Intervention de François Pupponi

Séance en hémicycle du lundi 11 mars 2019 à 16h00
Coopération parlementaire franco-allemande — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Pupponi :

Le rôle de la représentation nationale est de regarder au loin pour prévenir les difficultés et préparer l'avenir. Lorsque je porte mon regard vers l'Europe, vers cette construction unique qui a instauré la paix depuis plus de soixante-dix ans sur notre continent, je vois apparaître un point noir qui semble peu à peu prendre la forme d'un cygne noir, c'est-à-dire d'un événement hautement improbable et qui pourtant se produit. Ce cygne noir, mes chers collègues, pourrait être la déconstruction de l'Union européenne.

Il est de notre responsabilité de prévoir et de prévenir l'imprévu. C'est pourquoi le groupe Libertés et territoires soutient cette proposition de résolution relative à la coopération parlementaire franco-allemande. Avec ce renforcement des relations entre nos deux pays, nous serons en mesure d'oeuvrer pour une Europe plus unie, plus prospère, pacifique et porteuse d'avenir.

Avec les députés de mon groupe, nous vivons quotidiennement les valeurs de l'Europe et mesurons les bénéfices de son existence jusque dans nos territoires. Ce sont elles qui nous ont permis d'assurer la concorde entre les peuples d'Europe, appuyés en cela par le formidable moteur de l'amitié franco-allemande – je salue les députés du Bundestag ici présents.

Alors que nous venons de célébrer le centenaire de la fin de la première guerre mondiale, rappelons-nous Aristide Briand, ce pèlerin de la paix, qui proposa à la Société des Nations le premier projet d'États-Unis de l'Europe. Ce grand homme politique français avait bien compris tout l'enjeu, pour notre continent, du rapprochement franco-allemand, afin de garantir la paix. Le nationaliste allemand Gustav Stresemann et lui-même ont d'ailleurs reçu, en 1926, le prix Nobel de la paix, en récompense de leurs efforts pour le rétablissement de la paix en Europe. Certes, l'histoire n'a pas immédiatement suivi la voie tracée par ces deux grands européens. Le nationalisme a engendré un nouveau conflit mondial extrêmement meurtrier.

Aujourd'hui, les égoïsmes nationaux s'aiguisent à nouveau, la tentation du repli et du chacun pour soi se fait de plus en plus forte. La construction européenne, et avec elle l'idée européenne, est à la croisée des chemins. C'est pourquoi nous devons sans cesse être vigilants et agir. Nous ne devons pas croire que tout est acquis. L'histoire nous l'a montré, l'actualité nous le montre : le maintien de la paix ne peut se contenter de déclarations de bonnes intentions.

L'Europe ne saurait être abandonnée à une nouvelle montée du nationalisme, qui gangrène plusieurs États européens et fait reculer l'État de droit au sein même de l'Union européenne. En Hongrie, en Pologne et maintenant en Bulgarie, certains responsables politiques essaiment ces valeurs nauséabondes, qui seront la mort de l'édifice européen si nous ne faisons rien. Gardons à l'esprit ces vers d'Eschyle : « et si vous êtes pris[es] au filet inextricable du malheur, ce ne sera pas par un coup brusque et secret, mais par votre sottise. »

Mes chers collègues, face à ces défis, l'axe franco-allemand est l'épine dorsale de la construction européenne et doit continuer de l'être. La coopération parlementaire franco-allemande est un moyen de reprendre l'offensive et d'insuffler une nouvelle dynamique européenne.

L'accord de coopération parlementaire met en place une assemblée franco-allemande, c'est-à-dire le pendant législatif du conseil des ministres institué par le traité de l'Élysée. Il s'agit non pas d'une fusion de nos deux assemblées ou d'un abandon de souveraineté, mais bien d'une coopération renforcée qui est importante d'un point de vue symbolique et pratique. Ce symbole permettra de réveiller une conscience européenne tant en France et en Allemagne que dans toute l'Europe.

En adoptant cette proposition de résolution, soyons les instigateurs d'un printemps européen qui engagera la relance de l'Europe politique. Cela est d'autant plus important que nous sommes à quelques jours du divorce annoncé avec le Royaume-Uni.

Ce rapprochement institutionnel avec l'Allemagne envoie le message de notre foi en l'Europe non seulement aux peuples européens, mais aussi à la scène internationale. Cet « objet politique non identifié », selon la célèbre formule de Jacques Delors, fait viscéralement partie de nous : nous réaffirmons ainsi notre refus de nous en détourner, de baisser les bras face à ses dysfonctionnements et de claquer la porte.

Quand la maison brûle, l'honneur et la responsabilité nous dictent de ne pas regarder ailleurs, mais au contraire de faire preuve de ténacité et de courage. Nous le devons à nos concitoyens, nous le devons à tous ceux qui se sont battus pour la paix en Europe.

Non, l'idéal européen n'est pas mort ! La France et l'Allemagne continueront d'être des acteurs influents qui feront vivre les valeurs et les objectifs européens communs. Elles permettront de dessiner l'Europe du XXIe siècle, une Europe plus juste, plus protectrice, plus dynamique, plus compétitive et porteuse de croissance. Voilà le signal qu'il nous faut porter pour les futures élections européennes.

Mes chers collègues, cet accord parlementaire qui poursuit le mouvement de coopération des exécutifs engagé dès 1963 avec le traité de l'Élysée, et récemment renouvelé, instaure également une dynamique essentielle à la vitalité de nos deux pays.

Permettez-moi de profiter de cet instant pour féliciter les neuf députés français et allemands du travail qu'ils ont accompli afin d'aboutir à ce projet d'accord. Il illustre la capacité des différents groupes politiques de nos deux pays à avancer ensemble pour élaborer un projet d'intérêt commun. Ce doit être un exemple pour chacune des représentations nationales, à l'heure où nos concitoyens nous demandent de dépasser les clivages politiques pour mieux oeuvrer à l'intérêt général. C'est d'ailleurs ce que nous pratiquons au sein du groupe Libertés et territoires et c'est dans cet esprit que mon collègue Jean-Michel Clément, qui représentera notre groupe dans la future assemblée franco-allemande, oeuvrera.

Une nouvelle forme de coopération franco-allemande sera possible parce que nos deux assemblées travailleront plus étroitement, et en amont, à l'adoption de décisions communes plus cohérentes, plus proches des réalités de nos deux États et de nos territoires. Les réunions, les débats entre nos deux assemblées, et les décisions qui en résulteront doivent non seulement être une source d'inspiration pour l'Europe, mais aussi renforcer la cohésion sociale et territoriale, accroître la compétitivité et améliorer vraiment la qualité de vie de nos concitoyens.

Nous devons penser une nouvelle forme d'action pour une plus grande efficacité. C'est tout l'objectif de cette coopération renforcée, qui assurera une plus grande convergence de nos droits nationaux, notamment pour favoriser l'harmonisation fiscale et sociale, dans le respect des identités de chacun.

Le rejet de l'Europe par un certain nombre de nos concitoyens est lié, pour partie, à des absurdités juridiques, des complexités administratives ou des dysfonctionnements techniques. Associer nos activités parlementaires, dès le travail en commission, offrira le meilleur moyen de transposer les directives européennes de la même façon, sans surtransposer, comme c'est trop souvent le cas en France.

Mes chers collègues, c'est parce que nous intensifierons la cohésion franco-allemande que nous favoriserons la cohésion européenne et assurerons sa refondation. C'est parce que l'amitié franco-allemande est depuis plus de sept décennies un vecteur de paix et de progrès que le groupe Libertés et territoires votera en faveur de cette résolution.

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