Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du jeudi 7 mars 2019 à 8h35
Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation

Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé :

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je suis heureuse d'être parmi vous ce matin pour vous présenter, et, surtout échanger avec vous, sur le projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé. Je mesure les attentes de vos territoires et, parallèlement, l'exigence particulière de la délégation aux collectivités territoriales d'associer au mieux les élus aux transformations à venir.

Vous le savez, ce projet s'inscrit dans le cadre d'une réforme ambitieuse visant à restructurer notre système de santé afin d'en garantir la viabilité et d'améliorer partout l'accès aux soins – à des soins de qualité.

S'il demeure par bien des aspects synonyme d'excellence, notre système de santé est confronté, à l'instar de celui d'autres pays développés, à des défis structurels qui nécessitent une évolution profonde de ses organisations, des prises en charge qu'il propose et des modes d'exercice des professionnels. Ces tendances lourdes sont bien connues : le vieillissement de la population – conséquence mécanique de l'augmentation de l'espérance de vie ; l'augmentation de la prévalence des maladies chroniques, qui pèseront de plus en plus sur le système de soins ; la persistance des inégalités territoriales en santé. Au cours du grand débat national, nos concitoyens ont confirmé ce diagnostic.

Face à un système jugé trop cloisonné – entre ville, hôpital et médico-social ; entre public et privé ; entre professionnels eux-mêmes – et mettant insuffisamment en valeur la fluidité des parcours et la coordination entre professionnels, notre stratégie « Ma santé 2022 » propose un changement de paradigme.

Sa philosophie s'articule autour de trois axes : la qualité des prises en charge, plaçant l'usager au centre du dispositif ; une offre mieux structurée, renforçant l'accès aux soins par un maillage territorial de proximité ; des métiers, des modes d'exercice et des pratiques professionnelles repensés.

Notre stratégie ne se réduit pas au projet de loi, mais entend activer l'ensemble des leviers et jouer sur toutes les composantes du système de santé pour proposer une nouvelle donne aux usagers et aux professionnels.

Parallèlement, une réforme profonde du mode de financement va être proposée, s'appuyant sur le rapport que M. Jean-Marc Aubert, directeur de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) du ministère, vient de me remettre.

Des premières avancées ont d'ores et déjà été adoptées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2019 : mise en place de financements forfaitaires pour la prise en charge hospitalière du diabète et de l'insuffisance rénale chronique ; développement de la dotation valorisant la qualité dans les établissements de santé. Les travaux se poursuivent et de nouvelles dispositions seront proposées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020.

Tout l'enjeu est de passer d'un système favorisant la course à l'activité et la multiplication des actes, à un système incitant à la prévention, qui soutienne la coopération entre professionnels et qui mette au premier plan la qualité et la pertinence des prises en charge.

D'autres leviers, réglementaires, conventionnels – avec l'assurance maladie –, financiers, mais aussi d'animation territoriale et d'appui aux acteurs, viendront prolonger la loi. C'est notamment le cas de plusieurs mesures emblématiques : le déploiement de quatre cents postes de médecins généralistes dans les territoires les plus en difficulté du point de vue de la démographie médicale ; la définition et le déploiement des fonctions d'assistant médical qui, rapidement, devront permettre de libérer du temps de médecin, soigner un plus grand nombre de patients et mieux les accompagner ou encore le soutien au développement des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) qui amèneront une meilleure coordination des professionnels de santé et amélioreront l'accès aux soins de la population dans les territoires.

Ce projet de loi est volontairement resserré autour d'un nombre limité de dispositions, pour enclencher des dynamiques. Il a été produit et concerté avec les principales parties prenantes dans de brefs délais, qui se justifient par nos engagements concernant la réforme des études en santé. La suppression du numerus clausus et de la première année commune d'études en santé (PACES), ainsi que la réforme des épreuves classantes nationales, impliquaient que la loi puisse être soumise au Parlement dès début 2019, pour préparer et informer les acteurs – notamment les doyens des facultés de médecine –, les étudiants et les universités en temps utile des nouvelles modalités de sélection.

Du fait de ce calendrier, un certain nombre de modifications législatives prennent la forme d'habilitations à légiférer par voie d'ordonnances, qui ont été groupées et limitées à six articles. Elles associeront étroitement les parlementaires, je m'y suis engagée.

