Intervention de Georges Malbrunot

Réunion du mardi 11 décembre 2018 à 17h05
Commission des affaires étrangères

Georges Malbrunot, journaliste au Figaro, spécialiste du Moyen-Orient :

La France, séduite par les promesses de l'Arabie Saoudite, est allée beaucoup trop loin dans la diplomatie économique sous François Hollande : il a été invité au Conseil de coopération des États arabes du Golfe (CCEAG), le chiffre de 50 milliards a été avancé, mais Manuel Valls n'est revenu ensuite qu'avec des contrats portant sur quelques milliards. Emmanuel Macron a pu observer cela de près quand il était ministre de l'économie, d'où sa phrase : « Il faut les considérer davantage comme des alliés que comme des clients. » Il a mis les choses au point et a dit les choses en face, en insistant sur le fait qu'il fallait être rationnel même si les Iraniens n'étaient pas des saints. Auparavant, la France n'osait pas tenir de telles positions, contrairement aux Allemands qui obtenaient autant de contrats que nous. « MBS » estime qu'il est temps que son pays se lance dans la production d'armes après que son cousin le sultan a acheté des centaines et des centaines de milliards d'armes aux Occidentaux, avec les commissions et rétrocomissions qui vont avec. L'Arabie Saoudite se tourne aussi vers l'Asie à laquelle elle vend beaucoup plus de pétrole et de gaz qu'à l'Europe.

Depuis 1967, nous avons noué un compagnonnage commercial avec les pays du Golfe. Ils ont de l'argent et peuvent investir en matière d'armement. À la fin des années quatre-vingt, l'Arabie Saoudite a financé une opération militaire pour ramener de l'ordre dans l'ex-Zaïre de Mobutu et elle est appelée à financer une opération anti-terroriste au Sahel. En 2011, lorsque les révoltes arabes ont éclaté, le partenariat de Deauville a été mis en place et Édouard Balladur a été envoyé comme émissaire pour sonner à la porte de Riyad. Ces pays nous connaissent beaucoup mieux que nous ne les connaissons. Ils savent que tôt ou tard nous viendrons chez eux car ce sont eux qui ont de l'argent. Il ne faut pas avoir honte de traiter avec eux mais il faut être vigilant. Nous avons parlé de l'Arabie Saoudite ; nous pourrions aussi parler du Qatar, pays sur lequel j'ai beaucoup enquêté – et plus on enquête, plus on découvre de choses.

Il faut tenir un langage de vérité, et c'est ce que fait le Président de la République quand il déclare à la conférence de lutte contre le financement du terrorisme devant certains responsables des pays du Golfe : « Nous avons joué aux apprentis sorciers. » Nous n'avons en effet pas été suffisamment fermes et nous devons l'être davantage.

L'Iran a un potentiel avec un marché de 80 millions d'habitants, une population jeune mais les sociétés françaises ne sont pas des philanthropes. On ne peut pas leur reprocher de claquer la porte brutalement – ou alors on peut le reprocher seulement à Peugeot qui se comporte ainsi pour la deuxième fois. Les monarchies du Golfe sont des partenaires économiques et diplomatiques depuis plus de quarante ans. Le big bang est très difficile à opérer. En Iran, il y a des gens qui n'ont pas intérêt à l'ouverture et nous sommes opposés à ce pays au sujet du Yémen.

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