Mesdames et messieurs les députés, je suis honoré d'être à nouveau parmi vous pour vous parler d'une négociation à laquelle, effectivement, j'ai été étroitement associé depuis décembre 2017, lorsque s'est tenue au Mexique la conférence qui a fait le bilan des réunions thématiques et géographiques préparatoires. La négociation proprement dite a commencé en février. Je me propose de vous en présenter la genèse et la procédure, puis le contenu et la portée, pour dire enfin quelques mots sur sa mise en oeuvre et son suivi.
Comme vous l'avez rappelé, madame la présidente, l'Assemblée générale des Nations unies, en septembre 2016, a décidé de l'élaboration de ce Pacte mondial. Depuis 2015, une vague massive, non sûre et désordonnée de réfugiés, demandeurs d'asile et migrants, arrivait en Europe, de Turquie, puis de Libye. C'était l'exemple type de ce que l'on voulait éviter, d'où le triple objet du Pacte pour des migrations sûres, ordonnées et régulières – c'est-à-dire dans le respect des règles internationales et du droit national. La déclaration de New York, adoptée le 19 septembre 2016, prévoyait que deux pactes seraient négociés parallèlement, l'un sur l'immigration, l'autre sur les réfugiés. Ce dernier a effectivement été approuvé hier par l'Assemblée générale des Nations unies. La distinction se justifiait car il s'agit de deux catégories différentes : celle des réfugiés relève d'un régime juridique propre, la convention de Genève de 1951 et son protocole de 1967 ; les migrations internationales ont fait l'objet de conventions spécialisées comme la convention sur les droits des travailleurs migrants et leurs familles de 1990, mais il n'y a pas de régime juridique d'ensemble. Le processus de négociation sur les migrations a comporté deux phases : des réunions préparatoires thématiques et géographiques en 2017, puis la négociation proprement dite entre février et juillet 2018, en vue d'une conférence intergouvernementale, soit une procédure assez fréquente pour traiter des grandes questions transversales et de portée mondiale.
La négociation n'a pas été conduite directement par les États ou groupes d'États qui auraient alors dû se mettre d'accord, paragraphe par paragraphe, ligne par ligne ; comme c'est parfois le cas, elle a été pilotée par deux co-facilitateurs, les représentants permanents de la Suisse et du Mexique auprès des Nations unies. Ils ont préparé et soumis début février un projet initial, qu'ils ont fait évoluer au cours de six sessions d'une semaine par mois en fonction des demandes et des lignes rouges des États et groupes d'États afin de se rapprocher progressivement du meilleur compromis possible entre des points de vue et des intérêts divergents. Il était convenu que ce processus itératif prendrait fin le 13 juillet et que le texte serait ensuite soumis à l'approbation des États membres des Nations unies lors d'une conférence qui se tiendrait en décembre 2018 à Marrakech.
Même si la négociation était intergouvernementale, la société civile, les ONG, le secteur privé ont pu exprimer leur point de vue et apporter des contributions, comme c'est désormais le cas systématiquement pour l'élaboration des textes internationaux, qu'ils soient juridiquement contraignants ou non, sur des grandes questions globales comme les objectifs de développement durable ou la lutte contre le changement climatique.
La dynamique de négociation a été marquée par plusieurs faits. En premier lieu, les États-Unis ont décidé dès décembre 2017 de ne pas participer à la négociation, ce qui a privé les États latino-américains de leur interlocuteur principal. Ils y ont néanmoins pris une part active, mais de façon assez désordonnée. Les Européens ont défini et défendu une ligne commune du début à la fin des négociations, à l'exception de la Hongrie qui, tout en restant dans le processus de négociation, s'est dissociée des 27 autres États-membres dès la première session de février. De ce fait, la représentation de l'Union européenne ne pouvait s'exprimer au nom de ces 27 États membres, mais cela n'a pas empêché ceux-ci de s'exprimer d'une seule voix, en l'occurrence celle de l'Autriche. Le groupe africain a été très uni et a aussi parlé d'une seule voix, en dépit de la diversité des situations entre pays d'origine, de transit ou de destination. Seule l'Afrique du Sud s'est exprimée systématiquement de façon séparée, et souvent sur une ligne assez proche de celle des Européens. Les pays asiatiques étaient dispersés, ce qui reflète la différence de leur situation sur le plan migratoire ainsi que la faiblesse de leur intégration régionale.
