J'ai grand plaisir à me prêter à cette première audition précédant un Conseil des affaires étrangères « Commerce ». Nous débattrons aujourd'hui du Conseil qui se tiendra le 9 novembre prochain. Nous nous inscrivons, ce faisant, dans une logique similaire à celle des débats préalables au Conseil européen et au Sénat. L'objectif est de préparer et de rendre compte des positions de la France dans la conduite des délibérations de la politique commerciale, en amont et en aval. Cette politique est essentiellement européenne, et ce, depuis les traités de 1957. L'avis rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 16 mai 2017 a encore précisé le caractère exclusif de la compétence de l'Union européenne en la matière, hormis, notamment, en ce qui concerne les investissements étrangers autres que directs. Les acteurs en jeu sont donc la Commission européenne, qui propose et met en oeuvre les dispositions, le Parlement européen, qui est conduit à ratifier ces dispositions, ainsi que le Conseil des ministres où siègent les représentants des gouvernements. Il est important que nous ayons des échanges en amont des réunions du Conseil.
J'ai pu mesurer combien la dimension européenne – parfois quelque peu intégrée – de cette politique était importante, et combien elle avait servi nos intérêts ces derniers mois. Vous évoquiez, madame la présidente, les tensions croissantes qui caractérisaient la politique commerciale sur le plan mondial. Or, l'unité et la fermeté manifestées par l'Union européenne, première puissance commerciale, lui ont permis de peser dans un contexte d'unilatéralisme américain. L'Union européenne garde un caractère attractif et une réputation d'interlocuteur crédible, ce qui lui permet de négocier avec un grand nombre de partenaires qui, eux aussi, refusent la loi du plus fort. Les accords que nous concluons de la sorte sont autant de polices d'assurance dans un contexte où le multilatéralisme est menacé. Les pays avec lesquels l'Union européenne négocie des accords commerciaux sont d'ailleurs souvent ceux avec lesquels nous sommes engagés dans une sorte d'« alliance des amis du multilatéralisme ». Je pense à la Corée, au Japon, à l'Australie, au Mexique ou au Canada. Nous avons pu en faire le constat à la tribune de l'Organisation des Nations unies (ONU) ou dans des enceintes plus commerciales comme le G20.
Bien évidemment, nous savons tous, pour être régulièrement interpellés sur le terrain, dans nos circonscriptions, que nos citoyens souhaitent avoir voix au chapitre – et ils l'ont par votre entremise. Le commerce mondial est régulièrement interrogé. De ce point de vue, nous sommes conscients qu'à la notion de libre-échange doit se substituer celle de « juste échange ». Il s'agit fondamentalement d'instaurer des conditions de concurrence équitables pour l'ensemble des compétiteurs.
Je vous propose de passer en revue les thèmes qu'abordera le Conseil « Commerce » du 9 novembre prochain. À l'ordre du jour figurent un état des lieux des tensions commerciales, la question de la modernisation des règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), une revue des négociations en cours et enfin divers dossiers législatifs, portant notamment sur le filtrage des investissements étrangers.
Je commencerai par l'état des lieux des tensions commerciales. Depuis la prise de fonction du gouvernement de Donald Trump aux États-Unis, nous assistons à une orientation tout à la fois agressive et protectionniste de la politique commerciale américaine, se traduisant par des mesures unilatérales destinées à faire pression sur les partenaires, voire, parfois, à modifier certains équilibres commerciaux. Aussi avons-nous constaté une escalade dans les relations économiques entre les États-Unis et la Chine. En mars 2018, le Bureau du représentant américain au commerce a engagé une enquête sur certaines pratiques chinoises en matière de propriété intellectuelle, en particulier sur les transferts forcés de technologies ou les subventions d'acquisition, à l'étranger, d'entreprises à fort contenu technologique. Face à ces pratiques, le Bureau du représentant américain au commerce a proposé au président Trump plusieurs types de mesures : une action devant l'OMC, un contrôle renforcé des investissements chinois, ou encore l'instauration de droits de douane additionnels fondés sur la section 301 de la loi américaine sur le commerce. C'est ainsi que des mesures tarifaires ont été mises en place sur des importations depuis la Chine équivalant à quelque 50 milliards de dollars. La Chine a répliqué avec des mesures similaires. Depuis le 24 septembre 2018, les États-Unis appliquent des droits de douane additionnels de 10 % à une nouvelle liste de produits représentant environ 200 milliards de dollars, soit la moitié des importations américaines depuis la Chine. Ces droits pourraient passer à 25 % le 1er janvier 2019.
