer l'impact social et environnemental de chacune de ses décisions. Cette notion présente un risque, d'abord parce qu'elle est extrêmement large : avant toute prise de décision, un dirigeant de société devra évaluer son impact sur l'emploi, la santé, la formation, l'identité de traitement, la pollution, le changement climatique – et la liste n'est pas exhaustive. Par ailleurs, dans la mesure où l'on introduit une obligation de moyens, il devra pouvoir apporter la preuve qu'il a effectivement pesé tous les risques, dans le cas où il ferait l'objet d'une procédure judiciaire.

Une telle disposition est totalement irréaliste pour une TPE ou une PME : permettre au juge d'entrer dans nos entreprises est tout de même risqué, à l'heure où nous voulons simplifier la vie des entrepreneurs et favoriser la croissance et la transformation des entreprises. Le non-respect de cette obligation de moyens peut potentiellement entraîner une action en responsabilité à l'égard du dirigeant, du fait d'une faute de gestion. L'étude d'impact que vous nous avez fournie précise elle-même que les conséquences sur la responsabilité de la société et du dirigeant sont difficiles à anticiper.

En résumé, cette mesure peut sans doute s'appliquer aux grands groupes et aux entreprises du CAC 40, qui pourront compter sur les conseils de cabinets de conseil, d'avocats et de juristes pour juger de l'adéquation de leurs décisions avec la nouvelle rédaction de l'article 1833 du code civil. En revanche, son application semble irréalisable pour les dirigeants de PME et de TPE. Cette disposition pourrait, à terme, ralentir la croissance et la transformation des entreprises, qui est pourtant l'objet de ce texte, comme son titre l'indique. Nous proposerons donc de maintenir la suppression de l'article 61, votée par nos collègues sénateurs.

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