Jamal Khashoggi, que je connaissais un peu, c'était d'abord un nom, celui d'une grande famille saoudienne, très investie dans les négociations avec les Américains et le commerce d'armes. Jamal Khashoggi était l'ami des princes, il connaissait bien Al-Walid ben Talal et avait été, durant vingt ans, un très proche conseiller du prince Turki al-Fayçal, le chef des renseignements saoudiens – à ce titre, il avait participé à l'envoi des djihadistes saoudiens en Afghanistan. C'était donc un homme du sérail.
Mais il avait aussi été dans sa jeunesse un sympathisant des Frères musulmans. L'organisation est devenue la bête noire de l'Arabie Saoudite, et lorsqu'il a senti que l'espace se resserrait autour de lui, Jamal Khashoggi a pris ses dispositions et quitté le royaume en 2017.
Aux États-Unis, il rencontrait beaucoup de monde au Congrès, participait à des think tanks, était éditorialiste au Washington Post. Vous vous souviendrez peut-être qu'avant de se rendre en France, « MBS » s'est lancé dans un périple de trois semaines aux États-Unis et que, dans un véritable show hollywoodien, il a été reçu partout, aussi bien à la Silicon Valley qu'au Congrès – la raison pour laquelle les parlementaires américains ont la dent aussi dure contre lui est qu'ils ont l'impression d'avoir alors été trompés. Or depuis sa chaire du Washington Post, Jamal Khashoggi était un ambassadeur bis, voire plus encore. Pour un autocrate comme Mohammed ben Salman, qui ne supporte pas que l'on puisse lui faire de l'ombre, c'était absolument intolérable.
Mohammed ben Salman est un autocrate qui ne tolère pas la moindre dissidence : il a mis au pas les islamistes, les femmes, auxquelles il a pourtant accordé le droit de conduire…