En tout cas, ce sujet n'a pas encore été abordé dans le cadre du futur projet de loi. Pour ma part, je pense qu'au-delà de la gouvernance, l'obligation de mutualisation des ressources humaines est vraiment la clé.
Vous m'avez également demandé, monsieur Jerretie, si l'on pouvait envisager des outils complémentaires afin de faciliter la contractualisation des MSP. Dans ce domaine comme dans d'autres, je suis tout à fait disposée à écouter vos propositions, comme je l'ai dit à M. Viala.
Les infirmiers et infirmières en pratique avancée (IPA) sont un dispositif ayant vocation à se développer, et notre objectif est d'atteindre un effectif de 2 000 personnels en deux ans. Notre capacité actuelle de formation est de 1 000 personnels par an et, comme vous le savez, j'ai ouvert l'accès des IPA à la psychiatrie à partir de 2019, car je pense que nous en avons besoin étant donné la difficulté actuelle à recruter des médecins psychiatres pour des raisons démographiques : cela devrait beaucoup améliorer la situation dans les hôpitaux psychiatriques.
En ce qui concerne la télémédecine, vous m'avez demandé si l'outil numérique serait assez compétitif au sein des territoires ruraux. Sur ce point, je rappelle sans cesse aux ARS et aux élus la nécessité de bien identifier les zones prioritaires pour l'aménagement du territoire : la couverture des hôpitaux doit être prioritaire, mais il ne faut pas négliger non plus celle des MSP, où l'on pratique beaucoup la télémédecine et la télé-expertise.
Vous avez évoqué la coercition, madame Louwagie : pour ma part, je suis contre, car je pense que cela nous ferait perdre des médecins. On a récemment permis à certains étudiants d'accéder aux études médicales après trois années de licence dans une autre filière mais, à l'heure actuelle, les études de médecine durent au minimum six à sept ans, auxquels il faut ajouter trois années d'internat – cinq ans pour certaines spécialités –, ce qui fait quinze ans en tout, et même dix-sept pour ceux qui choisissent de faire un clinicat.
J'ai bien noté que votre suggestion concernait les médecins généralistes. Cela dit, les jeunes médecins terminent leurs études lorsqu'ils ont entre trente et trente-cinq ans, et 70 % d'entre eux sont des femmes. Comment leur imposer une obligation d'installation pendant trois ans en zone rurale ? En l'état actuel des choses, la plupart des femmes médecins mettent leur activité entre parenthèses lorsqu'elles ont des enfants, et une bonne partie d'entre elles préfèrent exercer leur activité dans un cadre salarié, car c'est beaucoup plus simple. Il y a actuellement des milliers de postes de médecins salariés vacants dans des centres de santé, dans des laboratoires pharmaceutiques, en médecine du travail ou en médecine scolaire.
Franchement, obliger des gens ayant entre trente et trente-cinq ans et venant de fonder une famille – ou s'apprêtant à le faire – à aller s'installer en zone rurale, je pense que c'est une mauvaise idée, qui risque de nous faire perdre encore plus de médecins. Selon les statistiques, il y aurait déjà près de 20 % de jeunes médecins fraîchement diplômés qui abandonnent l'exercice de la médecine, ce qui est énorme : on ne peut pas prendre le risque de voir ce chiffre devenir encore plus important, avec des médecins qui décideront de ne pas s'installer ou qui choisiront une spécialité, la médecine de laboratoire ou autre chose, plutôt que l'activité de médecine générale.
Pour moi, la seule vraie solution, c'est l'incitation : il faut rendre le métier plus attractif. Face à une profession déjà globalement sous-dotée en nombre, la coercition ne peut avoir pour effet que d'augmenter le taux de fuite, ce qu'il faut éviter à tout prix. Ce n'est pas le cas des professions sur-dotées, comme celle d'infirmière, où le maillage territorial ne pose pas de difficultés, parce que les gens doivent bien assurer leur subsistance. Il faut être pragmatique : vous n'obligerez pas une jeune femme qui, venant de terminer ses études, se marie et a ses enfants à trente-trois ans, à aller s'installer ailleurs que là où elle veut faire sa vie.
Nous soutenons les maisons de santé universitaires, qui constituent des lieux de stage. À chaque fois que je visite l'un de ces établissements, les maîtres de stage m'expliquent que les jeunes internes de médecine générale qui viennent s'y former prennent goût au travail en équipe et qu'il n'est pas rare qu'ils décident ensuite de s'installer dans une maison de santé, car ce cadre est attractif.
Comme je l'ai déjà dit, le recours aux intérimaires est non seulement coûteux, mais aussi dangereux, parce que les intérimaires ne s'intègrent pas dans les équipes et ne s'investissent pas dans les bonnes pratiques : ce n'est donc pas un bon mode de fonctionnement. Nous souhaitons que les médecins de ville puissent exercer au sein des hôpitaux de proximité, comme c'est déjà le cas dans beaucoup de pays par le monde, et pour cela, nous voulons mettre en place deux mesures. D'une part, la possibilité pour les médecins de ville de suivre leurs malades dans l'hôpital de proximité, ce qui rendra l'hôpital de proximité plus attractif. D'autre part, une modification du statut des praticiens hospitaliers (PH) – cela fera l'objet d'une ordonnance, à l'issue de la nécessaire concertation avec les syndicats – pour que le contrat de ces PH prévoie un ou deux jours de médecine libérale, ce qui le rendra également plus attractif, car on sait qu'aujourd'hui le temps plein hospitalier n'est plus attractif dans certaines disciplines telles que l'anesthésie ou la radiologie, où les gens gagnent beaucoup mieux leur vie ailleurs – pour cette raison, il est impossible de recruter des radiologues ou des anesthésistes dans certains hôpitaux, d'où le recours coûteux à des intérimaires. Le fait de favoriser une pratique mixte, comme c'était le cas avant, devrait faciliter le recrutement au sein des hôpitaux.