Vous avez raison, il faut qu'il soit tenu compte des spécificités territoriales. Nous n'avons pas encore eu le temps d'organiser une concertation avec les fédérations hospitalières, les élus, les usagers et les professionnels, mais je souhaite que l'on inscrive le plus rapidement possible les missions socles – c'est-à-dire le minimum à assurer par chaque hôpital de proximité – dans le projet de loi en dur, afin de pouvoir rassurer tout le monde. Je ne suis pas sûr que nous parvenions à maintenir la chirurgie au sein des missions socles, mais on peut imaginer que certains hôpitaux de proximité conservent telle ou telle activité – à condition, bien sûr, que cela ne se fasse pas qu'avec des intérimaires – car la démographie médicale entraîne des difficultés d'attractivité majeures, et le problème va se poser pendant encore dix ans.
Monsieur Jerretie, vous m'avez parlé des ressources humaines mutualisées, un principe qu'il faut selon moi mettre en application partout où il est possible de le faire, c'est-à-dire pour chaque hôpital qui ne s'est pas constitué en structure assiégée jalouse de ses ressources, mais qui est au contraire disposé à les partager. J'ai vu, près d'Orléans, ce que pouvait donner la mutualisation des urgentistes entre trois hôpitaux d'un même GHT : cela a permis que les urgences restent ouvertes partout, même dans un hôpital où il y avait très peu d'activité et où les urgences n'étaient donc pas attractives pour les professionnels, car il suffit que les urgentistes viennent y passer une semaine par mois ou quelques jours par semaine pour que les urgences fonctionnent régulièrement, assurant un service de proximité mais de qualité, car dispensé par des professionnels bien formés et pratiquant beaucoup.
Si la mutualisation est pour moi la clé du succès, je ne fais pas une obsession de la direction commune et la loi comportera d'ailleurs un droit d'option : ceux qui souhaiteront une direction commune la prendront, mais elle ne sera pas imposée à ceux qui n'en veulent pas. En revanche, je suis très attachée à la mutualisation des moyens médicaux, avec des filières de prise en charge et une réflexion sur l'offre de soins territoriale entre les différents hôpitaux du GHT.
Pour ce qui est des intérimaires, comme vous le savez, j'ai publié en 2017 un décret ayant pour objet une limitation de leur coût, grâce à une diminution progressive du seuil maximum de revenus quotidiens d'un intérimaire. Bien sûr, cela ne peut marcher que si tout le monde joue le jeu, et il suffit qu'un hôpital contourne le décret et accepte de payer plus cher pour que tout l'édifice se casse la figure. Je n'arrête pas de dire aux ARS qu'elles doivent vérifier que les hôpitaux jouent le jeu, mais tant qu'il n'y a pas de contrôle de la chambre régionale des comptes, il est difficile de s'assurer que c'est bien le cas, car je ne peux pas être derrière chaque directeur d'hôpital. Je le répète, ce mécanisme ne peut fonctionner que si 100 % des hôpitaux décident de ne plus employer d'intérimaires à 3 000 euros par jour.