Je voudrais saluer, au nom du groupe de La France insoumise, le travail effectué depuis plusieurs années en Polynésie française, sur le terrain avec les citoyens, les associations, les professionnels et les élus, mais aussi au Parlement. Ce travail a permis d'aboutir à ces textes dont nous mesurons l'importance symbolique mais aussi démocratique. C'est précisément sur ce point que je voulais intervenir : nous allons formuler un certain nombre de propositions, mais il s'agira essentiellement pour nous de vous interpeller. Beaucoup a déjà été fait et nous ne voulons pas détricoter cet ouvrage : nous nous y inscrivons d'une manière constructive. Toutefois, il nous semble important d'éclairer plusieurs points pour continuer le travail, car nos discussions ne sont pas un achèvement : elles ne sont qu'un point d'étape.
Je voudrais revenir sur un élément déjà évoqué par d'autres collègues, à savoir l'article 1er du projet de loi organique, qui indique que « la République reconnaît la contribution de la Polynésie française à la construction de la capacité de dissuasion nucléaire et à la défense de la Nation ». Sur le plan symbolique et historique, c'est important. Il nous semble toutefois que le terme « contribution » ne rend compte de la réalité que de manière incomplète. On parle bien, sur une période d'une trentaine d'années, de 193 tirs nucléaires dont 46 essais dans l'atmosphère, avec un certain nombre de risques pour la santé des populations, sans oublier la destruction de l'écosystème des atolls de Mururoa et Fangataufa et la déstabilisation des modes de vie et du bien-être des populations découlant de la mise en danger de leurs moyens de subsistance. Je rappelle, à cet égard, que des rapports du Sénat et du ministère de la santé signalent une augmentation des maladies radio-induites en Polynésie française, tandis que les études du docteur Sueur laissent entendre que les essais nucléaires auront des répercussions sur plusieurs générations, y compris sur le plan génétique.
Il convient de tenir compte de l'importance des préjudices subis par les populations et l'environnement. La responsabilité historique doit être pleinement admise ; les conséquences de la faute commise doivent être pleinement assumées. À l'occasion de l'examen de ces deux textes, il nous semble que la reconnaissance et la réparation doivent englober toutes les dimensions – sociale, sanitaire, démocratique et écologique. Il a été question de la nécessité de faciliter et accélérer les procédures de réparation pour les personnes ayant besoin d'un suivi sanitaire et d'une indemnisation. Selon nous, s'il faut en effet reconnaître et réparer vis-à-vis de l'histoire, il importe également, eu égard aux enjeux de préservation de la biodiversité et d'adaptation au changement climatique, d'agir pour l'avenir : les territoires et les populations polynésiens doivent être à la pointe avancée de la transition écologique, ce qui leur ouvrira aussi des perspectives de développement économique et social.