Intervention de Antoine Herth

Séance en hémicycle du lundi 11 mars 2019 à 16h00
Coopération parlementaire franco-allemande — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Herth :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues et, plus spécialement, chers collègues du Bundestag, j'ai le plaisir de soutenir, au nom du groupe UDI, Agir et indépendants, l'adoption de la proposition de résolution relative à la coopération parlementaire franco-allemande.

Le projet dont nous débattons aujourd'hui est le fruit d'un travail d'élaboration qui s'est déployé tout au long de l'année 2018, et qui a amené une délégation de neuf députés français à dialoguer, dans un état d'esprit constructif et, à présent, amical, avec les neuf députés du Bundestag désignés à cet effet. Le résultat de ces travaux a fait l'objet d'une première réunion des bureaux des deux assemblées, ici même, le 14 novembre dernier. Cette préparation s'est déroulée parallèlement à celle qui a mobilisé les chancelleries de nos deux pays, laquelle a débouché sur le traité d'Aix-la-Chapelle, signé par le Président de la République, Emmanuel Macron, et par la chancelière Angela Merkel, le 22 janvier dernier.

Renouveler notre pacte d'amitié le jour anniversaire du traité de l'Élysée, marcher dans les traces du couple de Gaulle-Adenauer, revêt une dimension symbolique qui n'a échappé à personne. Le 22 janvier 1963 est une date clé d'une période de paix et de prospérité qui a finalement embrassé l'ensemble du Vieux Continent. D'autres images symboliques, comme celles du couple Mitterand-Kohl à Verdun, ou encore celle de Jacques Chirac réservant un accueil fraternel à Gerhard Schröder, lors du soixantième anniversaire du débarquement de Normandie, incarnent ce rapprochement pacifique dans la mémoire collective.

Pour l'élu alsacien que je suis, ces gestes d'amitié ont une résonance très forte. La réconciliation franco-allemande, après trois conflits meurtriers qui ont marqué chaque famille, reste un événement majeur pour l'Alsace. La population y est particulièrement sensible à tout ce qui ressemble à des distorsions de traitement ou à des obstacles à la libre circulation. C'est pourquoi donner plus de contenu à la coopération transfrontalière sera bienvenu dans nos territoires. À mes yeux, la phrase de Robert Schuman, qui était le représentant d'une droite pro-européenne affirmée, selon laquelle « [l'Europe] se fera par des réalisations concrètes », demeure d'une criante vérité.

C'est la raison pour laquelle cette initiative franco-allemande ne prend sa réelle dimension que dans la perspective plus large du renforcement de l'édifice commun de l'Union européenne. Le traité d'Aix-la-Chapelle n'est pas un duo de solistes qui ignorerait l'importance du reste de l'orchestre ; il doit, au contraire, produire un effet d'entraînement et contribuer à rehausser l'harmonie d'ensemble.

Souvent, l'on a opposé élargissement et approfondissement de l'Union européenne, sans clore le débat ni proposer de solution concrète. Je considère donc que la création d'une assemblée parlementaire franco-allemande peut et doit contribuer à ce processus d'approfondissement tant de fois invoqué. Elle permet en effet à des courants d'idées transversaux de s'exprimer dans une architecture décisionnelle qui reste très verticale. Le processus législatif européen produit des règlements et directives, chacun des États membres s'efforçant de les transcrire dans son droit. Poser le principe que deux parlements nationaux puissent discuter sur la manière de transcrire une directive me semble constituer un progrès et devrait permettre de limiter les tentatives de sur-transposition souvent dénoncées. Dans un mouvement inverse, les décisions relevant du champ de compétence nationale, si elles ne tiennent pas compte des effets de bordure, peuvent créer, recréer des barrières, de façon souvent involontaire, quand l'Europe veut produire de la convergence et de l'harmonisation.

À cet égard, l'Assemblée parlementaire franco-allemande peut utilement contribuer à alerter précocement les parlements nationaux lorsque de tels risques apparaissent, en particulier en matière de fiscalité ou de droits sociaux. L'idée d'un droit à la différenciation, défendue par le Président de la République dans la perspective d'une réforme constitutionnelle serait un outil bienvenu pour gommer les plus grandes aspérités aux frontières.

Ce faisant, ce collège de parlementaires, qui sera le porte-voix de nos concitoyens, leur permettra de participer indirectement à des choix qui, pour l'essentiel, leur échappent jusqu'à présent. J'ai bien conscience que, dans l'idéal, ce travail de concertation mériterait d'être mené avec l'ensemble de nos pays voisins. Le projet que nous portons avec l'Allemagne doit être considéré comme un laboratoire, source d'inspiration pour d'autres initiatives similaires.

D'ores et déjà, j'invite les futurs membres de l'Assemblée parlementaire franco-allemande à faire preuve d'imagination, d'audace et de caractère. Il s'agira pour eux, et plus encore pour ceux qui nous succéderont, de faire vivre cet accord, d'en démontrer la pertinence et d'en écrire l'histoire vivante.

À titre d'exemple, et avant même l'installation de la nouvelle assemblée, la CDU du Bade-Wurtemberg m'a fait parvenir une prise de position en faveur d'un renforcement de la coopération franco-allemande dans le domaine de la défense, en vue de relancer cette question à l'échelle de l'Union européenne. Les connaisseurs mesureront le pas de géant ainsi réalisé, dans une Allemagne traditionnellement très frileuse sur ce sujet sensible.

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