L'Assemblée générale avait, dans la déclaration de New York, donné mandat à la conférence intergouvernementale, qui s'est tenue à Marrakech, d'adopter le pacte, puis rappelé dans une résolution sur les modalités, que « les négociations qui commenceront début 2017 doivent aboutir à la tenue d'une conférence intergouvernementale sur les migrations internationales en 2018, au cours de laquelle le Pacte mondial sera présenté en vue de son adoption. Le texte doit ensuite être approuvé (endorsed) par l'Assemblée générale, par le biais d'une résolution procédurale, présentée par la présidence de l'Assemblée générale des Nations Unies sous les points de l'ordre du jour 14 et 119 ». Le Pacte sera annexé à cette résolution procédurale non négociée, très courte, qui sera adoptée demain, selon une pratique habituelle aux Nations unies. La formule reprise dans la résolution devrait être similaire à celle de précédents textes de l'ONU tels que le programme d'action d'Addis-Abeba sur le financement du développement, soit l'Assemblée generale « approuve le Pacte mondial pour des migrations sûres ordonnées et régulières, adopté par la conférence et dans le texte est reproduit en annexe à la présente résolution ».
À Marrakech, 162 États avaient fait parvenir leur pouvoir au secrétariat pour participer ou être représentés à la conférence. Un certain nombre ne l'étaient toutefois pas, notamment pour des raisons pratiques de coût et d'éloignement. C'est donc demain, au moment du vote, quand tous les États seront effectivement présents et représentés à New York, qu'on saura précisément combien d'entre eux souscrivent au Pacte. Il peut y avoir plusieurs configurations, y compris des cas de pays qui n'étaient pas représentés à Marrakech et qui voteront pour, tandis que d'autres qui n'ont pas voulu participer à la conférence intergouvernementale en raison du fait qu'ils ne souscrivent pas à ce Pacte, pourraient simplement s'abstenir sur la résolution.
S'agissant des États-membres de l'Union européenne, dix d'entre eux n'étaient pas présents à Marrakech : l'Autriche, la Bulgarie, la Hongrie, la Lettonie, la Pologne, la République Tchèque, la Slovaquie avaient annoncé qu'ils n'approuveraient pas le Pacte, l'Italie était en attente d'une décision de son Parlement, l'Estonie et la Roumanie n'étaient pas non plus présents. Quatre États non européens ont participé à la négociation jusqu'au bout, mais ont finalement décidé de ne pas y souscrire – l'Australie, Israël, la République dominicaine et le Chili. La Suisse, comme l'Italie, est dans l'attente d'un débat parlementaire.
Lors du débat général, tous les États représentés ont fait une déclaration, et certains ont annoncé qu'ils feraient aussi une explication de leur position lors du vote sur la résolution à l'Assemblée générale des Nations unies, voire en ont donné la teneur, ce qui est le cas d'un certain nombre d'États membres de l'Union européenne, dont la France.
J'en viens au contenu et à la portée du Pacte. Il comporte un préambule et des principes directeurs, dont ceux de la coopération internationale, de la souveraineté nationale en matière migratoire et du respect des droits de l'homme. Il formule ensuite 23 objectifs, soit autant d'engagements qui se déclinent chacun en un recueil d'actions et de bonnes pratiques dans lesquelles les États membres peuvent puiser. Cette formule – We will draw from the following actions en anglais, qui a été la langue de la négociation – est d'ailleurs reprise dans l'introduction des actions et bonnes pratiques pour chacun des 23 objectifs. Ceux-ci, dont le champ est d'ampleur inégale, couvrent l'ensemble des aspects des politiques migratoires selon une approche à 360 degrés. Une section est consacrée à la mise en oeuvre du Pacte, une autre à son suivi.
Ce Pacte est fondé sur le constat qu'un phénomène tel que les migrations internationales peut d'autant mieux être régulé qu'il est organisé grâce à une coopération internationale fondée sur le principe de responsabilité partagée impliquant les pays d'origine, de transit et de destination. Sa portée est politique. Comme vous l'avez dit, madame la présidente, rien n'oblige un État à faire quelque chose qu'il ne voudrait pas, du fait de la combinaison de trois éléments clés.
D'abord, il est explicitement dit au paragraphe 7 que le Pacte est un instrument juridiquement non contraignant. Il ne crée aucun droit nouveau, aucune norme juridique nouvelle, notamment aucun droit à la migration, contrairement à ce qu'on a pu entendre ici ou là. En revanche, et c'est bien naturel, le Pacte ne retranche rien des obligations juridiques auxquelles les États ont souscrit, notamment en matière de droits de l'homme, qui sont universels et indivisibles.
