Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du jeudi 7 mars 2019 à 8h35
Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation

Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé :

Madame la présidente, vous m'avez interrogée sur les possibles évolutions de la structure des ARS. Les ARS ont une dizaine d'années – l'histoire permet de comprendre d'où l'on vient, si l'on veut ensuite avancer différemment. Ces structures sont issues de la fusion des directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS) et des caisses d'assurance maladie. Leurs agents ont donc un profil assez normé ; ils se sont adaptés à des missions nouvelles et renforcées, d'organisation des soins. La carte hospitalière n'était plus décidée depuis Paris, mais devenait de la responsabilité des ARS.

Mais c'est le choc de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) qui a beaucoup plus éloigné les ARS des élus. Quand les ARS étaient nombreuses et indépendantes sur le territoire, elles étaient assez proches des départements dont elles avaient la charge. Aujourd'hui, les treize ARS gèrent des territoires immenses et seules les délégations territoriales restent proches du terrain. Mais leurs personnels sont peu nombreux – des équipes d'une dizaine de personnes au maximum, souvent dirigées par un ingénieur – et ont des compétences techniques – le contrôle de l'eau par exemple. Elles n'ont donc pas le même rôle politique que celui que pouvait jouer par le passé un directeur général d'ARS.

Aujourd'hui, la centralisation aidant, les directeurs généraux d'ARS sont très éloignés de leur territoire et les élus très en demande… Certains directeurs passent dix heures par jour sur les routes pour aller à l'autre bout de leur région et visiter un hôpital. La situation est complexe pour eux, ce qui explique que les liens se soient distendus. Vous n'aviez pas le même ressenti avant le vote de la loi NOTRe – il était en tout cas moins flagrant.

Nous devons donc réarmer les délégations territoriales, avec des profils plus « politiques », capables de dialoguer avec les élus. C'est à mon sens principalement un problème managérial, car la volonté est là. Je rencontre les directeurs généraux d'ARS tous les mois, je leur dis à quel point ils doivent être ouverts sur leurs territoires et coopérer avec les élus locaux. Ils le savent. J'ai régulièrement un état des lieux des réunions tenues avec les élus. L'an passé, ils ont tenu plus de mille réunions et rencontré plus de cinq mille élus !

Cette restructuration a eu lieu il n'y a que deux ans et a constitué un immense bouleversement pour les agences. Je m'attache désormais à redéployer des forces vives, plus politiques et plus responsables – les délégations territoriales n'ont actuellement aucune responsabilité, ni aucun pouvoir décisionnel. En conséquence, les postes ne sont pas attractifs. Cet enjeu managérial est désormais pris en compte dans l'organisation et le recrutement des ARS.

Parallèlement, un outil doit être mis au service de cette réforme : les projets territoriaux de santé, qui permettront d'organiser l'interface avec les élus et les usagers du système de santé. Ces projets reprendront tous les contrats existants – contrats locaux de santé, contrats territoriaux de santé mentale, etc. – et les agrégeront en un projet cohérent et structuré.

Bien sûr, nous sommes favorables à une plus grande souplesse des ARS concernant les adaptations territoriales : chaque territoire a ses spécificités, que les professionnels de santé, comme les élus ou les usagers, connaissent bien et peuvent porter à la connaissance des ARS. Je demande toujours à ces dernières d'être très attentives à l'application non aveugle des normes. Nous sommes particulièrement soucieux de les adapter en permanence, sachant pertinemment que certains territoires ne pourront pas atteindre la norme fixée par la Haute Autorité de santé (HAS) ou un autre dispositif.

Les aides à domicile ne figurent pas dans le projet de loi que je vais présenter. Ce sujet est inclus dans la consultation que mène M. Dominique Libault en amont du projet de loi « Grand âge et autonomie », qui devrait être finalisé fin 2019.

Monsieur Viala, vous m'avez interrogée au sujet de la réforme des études médicales. Effectivement, le fait de supprimer la PACES a pour conséquence de faire entrer les études de médecine dans le droit commun. Nous travaillons actuellement sur ce point avec les doyens, les présidents d'université et les syndicats étudiants, avec pour objectif de diversifier le plus possible les modes d'entrée. L'une des pistes consiste à mettre en place une année commune aux professions de santé, mais il est également envisagé que les meilleurs étudiants d'autres filières puissent rejoindre les études de médecine après la licence, pour quatre années communes. Ainsi, nous pourrions avoir de futurs médecins aux compétences et aux profils différents, car ils n'auraient pas été sélectionnés uniquement sur des cours appris par coeur et des examens par questionnaires à choix multiples (QCM). Le mode de sélection actuel aboutit à des profils trop peu diversifiés, pour ne pas dire à un profil unique, et à des étudiants malheureux, ce qui explique qu'il y ait beaucoup d'abandons au cours des études de médecine : en effet, de nombreux étudiants sélectionnés au terme d'un processus très compétitif ne se retrouvent pas du tout dans la vie hospitalière et le contact avec les malades. En plus du brassage des profils, la mise en place de passerelles va également permettre aux étudiants qui le souhaitent de sortir des études de médecine pour se diriger vers d'autres professions de santé. Le travail de concertation que j'ai évoqué se fera durant toute l'année 2019 et, du fait qu'une entrée par Parcoursup sera possible, il faut impérativement que la loi soit votée avant septembre, afin d'adapter le dispositif en vue de la rentrée 2020.

Vous m'avez également demandé si la suppression du numerus clausus allait s'accompagner d'une prise en compte spécifique des zones sous-denses. Effectivement, nous souhaitons que les capacités de formation des universités se trouvent renforcées dans les territoires sous-denses, de façon à ce que l'on puisse former plus de médecins venant de ces territoires, qui sont souvent les plus ruraux, et que l'on ne concentre donc pas l'offre de formation sur les grandes métropoles. Cela doit également permettre aux médecins de retourner s'installer plus facilement dans les territoires où ils ont été formés – je reviendrai tout à l'heure sur la contrainte et la coercition.

Pour ce qui est du maillage des maisons de santé pluriprofessionnelles, des besoins émergents et de l'idée consistant à développer les MSP par étapes, comme vous le savez, le Président de la République a promis de doubler le nombre de MSP à l'horizon de la fin du quinquennat ; cet objectif devrait être atteint, puisque le développement, que nous suivons de très près, se fait de manière régulière. Dans le cadre du plan pour l'égal accès aux soins que j'avais mis en place dès ma prise de fonctions afin de faciliter l'installation des MSP, nous avons fait appel à trois délégués territoriaux, à savoir la sénatrice Élisabeth Doineau, le député Thomas Mesnier et un médecin généraliste, Sophie Augros, qui vont se déplacer sur les territoires afin de nous faire remonter tous les besoins nouveaux, ce qui va nous permettre d'adapter les dispositifs. Pour l'instant, ils n'ont pas fait état d'un souhait de voir les maisons de santé s'installer de manière progressive, mais je les interrogerai spécifiquement sur ce point. J'ai tendance à penser que si nous créons des MSP en commençant par la mise en place d'une équipe réduite, voire d'un seul médecin, cela risque de ne pas marcher – mais nous allons nous pencher sur la question.

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