Intervention de Coralie Dubost

Réunion du jeudi 7 mars 2019 à 9h35
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCoralie Dubost, rapporteure :

Mes chers collègues, je suis ravie que nous abordions enfin ce chapitre III, qui est à mon sens un chapitre pivot de la loi PACTE. Il crée un équilibre favorable au positionnement des entreprises et des salariés dans l'économie et la société.

Le premier élément essentiel de ce chapitre, c'est la reconnaissance, dans la loi, de l'impact positif des entreprises sur la société. C'est évidemment la consécration, dans le code civil, de l'intérêt social et des enjeux sociaux et environnementaux qui peuvent s'y rapporter. C'est aussi la faculté qui est donnée aux sociétés, de façon libre et volontaire, de se doter d'une raison d'être et de l'inscrire dans leurs statuts. Enfin, pour ceux qui veulent aller plus loin encore en matière d'engagement responsable, le texte crée le statut de société à mission, qui vient préciser à la fois la raison d'être en mission opérationnelle et valoriser le rôle des parties prenantes dans l'exécution de cette mission. C'est un tournant majeur pour l'économie du XXIe siècle.

La question qui sous-tend ce texte, au fond, c'est celle de la finalité de l'entreprise. Dans la littérature juridique, ce débat est vieux de plus de soixante-dix ans. En 1951, Georges Ripert écrivait par exemple que la fin poursuivie par l'entreprise doit être le bien commun des hommes qui coopèrent à l'entreprise. C'est un débat ancien, sur lequel la littérature de droit commercial est abondante.

Certains d'entre vous trouvent que nous n'allons pas assez loin, quand d'autres trouvent que nous allons beaucoup trop loin. Pour ma part, je pense que nous avons précisément trouvé un point d'équilibre.

Nous avons trouvé un bon équilibre, comme l'a bien montré Mme Laure de La Raudière. Celui-ci va permettre de sensibiliser toutes les entreprises à ce que l'on appelle communément la responsabilité sociale, ou sociétale, des entreprises, sans pour autant créer l'insécurité juridique que certains ont pointée du doigt. Je pense que nous avons trouvé une formule, qui a d'ailleurs été saluée par le Conseil d'État, pour avancer dans ce domaine sans créer le moindre risque, mais en valorisant au contraire les initiatives positives des entreprises.

Ce chapitre renforce à la fois les modes vertueux de gouvernance, en augmentant notamment le poids des administrateurs salariés, et le partage de la valeur créée en entreprise, via l'épargne salariale. La question de l'épargne salariale rejoint évidemment celle de la répartition de la valeur en entreprise, mais elle va au-delà, et si l'on remonte aux origines des dispositifs d'épargne salariale en droit français, il faut saluer l'oeuvre du général de Gaulle. Nous sommes les héritiers de trois ordonnances de 1967, qu'il a défendues avec acharnement, parce que tout le monde n'était pas de son avis à l'époque. C'est une idée à laquelle il tenait énormément et depuis longtemps, comme en témoigne son discours d'Oxford de 1941.

En 1966, il adresse une lettre à son ami Marcel Loichot : « Peut-être savez-vous que depuis toujours, je cherche, un peu à tâtons, la façon pratique de déterminer le changement, non point du niveau de vie, mais bien de la condition de l'ouvrier. » Pour lui, redonner sa place au salarié était une question de dignité. Il est absolument fondamental de remettre cette idée au goût du jour et d'y sensibiliser les entreprises du XXIe siècle. Le général de Gaulle reformule sa pensée dans ses Mémoires, lorsqu'il écrit que tout commande à notre civilisation de construire un régime nouveau « qui règle les rapports humains de telle sorte que chacun participe directement aux résultats de l'entreprise à laquelle il apporte son effort et revête la dignité d'être, pour sa part, responsable de la marche de l'oeuvre collective dont dépend son propre destin. » Et il conclut : « N'est-ce pas là la transposition sur le plan économique, compte tenu des données qui lui sont propres, de ce que sont dans l'ordre politique les droits et devoirs du citoyen ? ».

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