Intervention de François Pupponi

Séance en hémicycle du lundi 11 mars 2019 à 16h00
Agence nationale de la cohésion des territoires — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Pupponi :

France à deux vitesses, fracturée ou en morceaux, métropoles contre ruralité et banlieues, gagnants contre perdants de la mondialisation. Les études se multiplient, ces derniers mois, pour tenter d'analyser le mouvement des gilets jaunes, mais aussi, plus largement, pour mettre en lumière les fossés qui se creusent entre les territoires et entre les Français. Ce constat, les élus de terrain – notamment dans les campagnes et les banlieues – le font depuis de nombreuses années, eux qui sont au contact de nos concitoyens et qui méritent d'être écoutés et considérés. Il ne faut pas non plus éluder la dimension sociale et la prégnance des questions relatives au niveau de vie. Cette dimension se mêle au sentiment de relégation ou d'abandon qui traverse des pans entiers de notre pays, suscitant la défiance croissante des citoyens et des élus contre l'État et les élites. Certains territoires se retrouvent enclavés à cause d'infrastructures de transport défaillantes. La désertification médicale progresse partout. Les villes moyennes et les bourgs-centres se dévitalisent. Les difficultés d'accès à la téléphonie mobile, au haut et très haut débit confinent à l'isolement. Quant aux services publics et aux implantations de l'État, ils s'éloignent de plus en plus.

Cette situation suscite des questions sur notre politique d'aménagement, plus précisément sur le rôle de l'État dans cette politique. Longtemps, les choses étaient simples : l'État et son bras armé, la DATAR – la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale – , décidaient et l'intendance suivait. Le paysage institutionnel et les attentes de nos concitoyens ont changé. Pour paraphraser la célèbre citation de François Mitterrand, la France a eu besoin d'une politique d'aménagement forte et centralisée pour se faire, mais elle a aujourd'hui besoin d'une politique d'aménagement décentralisée pour ne pas se défaire.

Il importe donc de repenser l'action et la place de l'État et de ses trop nombreuses agences. Il faut également refonder la relation avec les collectivités territoriales car elles sont les premiers acteurs de l'aménagement. Ces collectivités et, plus largement, les forces vives fourmillent d'une énergie créatrice et regorgent d'intelligences et de talents qui, malgré les obstacles, entreprennent et innovent. Il faut donc les soutenir.

À l'aune de ces immenses attentes, les annonces faites par le Président de la République à l'occasion de la première Conférence nationale des territoires ont suscité l'espoir. Il y évoquait la création d'une agence nationale de la cohésion des territoires, qui aurait « vocation à travailler en lien direct avec les régions parce qu'il ne s'agit pas de recentraliser ce qui a été donné à certaines collectivités ». Ce serait une agence « d'un type nouveau », qui « pense l'appui en particulier en ingénierie publique indispensable dans le rural et dans les territoires les plus périphériques, et qui crée une logique de guichet unique et de simplification de projets pour les territoires ruraux, les villes moyennes en difficulté ».

Puis est venu le temps de la mise en oeuvre de cet engagement, et l'ambition s'est peu à peu rabougrie. Il a fallu attendre avril 2018 pour que le Premier ministre désigne le préfet Morvan, que je salue, commissaire général à l'égalité des territoires et préfigurateur de la future agence. Entre-temps, constatant l'enlisement de ce chantier, des propositions de loi ont été déposées. Je veux évidemment citer celle du président de mon groupe, Philippe Vigier, déposée dès octobre 2017 ; balayée, comme trop de textes ne venant pas de la majorité, par une motion de procédure, elle aurait pourtant pu être enrichie par la navette parlementaire, ce qui nous aurait fait gagner un temps précieux. Mais ainsi va le nouveau monde. Je n'oublie pas non plus la tentative du Gouvernement, lors de la discussion du projet de loi ELAN, de légiférer par ordonnance pour créer cette agence.

Disons-le sans ambages, des divergences au sein de l'exécutif sont à l'origine de cette lenteur. Elles expliquent aussi que le texte dont nous débattons aujourd'hui soit d'origine parlementaire. Nous savons gré à nos collègues du groupe RDSE – Rassemblement démocratique et social européen – d'avoir pris cette initiative, même s'il nous faut reconnaître qu'ils ont pu bénéficier d'un accompagnement gouvernemental.

Nous attarder ainsi sur la genèse de ce texte nous permet d'en apprécier les contours. Nous nous réjouissons tout d'abord que cette agence n'ajoute pas à la complexité du meccano administratif français – elle regroupe, au contraire, trois agences et services. À y regarder de plus près, cependant, il faut noter que seul l'EPARECA sera dissous. J'ajoute que des zones d'ombre demeurent quant aux directions qui, au sein du CGET, ne seront pas concernées par la fusion.

Comme nous l'avons rappelé en commission, il importe que l'Agence du numérique rejoigne bien l'ANCT dès sa création. En effet, la prégnance des questions relatives à l'aménagement numérique, mais aussi à la téléphonie mobile, absente du texte initial, nécessite que ces enjeux soient appréhendés sous l'angle de la cohésion du territoire.

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