Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du jeudi 7 mars 2019 à 8h35
Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation

Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé :

Effectivement, le maire et les élus sont extrêmement satisfaits, de même que la population, car la présence de cet hôpital permet de maintenir une offre de proximité de qualité. Grâce aux investissements réalisés, l'établissement est flambant neuf, il est beau, il fonctionne bien et il est attractif pour les professionnels, ce qui fait que des médecins libéraux viennent y exercer. Par ailleurs, il a contractualisé avec l'hôpital tête de pont du GHT, à savoir le CHU du Havre, afin que toutes les spécialités soient représentées à Pont-Audemer. Des spécialistes de qualité – chirurgiens, ophtalmologistes, dermatologues, cardiologues – viennent donc du Havre une fois par semaine ou tous les quinze jours afin de donner des consultations avancées – je rappelle qu'il y a au Havre des professeurs des universités praticiens hospitaliers (PU-PH), ce qui donne aux patients l'assurance de la qualité en proximité. Les plateaux techniques, eux, sont évidemment au Havre, où sont envoyés les patients devant subir une opération ou tout autre acte technique lourd ; ils reviennent cependant à Pont-Audemer pour le suivi.

Pour moi, c'est l'organisation idéale, qui permet de mettre à disposition une porte d'entrée de proximité, mais aussi de qualité, offrant aux patients du territoire toutes les spécialités projetées. Il ne s'agit pas de proposer des spécialités en proximité mais au rabais, comme c'est parfois le cas lorsqu'elles sont exercées par des intérimaires dont il est difficile d'évaluer les pratiques. Cela permet de maintenir l'attractivité du territoire, grâce à un hôpital qui fonctionne bien et dispose de financements ad hoc, puisqu'il n'a pas vocation à attirer des patients au-delà de son bassin de population.

Certains élus s'inquiètent, mais il me semble qu'on se voile la face en pensant qu'au XXIe siècle on peut maintenir partout une médecine de qualité et de proximité. En effet, la médecine devient de plus en plus spécialisée et de plus en plus technique, et plus on essaie de maintenir cette spécialisation et cette technicité en proximité dans le contexte d'une faible activité, moins on est certain de la compétence des professionnels qui exercent, car ils exercent peu.

Par conséquent, j'estime qu'il vaut mieux assumer une gradation des soins, c'est-à-dire, d'une part, une offre de soins de proximité qui rende vraiment service à la population en lui proposant de la médecine polyvalente, de la gériatrie, des soins de suite et de réadaptation, des équipes mobiles, de la biologie de la radiologie et, d'autre part, des spécialités exercées sur des plateaux techniques présentant un niveau élevé d'activité, mais aussi de qualité, grâce à des professionnels très bien formés et très compétents. De nombreux pays fonctionnent sur ce modèle, basé sur le principe d'une porte d'entrée proche des citoyens et leur permettant à la fois d'être pris en charge rapidement pour la médecine du quotidien et d'être orientés vers des plateaux techniques pour les soins plus spécialisés et plus techniques. La France est l'un des rares pays à ne pas avoir assumé le principe de la gradation des soins et à continuer à laisser croire qu'on peut faire bien partout, en proximité, ce qui, à mon sens, commence à présenter des risques pour certaines pratiques hyper-techniques.

Quand des pratiques chirurgicales innovantes ou de nouveaux dispositifs médicaux sont susceptibles d'être proposés au public, la Haute Autorité de santé les autorise et permet leur financement par l'assurance maladie à une seule condition, c'est que le plateau technique qui propose ce dispositif assure plus de 100 ou 200 actes par an. Il est évident qu'en proximité, personne ne peut atteindre ce seuil, et que les médecins qui souhaitent mettre en oeuvre ces dispositifs innovants – je pense par exemple à l'implantation d'une valve aortique par voie percutanée, en anglais transcatheter aortic valve implantation (TAVI) – ne peuvent pas être compétents, faute d'une activité suffisamment régulière. En cancérologie, c'est un principe qu'on assume depuis longtemps, et on se réfère à des seuils d'activité internationaux : plus personne ne peut être suivi pour un cancer dans un hôpital de proximité si cet établissement n'atteint pas, par exemple, un seuil de 50 cancers du sein traités par an – ce seuil représentant un gage de qualité.

Ce projet de loi a donc pour objet d'assurer à la fois une proximité et une gradation des soins en vertu de laquelle les gens sont sûrs d'être envoyés au bon endroit. Je précise cependant que la conversion d'un établissement en hôpital de proximité se fera sur la base du volontariat, à l'issue d'une discussion entre les élus et les usagers d'un territoire. Pour moi, la capacité d'un hôpital tête de pont d'un GHT à envoyer des médecins au sein des hôpitaux de proximité, en consultation projetée, est fondamentale pour que le système fonctionne bien. C'est ainsi que le service de cancérologie du CHU de Besançon assure la cancérologie de tous les hôpitaux de la région, les praticiens hospitaliers de cet établissement se rendant une fois par semaine dans les hôpitaux de proximité pour y mettre en oeuvre les chimiothérapies des malades : pour moi, c'est un modèle de proximité de qualité.

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