En second lieu, il est rappelé, au paragraphe 15, la souveraineté des États en matière migratoire. Leur compétence à définir leur politique en la matière, en particulier les règles d'entrée, de séjour et de travail des étrangers, est réaffirmée et n'est en rien amoindrie.
Enfin, la mise en oeuvre des engagements pris se fera au moyen d'actions et de bonnes pratiques proposées à la discrétion des États, qui ne sont donc en rien obligatoires – paragraphe 16 – mention reprise en introduction après chaque engagement pour introduire la liste des actions et des bonnes pratiques. La combinaison de ces trois éléments était cruciale pour les Européens, dont la France, qui ont oeuvré avec succès pour renforcer le caractère optionnel des actions et bonnes pratiques. Ce fut même là un des derniers points durs de la négociation et les co-facilitateurs ont compris que, faute d'une formule acceptable pour les Européens, l'ensemble du Pacte serait mis en péril. Je peux en témoigner, ayant participé à plusieurs sessions de négociations, dont la dernière.
Le Pacte comporte des éléments auxquels la France et ses partenaires européens attachent une grande importance et qui ont fait l'objet d'âpres discussions avec les pays d'origine. Les formulations finalement retenues sont considérées comme satisfaisantes au regard de nos objectifs de négociation. Il s'agit en particulier de la distinction entre réfugiés et migrants. Elle découle non seulement de ce que les réfugiés font l'objet d'un pacte distinct, adopté hier, mais aussi de notre refus, entériné par le Pacte, de voir reconnaître une catégorie nouvelle de protection internationale, soit au sens juridique du terme, soit par le biais du concept de vulnérabilité des migrants au cours de leur parcours migratoire, surtout lorsqu'il est irrégulier. Cette vulnérabilité peut seulement nécessiter une assistance particulière accordée par les organisations internationales et les organisations non gouvernementales (ONG) humanitaires – c'est l'objectif 7, au paragraphe 23 ; une telle catégorie nouvelle pourrait enfin être reconnue au titre des conséquences du changement climatique et des catastrophes naturelles ou de la dégradation environnementale qui peuvent provoquer des déplacements forcés. De tels phénomènes entraînent une prise en charge particulière, mais pas la création d'une catégorie juridique de « réfugiés climatiques », termes qui, de façon tout à fait intentionnelle, ne figurent pas dans le Pacte. Pour les dispositifs qui les concernent, je renvoie aux paragraphes 18 H à 18 L ainsi qu'aux paragraphes 21 G et 21 H. En d'autres termes, rien dans le Pacte ne crée de droits supplémentaires et nouveaux à une protection internationale au sens de la convention de Genève.
Certes, certains flux mêlent migrants économiques et personnes en besoin de protection au sens de la convention de Genève, comme ce fut le cas en 2015 et 2016 en provenance de Turquie ou en 2016 et 2017 en provenance de Libye. Ces flux mixtes constituent un problème sérieux et compliqué, mais qui peut être traité en pratique, notamment en organisant l'identification et la protection des demandeurs d'asile le plus en amont possible. Je rappelle à cet égard que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) conduit depuis un an des missions de protection au Niger et au Tchad, qui visent justement à identifier les demandeurs d'asile les plus vulnérables, éligibles à une protection internationale. La France s'était engagée à en réinstaller 3 000 chez elle ; à ce jour un peu plus de 800 l'ont été. Cela concerne aussi le mécanisme d'évacuation de réfugiés de Libye mis en oeuvre par le HCR, avec des évacuations depuis le Niger, auxquelles la France participe. Enfin le concept, élaboré par le HCR et l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), d'arrangement-débarquement sur la rive sud de la Méditerranée procède du même principe : pouvoir distinguer et traiter conformément au droit international les demandeurs d'asile.