Ces mesures ont pénalisé le commerce entre la Chine et les États-Unis. Il n'en reste pas moins que le diagnostic américain repose sur des éléments avérés, à savoir une concurrence déloyale de la part d'entreprises bénéficiant d'un soutien étatique excessif. Nous partageons cette préoccupation. En revanche, il ne nous paraît pas assuré que l'approche adoptée par les États-Unis fasse reculer ces pratiques distorsives, alors qu'elles font peser un risque systémique sur l'économie mondiale. Notez qu'il y a quelques jours le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale ont revu diverses prévisions de croissance, s'inquiétant de l'impact de ce choc économique.
Face à ces distorsions du commerce mondial, l'Union européenne, et la France en son sein, privilégient une solution multilatérale. Nous avons d'ailleurs lancé un contentieux à l'OMC concernant les pratiques chinoises en matière de propriété intellectuelle. Nous devons aussi améliorer le fonctionnement de l'OMC. Telle est, du reste, l'une des conclusions de la réunion des ministres du commerce du G20. Nous pouvons nous en réjouir, d'autant que les représentants chinois et américain siégeaient autour de la table.
Cependant, les tensions commerciales ne se limitent aux relations sino-américaines. Les États-Unis ont également durci leurs positions vis-à-vis d'alliés et de partenaires commerciaux privilégiés. En janvier 2018, ils ont ainsi lancé une procédure conduisant à l'application de droits de douane sur les importations d'acier et d'aluminium, plaidant une soi-disant atteinte à la sécurité nationale venant de ces produits. L'Europe a été visée, de même que le Mexique et le Japon. Nous y avons répondu fermement, d'une part en lançant un contentieux devant l'OMC, d'autre part en prenant des mesures de rééquilibrage sur les importations issues des États-Unis, ainsi que des mesures de sauvegarde. L'Union européenne a donc su répliquer sans tarder. L'enjeu était notamment d'éviter la redirection de flux commerciaux qui se destinaient jusque-là à l'Union européenne.
Depuis mai 2018, nous faisons face à une enquête américaine relative aux impacts sur la sécurité nationale des importations d'automobiles et de composants. Cette enquête vise essentiellement le Canada, le Mexique, le Japon et l'Union européenne. L'Allemagne est singulièrement visée au sein de l'Union, puisqu'une part importante de l'excédent européen est constituée par un excédent allemand, lui-même largement issu de l'industrie automobile. La France est également concernée, puisqu'elle est assez active en termes d'exportation d'équipements et de composants.
Cette enquête doit donner lieu à la production d'un rapport début 2019. Si des mesures étaient prises par les États-Unis en conséquence, leur ampleur serait bien plus importante que ce que nous avons connu pour l'acier et l'aluminium. C'est dans ce contexte qu'a eu lieu le 25 juillet dernier, à Washington, une rencontre entre Donald Trump et Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, pour tenter de renouer le dialogue sur les questions commerciales et d'entamer une désescalade. Nous sommes persuadés qu'une guerre commerciale ne ferait que des perdants. Cette rencontre a été l'occasion pour les protagonistes de constater que l'Union européenne et les États-Unis partageaient des intérêts communs. Si les États-Unis ont accepté, le 25 juillet, de s'engager dans ce chantier de l'OMC, c'est grâce à la détermination et à l'unité dont l'Union européenne a fait preuve ces derniers mois.
Les menaces sur l'automobile sont pour le moment suspendues, le communiqué commun issu de cette rencontre stipulant que les parties s'abstiendraient de prendre des mesures qui contreviendraient à l'esprit de conciliation auquel étaient parvenues les parties. Nous attendons que les Américains lèvent leurs mesures sur l'acier et l'aluminium, lesquelles sont non seulement illégales, mais encore injustifiées au regard de la relation transatlantique. Les États-Unis se sont engagés à réévaluer ces mesures. Nous y veillerons.
