Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du mercredi 13 février 2019 à 17h05
Commission des affaires étrangères

Jean-Yves le Drian, Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères :

Je le dis avec beaucoup de force. C'est notre place et nous la tenons. Nous souhaitons qu'il y ait un élargissement du nombre des membres permanents du Conseil de sécurité pour que d'autres pays puissent y siéger, dont l'Allemagne. Il ne s'agit bien sûr pas d'un remplacement.

L'Allemagne et la France présideront le Conseil de sécurité en mars puis en avril, mais à deux titres différents : l'Allemagne en tant que membre non permanent élu pour deux ans ; la France, en tant que membre permanent.

S'agissant des combattants étrangers en Syrie, nous suivons une ligne constante : nous considérons qu'ils doivent être jugés sur les lieux de leurs crimes. Pour ce qui est des enfants, nous étudions leur situation au cas par cas avec la Croix-Rouge internationale. La difficulté, c'est que la Syrie est une zone de guerre. Nous ne pouvons pas déterminer quelle y est l'autorité judiciaire. Certains combattants étrangers – des Français, des Belges, des Italiens, des Tunisiens, des Tchétchènes et d'autres nationalités –, sont prisonniers dans des camps du nord-est alors que d'autres continuent à combattre, toujours dans le même État, à Baghouz, Idlib, pour une partie aux côtés de Daech et pour une autre aux côtés Al-Qaïda. Nous nous préparons à toutes les hypothèses, y compris celle des expulsions. Aucune n'est privilégiée par rapport à une autre. Le critère de fond reste notre sécurité. Il n'y a rien d'autre à dire. Comme vous, j'ai lu le journal et je sais qu'il y a une proposition américaine mais ce n'est qu'une hypothèse parmi d'autres.

Je ne peux vous donner des chiffres précis. Nous savons que 1 200 Français ont quitté l'Europe pour aller combattre. Certains ont été tués, d'autres sont emprisonnés dans des camps au nord-est, d'autres encore continuent de combattre. Certains médias ont avancé le chiffre de 130 Français détenus dans un seul camp. C'est à peu près cela dans mais il est difficile de déterminer le nombre exact d'adultes car il y a une grande proportion d'enfants.

Notre seule préoccupation, c'est notre sécurité dans un État où la guerre n'est malheureusement pas près de finir.

Le général américain Joseph Votel, chef des opérations au Moyen-Orient, fait état de dizaines de milliers de combattants de Daech en Syrie et en Irak. Il n'y a plus de territoires tenus par les terroristes, mais il faut être extrêmement vigilant quant à leur dispersion.

Pour le Vénézuela, les choses sont extrêmement simples. Il y a eu en 2015 une élection législative, qui n'est contestée par personne. Il y a eu en mai 2018 une élection présidentielle, qui est contestée par la communauté internationale. Il y a eu ensuite l'aggravation de la crise. On peut toujours dire qu'il n'y a pas de crise humanitaire, mais quand plusieurs centaines de milliers de personnes quittent un pays, c'est qu'il est confronté à des difficultés. Il y a 3 millions de réfugiés vénézuéliens dans les pays voisins, principalement en Colombie – rappelons qu'il y a 1 million de réfugiés syriens au Liban. Il se passe quand même quelque chose.

À partir du moment où la crise politique s'est aggravée, nous avons estimé qu'il était indispensable de procéder à une élection présidentielle pour sortir de cette situation. Cette orientation, nous l'avons prise au titre du gouvernement français et de l'Union européenne qui a appelé unanimement, le 26 janvier dernier, à la tenue de telles élections sans pour autant désigner celui qui serait chargé de procéder à leur mise en oeuvre. À la réunion de Bucarest, les États membres ne sont pas parvenus à un accord unanime. La France avec d'autres États a considéré que M. Maduro n'ayant pas fait part de sa volonté d'organiser de nouvelles élections dans le délai de huit jours qui lui était imparti, M. Guaidó était habilité à y procéder. Le groupe de contact que l'Union européenne a mis en place, qui émane de la réunion des vingt-huit ministres des affaires étrangères, s'est réuni avec des représentants des différentes sensibilités de l'Amérique latine. Nous visons trois résultats : une mise en oeuvre des élections présidentielles dans les meilleures conditions possibles, un bon acheminement de l'aide humanitaire, une intervention armée évitée.

Venons-en au Qatar. J'ai eu des entretiens hier avec l'émir et plusieurs responsables politiques. Nous parlons avec tout le monde et nous souhaitons que les acteurs trouvent eux-mêmes la solution à la crise du conseil de coopération du Golfe. Nous ne nous sommes jamais mis en position d'être des facilitateurs de règlement de crise. Les différents responsables de ces pays sont suffisamment matures pour parler entre eux. Le Koweït a été mandaté pour favoriser une médiation qui n'a pas abouti. Je constate que les Qataris affirment progressivement leur autonomie à l'égard des autres pays du Golfe. Ils jouent leurs cartes, ce que je respecte. Cela ne nous empêche pas d'avoir des relations avec les Émirats arabes unis, avec le Koweït, avec l'Arabie Saoudite, avec le Bahreïn ou avec le sultanat d'Oman. Cette affirmation trouvera une traduction forte avec la Coupe du monde de football en 2022, que le Qatar doit organiser, et a en quelque sorte été anticipée par les résultats récents puisqu'il a remporté la finale de la Coupe de l'Asie qui se déroulait aux Émirats arabes unis. Il y a une dynamique sportive très positive à laquelle la France souhaite participer. Le Premier ministre se rendra à la fin du mois de mars à Doha pour assister à l'inauguration du musée national du Qatar.

La question palestinienne a été évoquée quand nous avons abordé les relations du Qatar avec la bande de Gaza. Elle n'est pas apparue comme une des préoccupations majeures de ce pays dans les discussions politiques que nous avons pu avoir.

Nous aurions peut-être intérêt à reparler du Proche-Orient et des relations entre Israël et les Territoires palestiniens après les élections israéliennes.

Madame Autain, j'aimerais préciser que l'article 35 prévoit, en cas d'intervention des forces armées à l'étranger, une information du Parlement qui n'est pas nécessairement suivie d'un débat. C'est seulement si l'intervention excède quatre mois que le débat devient obligatoire pour la prolonger.

Pour le recours à la force, le droit international fixe trois conditions : le consentement d'un État, l'autorisation du Conseil de sécurité prévue au chapitre VII de la Charte des Nations unies, la légitime défense selon l'article 51 de ladite Charte. Nous nous situons dans le cadre de la première condition. La France a reçu une demande écrite du chef de l'État tchadien, Idriss Déby, indiquant que son pays était menacé par des groupes armés venus de Libye pour faire un coup d'État. C'est la même démarche qu'avait entamée le président Traoré en janvier 2013 pour demander l'intervention de la France au Mali. Je précise qu'il n'y a pas eu de victimes civiles.

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