Intervention de Georges Malbrunot

Réunion du mardi 11 décembre 2018 à 17h05
Commission des affaires étrangères

Georges Malbrunot, journaliste au Figaro, spécialiste du Moyen-Orient :

Lorsque vous posez la question à Jean-Yves Le Drian, ou même à Emmanuel Macron, ils vous répondent que l'on fait passer les messages en privé. Je ne sais pas si c'est le cas, mais il est vrai que l'affaire Khashoggi et les multiples arrestations auxquelles nous avons assisté montrent que cela n'a pas marché.

Votre question, permettez-moi de le dire, est quelque peu manichéenne. Il ne s'agit pas tant d'abandonner tout business avec l'Arabie Saoudite que de dire les choses franchement. Dans ces pays, on a le culte du chef, le zaïm, et lorsque le chef est faible, il n'est pas respecté. François Hollande, pas plus que Laurent Fabius, n'était respecté par les Saoudiens, et la France se trouvait dans une posture de soumission. Emmanuel Macron a changé la donne lors de sa première rencontre avec « MBS » : lorsque celui-ci lui a dit « J'ai appris que des sociétés françaises allaient s'installer en Iran ; sachez que si c'est le cas, elles ne viendront pas en Arabie Saoudite », il lui a répondu : « On ne parle pas ainsi au président de la République française ».

Emmanuel Macron l'a dit également devant des ONG, il ne nourrit aucune illusion à l'égard de « MBS ». Mais les Saoudiens sont à la fois nos alliés et nos clients : nous devons les conserver comme clients, sans que les clients prennent le pas sur les alliés. A cet égard, nous sommes allés un peu loin sur l'affaire du Yémen.

La France n'est plus le partenaire de compensation qu'elle a été pendant longtemps. L'Arabie Saoudite s'est tournée vers l'Asie, conclut beaucoup d'affaires avec la Chine, où elle exporte son pétrole. Par ailleurs, l'Allemagne a devancé la France dans les échanges avec le royaume l'an dernier, bien qu'elle ait adopté une attitude beaucoup plus sévère sur le conflit du Yémen. L'important, sans doute, est de dire les choses en face.

D'autres facteurs politiques pèsent dans les négociations. Je suis désolé de le dire ici, mais notre obsession de l'islam en France ne réjouit pas nos amis saoudiens, qui goûtent peu qu'un président de la République explique que le problème en France, c'est l'islam. Il convient d'ajouter à cela la qualité des émissaires français, qui a pu laisser à désirer, et les dérives diverses et variées auxquelles se sont livrées certaines personnes.

Il faut entretenir des liens de partenariat diplomatique sans considérer les Saoudiens uniquement comme des clients, et il me semble qu'Emmanuel Macron y est parvenu.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.