Merci beaucoup, monsieur le ministre, pour votre tour d'horizon.
Je souhaite vous interroger au sujet du trente-deuxième sommet de l'Union africaine qui s'est tenu à Addis-Abeba le 10 février dernier. Le Secrétaire général de l'ONU António Guterres a fait le déplacement pour encourager le vent d'espoir que représentent les récents accords de paix signés dans la Corne de l'Afrique. Car les leaders de l'Union africaine ne supportent plus d'être dépossédés des initiatives de paix en Afrique.
Le Tchadien Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l'Union africaine, et l'Algérien Smaïl Chergui, commissaire de l'Union africaine pour la paix et la sécurité, le disent sans ambages, par exemple à propos de la Libye : il faut que le représentant de l'ONU coopère davantage avec eux, il n'est pas question de laisser l'ONU et les États-Unis en première ligne. Ils illustrent leur volonté de casser l'image d'une organisation africaine impuissante face au conflit par deux exemples : le compromis signé au Soudan du Sud au mois de septembre dernier entre les deux frères ennemis Salva Kiir et Riek Machar, qui, pour le moment, « tient », même si c'est cahin-caha ; l'accord de paix signé ce mois-ci en Centrafrique après dix jours de négociations menées tambour battant par Smaïl Chergui. On ne peut que souligner aussi les accords entre l'Érythrée, qui s'ouvre enfin au reste du monde, et l'Éthiopie.
Autre exemple de ce vent d'espoir, les dernières élections, que vous avez évoquées, en République démocratique du Congo, à Madagascar ou au Mali. Même s'il y a eu des divergences, les perdants, se gardant de toute violence, se sont comportés de manière positive et ont respecté les structures institutionnelles. On a pu cependant lire que ce bilan était mitigé, mais Paul Kagamé, qui avait été mandaté par ses pairs au mois de juillet 2016 pour proposer un ambitieux plan de réforme de l'Union africaine a vu, par sa désignation à la présidence tournante effective en janvier 2018, entérinée l'idée que l'organisation de l'Union africaine était enfin ouverte au changement. Son plan de réforme comptait plusieurs mesures emblématiques et il a obtenu des résultats inégaux. L'une de ses priorités était d'assurer l'indépendance financière de l'Union africaine en levant auprès des pays membres une taxe de 0,2 % sur les importations, mais la mesure n'a été acceptée que par 22 pays. Autre mesure emblématique, la création d'un fonds pour la paix est en bonne voie : sur les 400 millions de dollars jugés nécessaires pour l'abonder, 80 millions ont déjà été récoltés auprès des États membres : l'Union africaine pourra désormais financer elle-même des missions de médiation, des envoyés spéciaux, des initiatives en faveur de la paix.
Deux autres mesures étaient au coeur de la réforme institutionnelle. Le flambeau est désormais passé dans les mains du maréchal égyptien al-Sissi, qui a d'ores et déjà présenté ses priorités, parmi lesquelles le renforcement de l'intégration économique africaine. Mais, a priori, il n'y aura pas de nouvelles réformes engagées et celles qui le sont risquent de progresser désormais beaucoup plus lentement.
Néanmoins, lors de ce sommet, l'Union africaine a démontré, si besoin il y avait, que l'Afrique est désormais engagée dans une voie d'autonomie et qu'il faudra compter désormais avec elle sur l'échiquier politique international. Le voyage organisé par l'Élysée dans la Corne de l'Afrique, du 12 au 15 mars sera, l'occasion, pour le président Emmanuel Macron, de tenter de renforcer la présence de la France dans plusieurs secteurs économiques stratégiques, en cette zone où la France est historiquement peu présente, en dehors de Djibouti.
Monsieur le ministre, quel message politique peut-on attendre de ce déplacement dans une Afrique qui a réussi à démontrer, grâce à l'Union africaine, qu'elle peut fédérer des pays jusqu'alors isolés ou ennemis, face à une Europe en pleine incertitude préélectorale ?