Intervention de François Pupponi

Séance en hémicycle du lundi 11 mars 2019 à 16h00
Agence nationale de la cohésion des territoires — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Pupponi :

L'ANCT est souvent présentée comme répondant à une logique de guichet unique. Cet élément est primordial quand on sait les difficultés qu'éprouvent les élus pour faire aboutir leurs projets face à la multiplication des interlocuteurs. À nos yeux, une politique d'aménagement moderne doit privilégier les projets de territoires et délaisser la logique des appels à projets, trop centralisatrice et qui récompense souvent les mêmes collectivités – celles qui disposent d'une ingénierie adaptée. Enfin, il ne s'agit pas, avec cette agence, de faire revivre l'ATESAT – l'assistance technique fournie par l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire – mais de repenser les missions de conseil en ingénierie publique pour les collectivités.

Des interrogations demeurent cependant : l'agence pourra-t-elle répondre aux besoins réels des territoires ? Sera-t-elle un instrument du nouvel acte de décentralisation que nous appelons de nos voeux ?

Je veux tout d'abord évoquer la définition des territoires prioritaires, en observant qu'il n'est fait mention qu'une seule fois dans ce texte de la politique de la ville, ajoutée par voie d'amendement en commission, comme si elle constituait un angle mort, alors même qu'elle est l'une des principales missions du CGET. Pour ne pas opposer les territoires, l'agence doit viser tous ceux qui, confrontés à des situations de fragilité, requièrent son action : les zones rurales, périurbaines, insulaires, de montagne et ultramarines, et donc aussi, bien sûr, les zones urbaines en difficulté.

Autre surprise : aucune proposition du rapport Borloo ne figure dans le texte, ce qui confirme votre volonté de l'enterrer. Nous proposerons donc d'ajouter certaines de ses préconisations par voie d'amendement.

Nous émettons également des réserves quant à l'organisation de l'agence. Il est en effet prévu, à l'article 6 ter, que cette dernière passe des conventions pluriannuelles avec d'autres opérateurs ; c'est là que l'effort de simplification se grippe sensiblement. Ne serait-il pas plus ambitieux – même si je sais que cette proposition peut faire discussion – de construire une véritable grande agence unique, qui regrouperait l'ANAH, l'ANRU, l'ADEME et la CEREMA, voire jusqu'à l'ARCEP, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ?

Comme je l'ai déjà évoqué, il existe aujourd'hui, dans des territoires situés en zone ANRU et concernés par le programme action coeur de ville, deux comités de pilotages distincts, qui déposeront demain des dossiers, pour le fonctionnement, auprès de l'Agence nationale de la cohésion des territoires et, pour l'investissement, auprès de l'ANRU – car celle-ci conservera bien, si l'on en croit le texte, la gestion de la rénovation urbaine, tandis que l'ANCT récupérera les droits du CGET. À moins de considérer que la gestion de la rénovation urbaine relèvera exclusivement de l'ANCT, de l'ANRU ou de la CGET, il faudra bien déposer deux dossiers. Appelez-vous cela de la simplification de l'organisation territoriale ? Je ne crois pas que cela aille dans ce sens.

En matière de gouvernance, la commission est revenue sur la rédaction du Sénat qui proposait un équilibre, au sein du conseil d'administration, entre, d'une part, la représentation de l'État et de ses opérateurs, et, d'autre part, les représentants des collectivités – lesquelles, rappelons-le, participent largement au financement des opérations. Nous proposerons des améliorations tangibles, auxquelles vous ne pourrez qu'être sensible, madame la ministre, vous qui êtes issue de ce terreau des élus locaux.

Nous proposerons aussi, dans le même esprit, que le directeur général soit nommé par le conseil d'administration, car nous savons bien – je peux témoigner à cet égard de mon expérience à la présidence de l'ANRU – que c'est lui qui en assurera le pilotage au quotidien.

La situation est plus grave encore au sein du comité d'action territoriale, où les collectivités ne sont pas représentées, alors que nous savons qu'il sera le lieu principal de prise de décision.

Les mêmes réserves peuvent être formulées pour les déclinaisons départementales de l'agence. Dans la rédaction actuelle, en effet, le préfet de département serait le délégué territorial. Nous proposons plutôt une gouvernance partagée associant des collectivités sur un pied d'égalité.

Enfin, un volet est absent de ce texte : celui du financement. Il est en effet acquis que l'ANCT ne bénéficiera pas de plus de moyens qu'actuellement, ce qui est de nature à rogner l'ambition affichée.

Je dois vous faire part d'une inquiétude plus grande encore, que j'ai exprimée en commission : comme cela a été dit, l'ANCT passera des conventions pluriannuelles avec plusieurs opérateurs, dont l'ANRU. Or les élus des territoires relevant de la politique de la ville craignent que les financements de l'ANRU soient ainsi consacrés à d'autres fins que la rénovation urbaine. Vous nous avez toutefois rassurés en commission et je suppose que vous le ferez à nouveau en séance publique.

Voilà donc, rapidement brossées, les attentes de notre groupe, nos réserves et les pistes d'amélioration que nous proposons pour plus d'efficacité et de proximité.

Recevant les représentants des départements, fin février, le Président de la République a déclaré : « Je dis oui pour la décentralisation, mais alors, il faut le faire vraiment », appelant à « plus de clarté » et à « plus de responsabilité ». Nous avons l'occasion de le faire vraiment avec l'ANCT. Faisons donc confiance à l'intelligence collective des territoires.

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