Le 25 juillet a été lancé un travail entre l'Union européenne et les États-Unis visant à déterminer si des négociations commerciales pouvaient être ouvertes entre les entités. Se pose la question du périmètre que pourrait recouvrir un accord tarifaire dans le domaine industriel, hors automobile. L'agriculture est exclue de cette réflexion. Ceci pourrait autoriser des coopérations réglementaires volontaires entre autorités compétentes. Précisons que la France n'est pas favorable à la négociation d'un vaste accord commercial à la manière du traité de libre-échange transatlantique, ou Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP). Le Président de la République l'a affirmé haut et fort. Si accord il devait y avoir, cela supposerait d'une part qu'un mandat soit confié à la Commission, et d'autre part qu'il s'agisse d'un accord purement tarifaire sur des produits industriels, sans que les sujets agricoles entrent en ligne de compte.
Nous savons que les Américains cherchent régulièrement à contourner les refus et à remettre sur la table les sujets agricoles. J'ai pu constater, lors du Conseil informel « Commerce » qui s'est tenu il y a quelques jours à Innsbruck, qu'une forte solidarité européenne se manifestait en faveur du maintien de l'exclusion des sujets agricoles de cette possible négociation. C'est une ligne rouge pour la France, à laquelle nous nous tiendrons.
Ces discussions ne sauraient avoir pour effet de réduire les standards européens en matière environnementale, sanitaire ou alimentaire. Il n'est pas question de revenir sur les règles de production ni sur les standards exigeants auxquels nous sommes attachés, qui garantissent la protection et la sécurité des consommateurs. C'est une autre ligne rouge pour la France. Des discussions ne pourraient être ouvertes que dans le respect de ces exigences claires. Il serait hors de question de négocier sur des bases autres qu'équilibrées et réciproques, ou sous la menace. La commissaire européenne en charge du commerce, Cecilia Malmstroïm, qui rencontre régulièrement son homologue américain, semble percevoir que les États-Unis sont peu disposés à un accord tel que nous l'envisageons. Le sujet est donc en suspens.
Tel est l'état des lieux des tensions qui ont crû ces derniers mois, et de la désescalade qui s'est engagée entre l'Union européenne et les États-Unis.
Le deuxième point inscrit à l'ordre du jour du Conseil « Commerce » a trait à la modernisation de l'OMC. En la matière, l'une des principales préoccupations réside dans le blocage par les États-Unis de la nomination de nouveaux membres à l'organe d'appel de l'organe de règlement des différends. Bientôt en effet, le nombre de juges ne permettra plus de traiter les affaires. Nous pensons qu'il faut améliorer l'OMC dans sa capacité à élaborer des règles mais aussi à les faire respecter. Peut-être faudra-t-il par conséquent réfléchir à des plans de repli, si les États-Unis maintiennent leur veto. La Commission y réfléchit.
L'OMC traverse un moment existentiel. Le commerce international se porterait-il mieux sans cette organisation ? Nous ne le pensons pas, car ce serait avaliser la loi du plus fort. Pour la France, la solution à la crise actuelle de l'OMC consiste à mettre à jour le corpus de règles multilatérales et à régler les problèmes de discipline sur les subventions industrielles et les surcapacités. Ceci va de pair avec le renforcement des mécanismes de surveillance et de transparence qui permettent de prouver l'engagement de chacun. Or, aujourd'hui, certains membres de l'OMC ne notifient pas systématiquement leurs aides et subventions. Il y a donc là d'importantes marges de progression.
Les modalités de négociation au sein de l'OMC méritent d'être renouvelées. La règle du consensus implique de trop nombreux blocages – nous en avons fait l'expérience lors de la onzième Conférence ministérielle, qui s'est tenue à Buenos Aires en décembre 2017. S'y ajoute une fossilisation des positions. Afin de continuer à travailler sur des sujets d'actualité, comme l'e-commerce et les petites et moyennes entreprises (PME), des négociations plurilatérales s'instaurent et progressent. Elles associent une partie des membres de l'OMC, espérant rallier progressivement le plus grand nombre d'États autour de mécanismes sur lesquels un cercle initial se serait entendu.
Fort de ce constat, le Président de la République, lors d'un discours prononcé devant l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) fin mai 2018, a exprimé le souhait d'une modernisation de grande envergure des règles de l'OMC. Le Conseil européen a donné mandat à la Commission, le 28 juin dernier, d'engager des négociations en vue d'une telle modernisation. Nous sommes en ligne avec les orientations que la Commission a proposées, organisées autour de trois axes : la modernisation du corpus de règles, la modernisation du système de règlement des différends, et enfin le renforcement des mécanismes de transparence et du fonctionnement régulier de l'organisation. La route sera longue et difficile, car nous devrons convaincre l'ensemble de nos partenaires de la nécessité d'une réforme. Si, pour le moment, un certain nombre de délégations se disent intéressées par nos idées, nous devons continuer à entretenir ce débat.