Un deuxième élément important est la distinction entre migrants réguliers et migrants irréguliers. Elle figure explicitement, au titre des principes directeurs, dans le paragraphe relatif à la souveraineté des États. Il s'agissait d'un point central pour nous, non seulement parce qu'il est consubstantiel à l'objet même du Pacte – des migrations « régulières » – , mais aussi parce que c'est le manquement aux règles de droit, en particulier du droit national, qui provoque des réactions et des tensions. Le débat a été vif, les pays d'origine cherchant à gommer cette distinction, tant dans la gestion des flux irréguliers que dans le traitement des étrangers en situation irrégulière, avec notamment un appel à des régularisations en masse. Sur ce point, les formulations finalement retenues sont tout à fait compatibles avec nos règles nationales et nos pratiques, c'est-à-dire l'application au cas par cas de critères objectifs en vue de la régularisation. Nous partageons, de ce point de vue, la même position que tous nos partenaires européens ainsi que d'un certain nombre d'autres pays.
Troisième élément, la lutte contre le trafic illicite de migrants et les réseaux criminels de passeurs. C'est un des axes de la politique française et européenne, comme l'illustrent plusieurs initiatives : le sommet de Paris du 28 août 2017, la réunion ministérielle de Niamey du 16 mars 2018 et de nombreux projets notamment financés par le Fonds fiduciaire d'urgence de l'Union européenne pour l'Afrique. Les objectifs 9 et 10 sont consacrés l'un au trafic illicite de migrants, l'autre à la traite des êtres humains. Il s'agit de deux situations différentes couvertes par deux régimes différents et organisés par des protocoles à la convention de Palerme, même si, en pratique, il peut y avoir des passerelles entre elles. Le Pacte prévoit notamment le renforcement des capacités nationales et la coopération régionale et internationale. C'est là un sujet majeur. En effet, l'économie, les revenus illicites et la corruption que ce trafic génère sont délétères pour tous les pays. L'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), installé à Vienne, évalue dans son dernier rapport sur le trafic illicite de migrants, entre 5 et 7 milliards d'euros le « chiffre d'affaires » généré par ces trafics. Le sujet est également majeur car cette activité criminelle est attentatoire à la vie, à la sûreté, à la dignité et aux droits fondamentaux des personnes, comme cela est, malheureusement, amplement documenté.
Un quatrième élément était prioritaire pour nous, le retour et la réadmission des étrangers en situation irrégulière. Les Européens ont engagé une action politique déterminée dans ce domaine, notamment les autorités françaises depuis dix-huit mois. Le Pacte, en cohérence avec son objet, y consacre l'objectif 21, au paragraphe 37. La négociation a été vive jusqu'au dernier moment, non pas tant sur le principe du retour que sur la question de sa modalité, les pays d'origine souhaitant qu'il ne soit que volontaire et les pays de destination défendant que si le retour volontaire est préférable, le retour forcé peut être inévitable et nécessaire si l'étranger en situation irrégulière ne consent pas au retour volontaire. C'est bien notre position. Comprenant que c'était un point dur pour les Européens, à l'extrême fin de la négociation, les co-facilitateurs ont proposé cette formulation finale : le Pacte engage les pays d'origine à coopérer pour que ces retours et réadmissions aient lieu conformément au droit des pays de destination et à l'obligation formulée dans maints documents internationaux bilatéraux ou multilatéraux qu'il incombe aux États de réadmettre leurs ressortissants.
Un cinquième élément important portait sur le traitement des causes profondes de la migration, très nécessaire car l'émigration est souvent un symptôme. C'est pourquoi, après le premier objectif consacré à la recherche et à l'étude du phénomène, l'objectif 2 s'intitule « Lutter contre les facteurs négatifs et les problèmes structurels qui poussent des personnes à quitter leur pays d'origine ». Il énonce comme principe que les individus doivent pouvoir « vivre dans leur propre pays sans violence, de manière productive et dans des conditions viables, et réaliser leurs aspirations personnelles ». On le voit, le Pacte ne crée pas de droit à la migration : il affirme que le droit premier est de pouvoir vivre et s'épanouir dans son propre pays. Les causes de la migration sont multiples et souvent combinées. Notre préoccupation a été de les faire toutes prendre en compte, notamment la bonne gouvernance, l'État de droit, les droits de l'homme, la lutte contre la corruption, ce qui a été ajouté à l'initiative des Européens.
Enfin, la très grande majorité des objectifs concernent les droits des migrants. En application de la distinction fondamentale entre migrants réguliers et migrants irréguliers, beaucoup de ces droits s'appliquent seulement aux migrants réguliers. L'essentiel de ces droits sont déjà reconnus dans les conventions internationales et largement appliqués par les États les plus avancés en la matière. Le Pacte n'en crée pas de nouveau. Ainsi, l'objectif 4 porte sur la preuve d'identité légale et de papiers adéquats ; la France et ses partenaires européens demandent justement au pays d'origine de la garantir, d'où les projets engagés dans plusieurs pays africains pour rendre l'état civil généralisé et fiable et obtenir une utilisation de documents biométriques. De même, l'objectif 6, « Favoriser des pratiques de recrutement justes et éthiques et assurer les conditions d'un travail décent », est aussi une préoccupation de notre droit du travail, à quoi contribue la lutte contre le travail clandestin et illégal.
