Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du jeudi 7 mars 2019 à 8h35
Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation

Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé :

Madame Taurine, la comparaison avec les enseignants revient souvent, mais les enseignants n'ont pas quinze ans d'études derrière eux et, surtout, ils sont fonctionnaires, ce que les médecins ne sont pas. On peut décider de fonctionnariser la médecine, mais ce n'est pas un combat que j'ai envie de mener car j'ai un autre modèle.

Sur l'Ariège, je ne peux pas vous répondre au sujet de l'hôpital que vous mentionnez. En revanche, vous avez raison, on ne peut mener cette réforme sans un engagement de tous les professionnels, qu'ils exercent dans le secteur hospitalier ou en médecine libérale. C'est le travail de concertation que je conduis depuis un an avec tous pour essayer de soulager la souffrance, car il y a trop de souffrance aujourd'hui, même chez les médecins et les autres professionnels libéraux. Tout le monde se plaint du système, qui pousse à une activité très mal ressentie. J'ai donc mis un point d'honneur à construire cette réforme avec tous les professionnels.

Évidemment, chacun sur le territoire n'a pas le sentiment d'avoir été consulté, ce qui est normal puisque ce sont les représentants qui le sont, mais sur les statuts des professionnels, sur les évolutions de carrière, notamment des professionnels hospitaliers, une ordonnance est prévue dans la loi justement pour avoir encore le temps de concerter avec les syndicats.

Cela répond aussi à la question de M. Martin. Je souhaite que tous les engagements que prennent des professionnels au sein de l'hôpital, tout ce qui est transversal, tout ce qui est autre que la pratique, soit mieux valorisé et reçoive une reconnaissance en tant que tel. Cela fera partie des concertations car je souhaite que les professionnels puissent évoluer dans leurs carrières, puissent assurer des missions transversales à un moment, revenir à la pratique, avoir des activités d'enseignement… Il faut que chaque investissement qu'un professionnel consent dans sa carrière soit reconnu et valorisé. La concertation aura lieu dans le cadre du travail sur l'ordonnance pour la fonction publique hospitalière.

Les choix sont souvent ressentis comme des choix budgétaires. Cela a souvent été le cas, je ne veux pas le nier, mais ça n'est pas aujourd'hui l'orientation que je donne aux ARS et aux directeurs d'hôpital. Une seule chose m'importe, c'est que les choix de restructuration soient dictés par la préoccupation de la sécurité et de la qualité. Je l'ai dit aux différentes maternités qui se transforment en centres de périnatalité : quand ces choix sont faits, c'est simplement que la maternité, fonctionnant telle qu'elle fonctionne, n'est plus apte à assurer la sécurité des soins. Ce ne sont pas des choix budgétaires. Nous avons d'ailleurs réussi à obtenir un objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) élargi et vous savez que la campagne budgétaire est pour la première fois cette année en augmentation. Il y aura plus de budget pour les hôpitaux, c'est un engagement que j'avais pris. Je ne souhaite donc pas mettre la pression budgétaire ; c'est un choix de qualité.

Enfin, je sais que l'ARS Occitanie suit de très près la réorganisation des hôpitaux de l'Ariège.

Madame Pires Beaune, vous dites que c'est un choix de l'État d'avoir restructuré les ARS. Je n'étais pas aux affaires au moment où la loi NOTRe a été votée. De fait, on a demandé aux ARS de se regrouper et cela a représenté un effort énorme pour les personnels, avec beaucoup de risques psycho-sociaux, beaucoup de mutations. Ces nouvelles ARS régionales ont été créées le 1er janvier 2017. Vous imaginez bien qu'en arrivant aux affaires, je ne peux pas demander à ces personnels de faire machine arrière, alors qu'ils ont travaillé pendant deux ans à se restructurer, que des gens ont été mutés, que l'organisation et la gouvernance ont été modifiées. On ne revient pas comme cela sur une telle réorganisation. Ce ne sont pas moins de 10 000 fonctionnaires travaillant en ARS à qui l'on a demandé de bouger. Mon objectif est de transformer les postes de délégués territoriaux en véritables postes fonctionnels de carrière dans l'ARS, c'est-à-dire de modifier la mission même des délégués territoriaux, de leur donner du pouvoir. C'est un véritable changement, pas seulement managérial, mais de profil des personnes qui travailleront dans les délégations territoriales.

Je rappelle que les élus siègent aujourd'hui dans les conseils de surveillance des ARS. Ce ne sont pas des députés mais des conseillers régionaux, des conseillers départementaux et des représentants des maires. Les conseils de surveillance des ARS ont déjà des élus locaux.

S'agissant des hôpitaux de proximité, oui, cela se fera sur la base du volontariat, nous n'obligerons pas un hôpital à se transformer s'il ne le souhaite pas. Il y aura également des hôpitaux de taille intermédiaire, des hôpitaux locaux généraux tels que nous en connaissons, il existera une gradation.

La gouvernance de ces hôpitaux de proximité sera très différente de celle des hôpitaux locaux car nous souhaitons y mettre la médecine libérale, le lien avec la CPTS, des professionnels. Revoir cette gouvernance fait partie de la concertation en cours pour définir ce que sera la nouvelle gouvernance des hôpitaux de proximité. Si je pense que nous serons capables d'inscrire les missions socles dans la loi, je suis moins sûre que nous ayons abouti pour inscrire le mode de gouvernance, même si nous le souhaitons beaucoup plus large que ce qu'il est aujourd'hui dans les hôpitaux.

