Monsieur le ministre, enfin, nous y sommes !
Vous connaissez mon attachement à ce dossier et à la circonscription qui est la mienne et qui a, sur son sol, l'essentiel de l'emprise de l'aéroport d'Orly en Essonne : ses habitants se posent évidemment beaucoup de questions. Toutefois, au-delà de mon attachement territorial, je voudrais, moi aussi, souligner certaines incohérences et surtout affirmer, en préambule, que l'union des oppositions, que vous dénoncez régulièrement, qui se fait contre la privatisation d'ADP, n'est pas, comme vous le pensez, une simple guerre picrocholine entre ceux qui s'opposent par obstination aux privatisations, et les autres, qui ne chercheraient que des motifs, légitimes ou non, de s'opposer au Gouvernement.
Ces réticences et ces inquiétudes, voire ces oppositions, sont bien plus profondes. Elles tiennent, évidemment, au fait que les aéroports ne sont pas des excroissances territoriales mais sont en relation avec leur environnement – c'est l'élu francilien qui parle. Je sais que vous avez fait des avancées. Certains de mes collègues et moi-même avons pris, à plusieurs reprises, qui la parole, qui la plume, pour vous interpeller sur les légitimes inquiétudes des riverains et des acteurs, quant au développement du trafic aérien. Or ce développement, assumé, a été confirmé pour la région Île-de-France, notamment lorsque votre Premier ministre a déclaré de manière explicite, après l'abandon du projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes, que la croissance du trafic aérien se reporterait sur les aéroports franciliens, sans penser, à ce moment-là, aux conséquences sur le développement du trafic dans le ciel francilien.
Vous semblez vouloir concéder des avancées en matière de plafonnement des créneaux : s'agissant de l'aéroport d'Orly, le couvre-feu nocturne qui protège les riverains leur offre une plage horaire nocturne suffisante pour dormir. Mais même si ces engagements sont inscrits dans la loi, qui nous garantira que l'État saura les faire respecter dans la durée à un groupe majoritaire qui, demain, recourra à toutes les techniques de pression que nous connaissons ? Le trafic aérien, en croissance de 5 à 6 % par an, conduira, à un moment ou un autre, les dirigeants d'ADP à expliquer à l'État qu'il faut prévoir des créneaux et des mouvements supplémentaires, recevoir un plus grand nombre de gros porteurs dans les aéroports et donc, à cette fin, ouvrir une piste non utilisée ou en construire une nouvelle, si bien que des riverains qui, jusqu'alors, étaient préservés de la nuisance aérienne d'aéroports qui sont, je le rappelle, très insérés dans le tissu urbain, seront survolés.
Après le volet territorial, venons-en au volet financier, qui a été évoqué : nous ne pouvons pas le mettre sous le tapis.
Vos arguments sont souvent assez courts : d'un côté, vous voudriez vendre Aéroports de Paris pour doter l'innovation de rupture de quelques milliards d'euros – financement qui se réduira aux intérêts relativement faibles du fonds pour l'innovation ; de l'autre, l'État n'aurait pas à gérer les boutiques de luxe. Nous pourrions assurément en convenir, si l'État n'avait pas besoin de rentrées budgétaires. Or les dividendes ne sont pas seuls à y concourir : ADP reverse également une fiscalité abondante.