Étant donné les différences de niveaux de développement et de respect des droits entre les pays, ce Pacte peut contribuer à améliorer le sort des migrants réguliers dans un certain nombre de régions du monde, car il s'adresse à tous et doit s'appliquer de façon différenciée en tenant compte des situations réelles. Il faut donc, me semble-t-il, se garder d'une approche européocentrée, considérant que le Pacte vise principalement les flux migratoires vers l'Europe et les migrants résidant en Europe. Il s'agit là d'une vision étroite et quelque peu obsidionale du problème. Comme l'ont montré les prises de position, les nombreux témoignages exprimés à l'occasion de cette négociation, et encore plus l'année précédente lors des réunions thématiques et régionales, il y a beaucoup à faire dans maintes régions du monde autres que l'Europe pour mettre les législations et les pratiques à la hauteur des ambitions affichées par le Pacte. Je rappelle que, sur 244 millions de migrants internationaux en 2015, la part accueillie par l'Europe est très minoritaire.
De ce fait, le dispositif de mise en oeuvre prévoit un renforcement des capacités pour permettre à beaucoup de pays du Sud de concrétiser les engagements qu'ils ont souscrits, pour autant, évidemment, qu'ils aient la volonté politique pour ce faire. C'est là justement que le processus de suivi jouera son rôle, pour mesurer les progrès accomplis et inciter les États à aligner leurs politiques sur les meilleures pratiques. Il serait paradoxal, voire incompréhensible, que les États européens dont les standards sont parmi les plus élevés au monde, se sentent les plus visés, alors que ce sont eux qui ont le moins à craindre d'un alignement par le haut des politiques publiques en matière migratoire. Par exemple, les procédures en matière d'éloignement sont, en Europe, très encadrées par le droit et par le juge ; l'accès aux services sociaux de base y est sans doute parmi les plus généreux au monde.
Enfin, s'agissant du suivi et de la mise en oeuvre, sont prévus l'établissement d'un réseau des Nations unies sur les migrations, coordonné par l'Organisation internationale des migrations de façon à favoriser la coopération et les synergies entre les différentes institutions et agences compétentes pour tel ou tel aspect, ainsi qu'un mécanisme de renforcement des capacités au profit des États qui en ont besoin, puisque l'essentiel du travail incombera aux États. L'OIM a un mandat opérationnel ainsi qu'une expérience et une compétence de terrain utiles et reconnues. Les opérations de rapatriement qu'elle mène, comme en Libye, en sont un exemple. La France et ses partenaires européens ont beaucoup plaidé pour que cette organisation se voit reconnaître un rôle central dans la mise en oeuvre du Pacte, en raison de l'approche plus pragmatique et moins idéologique de la question qui est la sienne. Elle est notamment un des principaux pôles d'expertise et d'analyse, tâche qu'il est nécessaire de renforcer, comme le propose le Pacte.
Pour le suivi du Pacte, il est prévu l'organisation, tous les quatre ans, d'une conférence internationale ainsi que la mise en place par les États d'un suivi au niveau national. Cette dernière disposition est d'autant plus utile que l'efficacité des dialogues sur les migrations que la France et l'Union européenne conduisent avec les pays d'origine est souvent entravée par l'absence ou l'insuffisance d'une politique publique dédiée sur la base de mesures législatives et de dispositifs opérationnels. Lorsqu'une telle politique existe et que les moyens adéquats y sont consacrés, les résultats s'améliorent sensiblement, en particulier pour lutter contre la migration irrégulière. Le travail réalisé depuis deux ans par le Niger en est une illustration vertueuse. Ces préconisations ont donc pour objet de maximiser le bénéfice que l'on pourra tirer du suivi du Pacte au regard de nos priorités. Une résolution sur les modalités de suivi et d'examen sera négociée à l'Assemblée générale des Nations unies au printemps 2019. L'approche qui a la faveur des Européens, et, je crois, du Secrétariat, est celle d'un mécanisme de suivi léger fondé sur une approche coopérative et non contraignante.