S'agissant du projet de loi proprement dit, j'en résumerai les principales dispositions. Conformément aux engagements pris, la PACES et le numerus clausus, qui existe depuis 1971, seront supprimés dès septembre 2020. La PACES cédera la place à un système qui demeurera sélectif et exigeant, mais fera une meilleure place aux compétences, au projet professionnel, à la qualité de vie des étudiants, et diminuera le coût social associé à ce couperet.

En développant les passerelles entrantes et une entrée via Parcoursup, la diversité des profils des étudiants sera également privilégiée. Le deuxième cycle des études médicales sera entièrement rénové, avec la suppression des épreuves classantes nationales. Il s'agira de créer une procédure d'orientation prenant en compte les connaissances, mais aussi les compétences cliniques et relationnelles, qui sera respectueuse des projets professionnels des futurs médecins.

Nous étendons également le dispositif de médecin adjoint – la possibilité pour un interne en médecine en fin de formation de venir soutenir un médecin installé. Ce dispositif est actuellement réservé aux zones touristiques. Nous l'étendrons aux zones sous-denses ou en cas de carence ponctuelle, constatée par le conseil départemental de l'ordre des médecins.

Le titre II du projet de loi vise à la structuration d'un collectif de soins dans les territoires. Pour cela, au-delà du soutien évoqué au développement des CPTS, la création de projets territoriaux de santé doit aider à mettre en cohérence les initiatives de tous les acteurs du territoire, quel que soit leur statut – libéral, en exercice regroupé ou coordonné, hospitalier, du secteur social ou médico-social, public ou privé –, en associant les élus et les usagers du territoire. Ces projets territoriaux formalisent le décloisonnement qui caractérise « Ma santé 2022 ».

En outre, le statut des hôpitaux de proximité sera revisité. Par ordonnance, leurs missions socles seront définies, ainsi que leur gouvernance et les modalités de leur financement, pour en faire des structures adaptées aux soins du quotidien, ouvertes sur la ville et le médico-social, et dont le financement garantira la continuité de services.

Le projet de loi et la stratégie dans son ensemble visent par ailleurs à soutenir une offre hospitalière de proximité, pilier de l'offre de soins de premier recours dans les territoires. Les hôpitaux de proximité doivent faire l'objet d'un accompagnement particulier et disposer d'une gouvernance et de modalités de financement adaptées à leurs activités. En cohérence avec ces enjeux, nous poursuivrons la réforme des autorisations d'activité, afin d'accompagner les établissements dans la gradation des soins et dans la recherche de qualité, de sécurité et de pertinence des prises en charge.

Un chapitre sera consacré à l'acte II des groupements hospitaliers de territoire (GHT). Le projet médical doit désormais être au centre de gravité des groupements. La gestion des ressources humaines médicales sera mutualisée, et la gouvernance médicale adaptée et renforcée en conséquence dans les établissements de santé.

Dernier pivot du projet de loi, l'innovation et le numérique : les usages numériques doivent permettre au patient d'être un acteur à part entière de sa santé et de son parcours. C'est l'ambition de l'espace numérique de santé, ouvert pour chaque usager à l'horizon 2022. Conçu comme un nouveau service public numérique, sa première brique sera le dossier médical partagé. Il aura vocation à regrouper l'ensemble des données de santé du patient et à donner facilement accès à un bouquet de services et d'applications. Il sera donc voué à s'enrichir de façon évolutive. Bien entendu, l'usager sera seul gestionnaire de ses données et de l'octroi de leur accès.

La dématérialisation des pratiques passera quant à elle par le renforcement de la télésanté. Le télésoin sera créé, pendant de la télémédecine pour les paramédicaux et les pharmaciens, permettant la réalisation de certains actes – en orthophonie par exemple – à distance par voie dématérialisée.

Enfin, et il s'agit d'un objectif transverse à toutes les politiques publiques, des mesures diverses de simplification, d'harmonisation et de sécurisation juridiques sont regroupées dans les titres IV et V du projet de loi.

Mesdames et messieurs les députés, nous avons collectivement la responsabilité de garantir à nos concitoyens les conditions d'un meilleur accès aux soins sur le territoire. À ce titre, je serai très sensible à vos propositions pour enrichir notre stratégie de transformation du système de santé. J'ai entendu vos critiques sur la place faite aux élus en amont des décisions en matière de santé : il nous faut avancer sur cette question. Je suis à votre écoute pour trouver ensemble des voies d'amélioration.

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