Je vous remercie, monsieur le ministre.
Je souhaite vous poser une question sur l'intervention française et les frappes françaises au Tchad. Comme vous le savez, le président de notre groupe, Jean-Luc Mélenchon, a demandé à ce que nous ayons un débat à l'Assemblée nationale sur cette question, car ce n'est pas une petite intervention, mais une intervention importante qui implique la France et sa stratégie.
Comme vous le savez, le Tchad est le pays d'Afrique qui a connu le plus d'interventions militaires depuis son indépendance. Ce n'est effectivement pas la première fois qu'Idriss Déby, qui a pris le pouvoir par les armes en 1990 – avec le soutien de la France s'il faut le rappeler – fait face à une rébellion. Mais ce qui est aujourd'hui spécifique dans votre choix, c'est qu'il ne s'agit pas seulement d'un soutien à ceux qui bombardent : non, c'est la France qui décide elle-même d'intervenir militairement et de bombarder ! Ce n'est donc pas tout à fait anodin. L'argument autrefois employé, à savoir que c'était pour la stabilité de la région, fait place aujourd'hui aux références à la lutte contre le terrorisme. Mais quelle est la cohérence stratégique d'ensemble de cette intervention et quel est, d'abord, son impact réel sur la lutte contre le terrorisme ? Cette dernière apparaît ici comme un prétexte pour mieux soutenir le régime d'Idriss Deby.
Je ne peux que relever la dissonance par rapport à d'autres choix qui ont été les vôtres vis-à-vis des Kurdes, alliés pourtant absolument incontournables dans la lutte contre Daech, qu'ils ont combattu très concrètement, pied à pied. Eh bien, vous avez fait là le choix de ne pas froisser la Turquie, donc de ne pas clairement soutenir les Kurdes !
Je m'étonne d'autant plus de votre soutien quasi inconditionnel à Idriss Déby, coûte que coûte, alors que vous passez sous silence ses pratiques pour le moins autoritaires et la violation récurrente des droits humains par le régime en place. Je voudrais aussi vous demander combien de personnes vous estimez avoir été victimes de ces bombardements de la France.
Il y a vraiment deux poids, deux mesures. C'est absolument édifiant : alors que vous venez en aide à Idriss Déby, qui serait potentiellement victime d'un coup d'État, vous soutenez, de l'autre côté, un coup d'État au Vénézuela contre Maduro ! Nous sommes parfaitement lucides sur l'état du régime de Maduro, mais il ne s'agit pas de soutenir ce régime : il s'agit de conserver une cohérence d'intervention, et non de mener une politique d'ingérence au mépris des droits et au mépris de tout ce qui permet de stabiliser les régions en cause.
Je ne crois pas qu'à chaque fois qu'un Président de la République n'agit pas comme on aimerait qu'il agisse, ce type de soutien devienne automatiquement légitime. Idriss Déby a carrément tué 40 militaires parce qu'ils n'avaient pas voté « correctement » aux dernières élections et il a mené des arrestations en masse, sur fond de corruption inégalée ! La France aurait tout de même intérêt à se souvenir de son passé colonial en Afrique, pour éviter de le répéter.