Nous avons mis en place un groupe de travail sur l'OMC réunissant l'Union européenne, le Japon et les États-Unis. Cet exercice a notamment le mérite de maintenir le dialogue avec les Américains. Ce groupe de travail proposera à l'OMC, début novembre, des améliorations du système de notification et de transparence.
En parallèle, nous faisons notre possible pour travailler avec la Chine, qui s'affiche régulièrement comme un fervent défenseur du multilatéralisme. De fait, lorsque des décisions sont prises dans le cadre du mécanisme de règlement des différends, la Chine les applique. Cependant, ce pays maintient de nombreuses pratiques commerciales distorsives. Dans ce contexte, la création d'un groupe de travail entre l'Union européenne et la Chine a été annoncée le 17 juillet dernier lors du 20e sommet réunissant ces deux entités.
L'Union européenne s'efforce ainsi de faire progresser ces sujets, par triangulation, avec les deux partenaires complexes que sont les États-Unis et la Chine.
Par ailleurs, nous avons à coeur qu'un certain nombre d'États qui partagent notre diagnostic partagent également les solutions avancées par la Commission. Je pense au Canada, à la Corée, à Singapour, au Mexique, à la Nouvelle-Zélande, au Brésil ou à l'Argentine. À cet égard, plusieurs échéances nous attendent en octobre et novembre. Une réunion ministérielle sera organisée au Canada fin octobre avec un groupe d'une douzaine d'États. Le sommet des chefs d'État du G20 se tiendra à Buenos Aires fin novembre. Dans l'intervalle, le 16 novembre, la France organisera une conférence publique sur la réforme de l'OMC. Ce sera l'occasion de nourrir une réflexion avec des contributeurs venant du monde entier, mais aussi avec Cecilia Malmstroïm, Roberto Azevêdo, directeur général de l'OMC, ou encore avec des ministres du commerce. Vous y êtes évidemment les bienvenus, et je veillerai à ce qu'une prise de parole parlementaire puisse y avoir lieu. En effet, ces sujets commerciaux ne doivent pas se traiter dans l'entre-soi, et les voix des peuples doivent être entendues sur ces questions.
J'en viens au troisième point de l'ordre du jour du Conseil Commerce, les négociations en cours.
L'Union européenne et le Japon ont signé un accord de partenariat économique le 17 juillet 2018. Les négociations se poursuivent sur la partie relative aux investissements. Cet accord devrait entrer en vigueur au cours de l'année 2019, dès lors qu'il aura été ratifié par le Parlement européen et la Diète japonaise. Il permettra de lever des barrières pour les 8 000 entreprises françaises qui exportent déjà vers le Japon, et créera de nouvelles opportunités pour des filières agricoles et agroalimentaires. Les Japonais manifestent un fort attachement à la qualité des denrées et à la santé. La France se positionne favorablement à cet égard, notamment en matière de production bovine et fromagère.
Cet accord comporte également des avancées positives au regard du développement durable, avec la mention du principe de précaution, l'engagement des parties à mettre en oeuvre l'accord de Paris pour le climat et une clause de révision qui permettra de renforcer le contenu de l'accord en fonction de sa mise en oeuvre.
En marge du sommet du dialogue Asie-Europe qui se tiendra ces prochains jours à Bruxelles, un accord de libre-échange et un accord sur la protection des investissements seront signés entre l'Union européenne et Singapour. Cela peut préfigurer, à moyen terme, un accord bloc à bloc entre l'Union européenne et l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN). Chacun sait combien l'ASEAN pèse dans la dynamique économique mondiale. C'est donc un partenaire avec lequel nous devons travailler.
La Commission européenne poursuit en outre un agenda de négociation en Amérique latine. Un accord de principe avec le Mexique a été annoncé le 21 avril 2018 sur la modernisation de l'accord existant. Ce nouveau texte permettra en particulier d'ouvrir l'accès aux marchés publics et aux marchés de services, comme le transport maritime. Il assurera la protection de 340 indications géographiques européennes. Il ouvrira le marché à nos produits laitiers, à nos fromages et à notre viande porcine. C'est donc un événement positif.
