À l'origine de ce plan de réformes, il y a une volonté sincère d'engager l'Arabie Saoudite dans l'après-pétrole et de transformer cette économie pétrolière pour la préparer à la raréfaction de la ressource.
« MBS » est conscient des problèmes de son pays et considère qu'il n'est pas normal que, chaque jour, ses concitoyens regardent 90 millions de vidéos sur YouTube, parce qu'ils n'ont pas grand-chose à faire. L'idée était donc de remettre les gens, et notamment les jeunes au travail, tout en leur offrant un minimum de loisirs. Tout ceci partait d'un bon sentiment, mais comme il a par ailleurs embastillé les princes et les hommes d'affaires qui traitent avec l'étranger, ceux-ci se sont réfugiés en Californie, en France ou en Angleterre, et les investisseurs internationaux ont pris la fuite : l'an dernier, les deux tiers des investisseurs étrangers dans le Golfe ont ainsi choisi Dubaï plutôt que l'Arabie Saoudite.
Le second problème est que ce programme de réformes prévoit la privatisation partielle de la Saudi Aramco, la gigantesque compagnie pétrolière saoudienne. Cela en a surpris plus d'un, car qui dit privatisation dit transparence, et personne ne sait aujourd'hui combien la famille royale prélève sur les exportations de pétrole. C'est un des secrets les mieux gardés du royaume, et il a finalement été annoncé, il y a deux mois, que cette privatisation partielle allait être reportée.
Tout ceci a contribué à jeter un peu d'ombre sur ce grand plan de réformes concocté par de grands cabinets américains pour « MBS » et censé notamment s'incarner dans le projet Neom, cette gigantesque mégalopole futuriste dont le prince projette la construction.
Reste que nous sommes en Arabie Saoudite, le pays de deux mosquées sacrées, où, le vendredi, on rend encore la justice au sabre. Quelles que soient les velléités de changement du prince héritier, il faut donc être conscients que les Saoudiens ne seront jamais des sociaux-démocrates et que la notion de société civile est toute relative.
Certes, « MBS » a décidé de rompre avec certaines traditions, consistant notamment à scruter, à l'instar des oulémas, le caractère hallal ou non de chaque chose ; certes il a mis au pas la police religieuse, formation moyenâgeuse qui tape sur les jambes des femmes lorsqu'elles ne sont pas assez couvertes ou sanctionne les boutiques qui ne ferment pas pendant la prière, mais les dérives de son pouvoir personnel discréditent nombre de ses initiatives, notamment aux yeux de l'étranger.