Intervention de Sylvain Waserman

Séance en hémicycle du lundi 11 mars 2019 à 16h00
Coopération parlementaire franco-allemande — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvain Waserman :

Monsieur le président, sehr geehrte deutsche Freunde, chers collègues, certains des débats de notre hémicycle ont une résonance particulière et la résolution que nous nous apprêtons à voter est, à cet égard, à la fois innovante et historique. Elle est le fruit d'un travail de coconstruction mené entre le Bundestag et l'Assemblée nationale : un groupe de dix-huit députés – neuf français et neuf allemands – , mandaté par nos deux assemblées pour formuler des propositions et coprésidé par Christophe Arend, Sabine Thillaye et Andreas Jung, que je salue à mon tour, a élaboré une proposition d'assemblée parlementaire franco-allemande et l'a soumise, à la mi-septembre, à Lübeck, aux deux bureaux réunis de l'Assemblée nationale et du Bundestag, qui l'ont validée – comme l'a fait une large majorité des groupes politiques – , en vue de la soumettre aujourd'hui à notre vote. Le groupe MODEM est cosignataire de cette résolution, qu'il soutient bien évidemment.

Nous attendons de cette assemblée parlementaire qu'elle poursuive trois objectifs fondamentaux. Le premier est une sorte de contrôle conjoint de nos exécutifs respectifs pour la bonne application du traité d'Aix-la-Chapelle, auquel nous attachons beaucoup d'importance. Le partage des bonnes pratiques en la matière entre nos deux parlements pourra aussi être mutuellement bénéfique.

Le deuxième objectif consiste à travailler très concrètement sur la convergence de nos deux droits. Lors des réunions du groupe de travail, nous avons souvent évoqué la transposition des directives européennes : nous sommes, pour beaucoup d'entre nous, favorables à une logique qui voudrait que, par défaut, nous transposions de la même façon les directives européennes en France et en Allemagne, tout en gardant notre liberté de faire différemment si nécessaire. Aujourd'hui, en effet, c'est presque par accident que la transposition est identique. L'Assemblée parlementaire peut donc aider à la vigilance sur ce point.

Elle peut également nous aider à rapprocher nos deux droits sur des sujets fondamentaux, comme l'environnement réglementaire de nos entreprises, si important notamment pour nos PME. C'est l'objet d'une initiative de la société civile, qui réunit 200 juristes français et allemands pour travailler sur la convergence de nos deux droits en vue de faire émerger un code franco-allemand des affaires qui serait l'embryon d'un code européen dans ce domaine. L'Assemblée parlementaire franco-allemande peut devenir l'outil opérationnel de telles initiatives et de cette convergence, qui est définie en tant qu'objectif dans le traité d'Aix-la-Chapelle.

Le troisième objectif consiste à identifier des positions communes entre nos commissions thématiques respectives, afin de de peser plus et mieux à l'échelon européen. Les parlements nationaux doivent pleinement jouer leur rôle dans cette logique européenne, ce qui nous permettrait d'ailleurs d'entretenir une communication plus abondante et plus structurée avec nos collègues du Parlement européen – dont je rappelle à mon tour, cher Patrick Hetzel, que le siège est à Strasbourg et a vocation à y rester.

Si nous sommes favorables à cette assemblée parlementaire franco-allemande, c'est parce que nous fondons ce raisonnement sur la conviction que, dans l'état de fragilité dans lequel se trouve aujourd'hui l'Union européenne, la France et l'Allemagne ont une responsabilité particulière, du même ordre que celle qui incombait à cette relation franco-allemande à l'époque des pères fondateurs, lors de la création de l'Union.

Un rapport parlementaire de la commission des affaires étrangères nous a donné l'occasion de travailler avec de nombreux économistes et de souligner en particulier que si, lors de la création de la monnaie unique, la zone euro avait pour objet la convergence de nos économies, la réalité est aujourd'hui celle d'une divergence. Nombre des solutions institutionnelles européennes ne sont pas assez déterminantes pour franchir le pas de cette convergence : à vingt-sept, avec la règle de l'unanimité, c'est parfois impossible et, à dix-neuf, c'est parfois trop tard. Le couple franco-allemand peut impulser une logique nouvelle en ce sens, en fédérant le plus grand nombre possible de nos collègues européens, pour définir une nouvelle cible de convergence vers laquelle nous pourrions cheminer en parallèle et faire progresser cet esprit de convergence au sein de l'Union. C'est ce que j'appelle la « convergence parallèle » – j'espère que Cédric Villani ne sera pas offensé de cet oxymore mathématique.

Le groupe de travail des dix-huit députés a montré l'exemple de ce que pouvait être la relation entre nos parlements, faite d'écoute et de respect, mais aussi de franchise ; de pragmatisme et de sens du résultat, mais aussi d'audace. C'est bien ce que ce groupe de travail nous propose aujourd'hui.

La résolution dont nous débattons n'est pas seulement innovante, elle est aussi historique. Ne nous trompons pas : c'est véritablement une nouvelle page de l'histoire franco-allemande que nous écrivons. Lors des réunions de travail, l'un de nos collègues allemands m'a fait remarquer que, pour évoquer cette relation franco-allemande, nous parlons souvent de « couple », tandis que les Allemands parlent plutôt de « moteur », ce qui montre toute la teneur de nos différences culturelles.

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