Le Marché commun du Sud (MERCOSUR) est, je le sais, un sujet de préoccupation pour certains d'entre vous. Son dernier cycle de négociation s'est déroulé du 10 au 14 septembre 2018 à Montevideo. Il convient de noter, à ce stade, la persistance de points de blocage. Or, un accord ne peut être conclu que s'il est équilibré. Nous aurions certes intérêt à être les premiers à signer un accord avec le MERCOSUR, dont le marché se caractérise par un protectionnisme marqué. Toutefois, cela ne doit pas se faire à n'importe quelles conditions. Nous réaffirmons régulièrement nos sensibilités agricoles et notre niveau élevé d'ambition en matière sanitaire et environnementale. Mme Malmstroïm a fait savoir que pour le moment, l'équilibre souhaité n'était pas atteint.
Les négociations avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont été lancées en juin 2018. Un cycle de négociation s'est tenu du 8 au 12 octobre avec la Nouvelle-Zélande, et ce même exercice s'ouvrira avec l'Australie à partir du 19 novembre. Nous percevons une forte volonté politique d'aboutir de la part des Néo-Zélandais. Là encore, nous veillons à la prise en compte de nos sensibilités agricoles ainsi qu'à la préservation et aux intérêts de nos pays et territoires d'outre-mer. Comme vous le savez, le changement de premier ministre et de gouvernement en Australie a été sous-tendu par un débat sur l'environnement. J'ai signifié au nouveau ministre du commerce australien qu'il était hors de question que nous abaissions nos ambitions en la matière. Nous avons obtenu que l'accord de Paris soit explicitement mentionné dans le mandat de négociation. Rappelons que le plan d'action du Gouvernement portant sur la mise en oeuvre de l'accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada (CETA) comporte un axe ambitieux de prise en compte des enjeux sanitaires et de développement durable dans les accords commerciaux.
Venons-en aux dossiers législatifs que traitera le Conseil « Commerce », au premier titre desquels le règlement sur le filtrage des investissements étrangers en France. Ce projet de règlement constitue une priorité pour la France. Il vise d'une part à consacrer et encadrer les dispositifs nationaux de contrôle des investissements pour des motifs d'ordre public et de sécurité, et d'autre part à instaurer un mécanisme de coopération et d'échange d'informations entre les États membres et la Commission, ainsi qu'à conférer à la Commission un rôle consultatif pour les investissements étrangers ciblant des projets ou des programmes d'intérêt européen. L'objectif est d'instaurer une coopération beaucoup plus étroite.
Un texte a été présenté à la Commission en septembre 2017 et a donné lieu à de nombreuses discussions au Conseil. J'en ai été l'acteur, puisque, hélas, un certain nombre de pays, d'Europe centrale et orientale ou à tonalité libérale, étaient réticents vis-à-vis de ce droit de regard sur les investissements étrangers. La France, l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie ont dû déployer, ensemble, la plus grande détermination pour faire avancer ce chantier. Les négociations en trilogue doivent permettre d'aboutir à un texte de compromis. Elles ont été engagées début septembre. La présidence autrichienne du Conseil souhaiterait que le compromis aboutisse avant la fin de l'année, pour permettre l'adoption du règlement dans le cadre de la mandature actuelle, avant les prochaines élections européennes.
Au titre des dossiers législatifs, il est prévu un point d'information sur les mesures de sauvegarde bilatérales des accords de libre-échange. Il s'agit de codifications à droit constant qui ne modifient pas les règles elles-mêmes, mais qui consolident en un texte unique la multitude de mesures existantes. Cette simplification est bienvenue.
Je ne pourrai être très prolixe sur le dernier point qui sera évoqué au Conseil, n'ayant pas reçu les documents afférents. Il concernera l'impact des accords de libre-échange sur différentes filières. Un premier rapport global avait été rendu sur ce sujet l'année dernière, et avait d'ailleurs révélé combien l'accord avec la Corée nous était bénéfique, nous faisant passer d'un déficit commercial avec ce pays à un surplus commercial en quelques années. Nous attendons avec intérêt ce nouveau rapport, qui permettra notamment de faire le point sur diverses filières agricoles. La France a appuyé un « non-papier » belge soumis par Didier Reynders, vice-premier ministre et ministre des affaires étrangères et européennes, demandant que soit pris en compte l'impact cumulatif des concessions faites en matière agricole dans les accords passés avant d'en négocier de nouveaux, ceci pour ne pas déstabiliser nos filières agricoles.