Le lien avec l'ANCT est évident. Nous y travaillons avec Jacqueline Gourault, il faudra une articulation. Je crois qu'il y a dans la loi une accroche dans la loi sur l'aspect santé de l'ANCT, même si ce ne sera pas un aspect décisionnel parce que, je le dis et le redis, la santé est un service au public et non, même si les hôpitaux sont un service public, un service public à proprement parler, car la médecine libérale, elle, n'est pas un service public : c'est un service au public par une profession libérale. Par conséquent, l'aménagement du territoire est certes un prérequis à l'organisation des soins mais ce n'est pas le seul. Contrairement à un aménagement de 3G ou à l'accès à internet, le service au public en santé nécessite aussi la qualité, et l'on ne peut donc pas le considérer uniquement comme un sujet d'aménagement du territoire. C'est pour cela que le confier à une agence en charge de l'aménagement du territoire me paraît problématique car cette agence n'aura pas la compétence pour juger de la qualité des pratiques. Je rappelle que les ARS sont en lien quotidien avec les professionnels de santé. Elles travaillent avec les unions régionales de professionnels de santé (URPS), les syndicats, les professionnels libéraux, les professionnels hospitaliers, les fédérations… Peut-être ne travaillent-elles pas suffisamment avec les élus, nous l'entendons et l'intégrerons, mais elles sont en contact permanent avec les professionnels. Cela, l'ANCT ne peut évidemment pas le faire. En revanche, un travail sera conduit sur l'articulation.

Monsieur Baudu, les ARS, je l'ai dit, comptent des élus dans leurs conseils de surveillance. Ce que je crois, c'est que n'y sont pas toujours envoyées des personnes capables d'orienter. Le projet territorial de santé sera un outil de formalisation du travail entre les élus locaux et l'ARS, car il faudra aboutir à un projet consensuel.

Les préfets départementaux sont importants et nous allons favoriser une meilleure articulation entre les préfets et les ARS. Cela existe déjà et ça se passe très bien dans la majorité des cas. Il y a quelques régions où cela se passe moins bien. Les préfets ont des compétences d'aménagement du territoire, mais n'ont pas compétence en matière de qualité des pratiques ou pour tout ce qui concerne les normes. Les ARS ont de vraies missions normatives, vous le savez, comme le contrôle de la qualité des eaux. Ce sont des agences de santé et il ne faut pas imaginer que tout le monde puisse tout faire. Je pense qu'il faut garder ces structures. Je souhaite les faire évoluer, formaliser dans leur travail les contacts avec les élus. Cela apparaîtra dans la loi, et je suis prêt à recueillir vos propositions, mais je pense qu'il ne faut pas détricoter quelque chose qui a maintenant dix ans d'âge. Les ARS existent, essayons d'améliorer leur fonctionnement, mais ne supprimons pas un outil qui est un véritable outil de compétence santé.

S'agissant du timing du projet de loi, ce que j'entends dans les grands débats, c'est que la santé est une préoccupation majeure, et ce qui remonte, c'est le constat. Nos concitoyens se plaignent de manque d'accès aux soins. En réalité, nous avons tous fait ce constat bien avant le grand débat et, quand j'ai pris mes fonctions, j'ai travaillé à un plan d'urgence d'accès aux soins, qui s'est maintenant transformé en une véritable réforme holistique du système de santé. Cela a été un an de concertation, un an de travail avec des élus, des professionnels, des fédérations, des syndicats. Tout le monde a été concerté, il y a eu des dizaines de groupes de travail. La loi arrive. Je veux évidemment bien prendre en compte tout ce qui remontera du grand débat par amendement mais ce que j'observe, dans le grand débat, ce ne sont pas tant des propositions que des constats que nous avons faits il y a deux ans. Je suis ouverte à toutes les propositions qui remonteront du grand débat pour améliorer la loi mais, très sincèrement, dans ce que j'entends, parce que j'y assiste, j'écoute et je lis les cahiers de doléances, je trouve assez peu de propositions ou en tout cas de propositions qui seraient très différentes de ce que nous proposons.

Ouverture complète, donc, à tout ce qui remonterait du terrain, et de vous, d'ailleurs, mais ne perdons pas de temps, parce que nous avons vraiment besoin de cette transformation. Si la loi n'est pas votée avant septembre, nous ne pouvons rien mettre en place dans Parcoursup pour 2020, ce qui signifie que nous ratons la fin du numerus clausus en 2020, alors que nos concitoyens l'attendent.

Monsieur Martin, je souhaite élargir les IPA à d'autres professions de santé, mais sachez que, pour aboutir au décret IPA, il nous a fallu dix ans entre le moment où l'on a pensé aux IPA et le moment où cela a été accepté par les différentes professions. Dieu sait que j'ai mis la pression. J'ai intimé l'ordre d'aboutir à un consensus pour ouvrir la formation aux IPA en 2018. C'est allé à marche forcée. Il faudra que les autres professionnels travaillent à ce que pourraient être des pratiques avancées dans d'autres professions de santé. Nous y sommes ouverts.

Je pense comme vous qu'il faut revoir complètement ce qu'est l'engagement d'un médecin ou d'un professionnel de santé dans un hôpital. Il faut donner plus de liberté, plus de perspectives. Je crois que l'on a insuffisamment traité cet engagement. Il ne s'agit pas que de personnes qui souhaitent faire des actes, ce sont aussi des personnes qui souhaitent s'engager au quotidien dans la vie de leur hôpital ; il faudra le prendre en compte et le valoriser.

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