Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du lundi 11 mars 2019 à 16h00
Coopération parlementaire franco-allemande — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

La coopération franco-allemande a constitué dès l'origine un enjeu majeur de la construction européenne. C'est l'esprit de la déclaration de Robert Schuman, le 9 mai 1950, jugeant que « l'action entreprise doit toucher au premier chef la France et l'Allemagne. »

Depuis lors, la coopération franco-allemande n'a cessé de se renforcer sans pour autant entraîner je ne sais quelles exclusions. Elle s'exprime aujourd'hui plus modestement dans un autre registre, qui nous tient à coeur : celui de la nécessaire association des parlementaires. Nous devons écrire cette nouvelle page dans un contexte tendu et grave, de doute sur l'Europe, de doute sur nos politiques, de doute sur nos valeurs, qui ne sont pas assez fortement et clairement exprimées de manière unitaire par les pouvoirs exécutifs.

C'est dans le cadre du traité de l'Élysée que notre groupe de travail franco-allemand a été mandaté pour préparer cet accord parlementaire. Il l'a fait sur la base juridique de l'article 34-1 de la Constitution, vecteur juridique qu'il nous semble pertinent d'avoir retenu.

Je ferai trois observations. Tout d'abord, l'objectif premier de cet accord est de créer une assemblée parlementaire franco-allemande et d'institutionnaliser ainsi des liens, non seulement pour répondre à des besoins transfrontaliers, mais aussi pour réfléchir ensemble aux questions qui se posent dans nos deux pays et en Europe.

Cet objectif, qui n'exclut personne, est-il porteur d'espoir pour nous, les députés français, à un moment où l'antiparlementarisme va bon train ? Cet acte de coopération arrive à un moment où nous sommes nombreux, ici, à combattre les discours populistes qui tendent à discréditer notre travail et, tout autant, à interroger le rôle du député français de 2017, le nouveau député du non-cumul des mandats, sur son rôle local et national, au regard d'un exécutif très puissant et qui, du fait même de la Constitution, est naturellement moins au fait des aspirations de la population.

Pour être au rendez-vous de cette modernité et la faire vivre, nous devons donner un rythme à ce travail interparlementaire au sein de nos commissions. La commission des lois, à laquelle j'appartiens et dont je salue la présidente, est un cadre propice à des avancées sur ce plan-là.

Deuxième observation : l'objectif de l'accord, comme nous l'avons dit, est de contribuer à esquisser des solutions communes aux divergences constatées dans différents domaines et qui conduisent à affaiblir l'Europe tout entière. Vaste programme, au sommaire duquel sont inscrits la question environnementale, la question migratoire, les enjeux de protection sociale, la question des travailleurs détachés, l'harmonisation fiscale et l'imposition des géants du numérique. Contribuons à la clarté politique, que nous devons par ailleurs exiger de nos dirigeants qui, au sein du Conseil européen, doivent se parler et parvenir à définir enfin, avec courage, le socle de nos valeurs communes !

Troisième observation : cet accord se propose d'aider au rapprochement des droits français et allemand. Soyons prudents sur ce point, qu'il nous faut aborder en réfléchissant à la loi, c'est-à-dire en posant enfin l'exigence de la légistique entendue comme la science de la loi. L'activité législative – le produit de notre travail – doit être reconnue et enseignée dans les facultés de droit et, peut-être même, plus en amont. Branche du droit constitutionnel ou de la philosophie – l'une n'est pas exclusive de l'autre – , elle doit s'attacher à la fabrication de la loi, c'est-à-dire aux procédures, à l'application de la loi, à la nature et à la finalité des lois. Elle implique aussi l'émergence d'un droit gouvernemental, organisant enfin l'élaboration des lois et nous en disant plus à ce sujet dans nos administrations respectives.

Cette dernière orientation est pragmatique et éminemment politique, puisqu'elle vise à confier à d'autres acteurs que nous-mêmes – sans doute, des universitaires – la charge d'évaluer notre travail législatif commun et à nous accompagner dans cette réflexion partagée.

Comme l'ont affirmé Richard Ferrand et son homologue allemand Wolfgang Schäuble : « Cent ans après la première guerre mondiale, les assemblées de France et d'Allemagne montrent combien l'amitié politique de deux nations jadis ennemies peut être féconde ». Cette affirmation, que je salue, mérite que nous la confirmions en nous attelant sans relâche à ce travail de coopération dans des institutions aussi fondamentales pour nos démocraties que sont le Bundestag et l'Assemblée nationale.

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