Ce serait la plus grosse privation française jamais réalisée, tous secteurs confondus, et vous en seriez comptable et responsable. Bien sûr les candidats ne manquent pas : le groupe Vinci, qui fait figure de favori, l'italien Atlantia ou bien encore l'espagnol Ferrovial. La région Île-de-France et l'ensemble des départements franciliens ont publié un communiqué exprimant leur regret de ne pas avoir été consultés : ils s'inquiètent du désengagement de l'État. Bien évidemment, les seules opérations de privatisation qui resteront possibles après celle-ci concerneront, elles aussi, des secteurs-clefs, éminemment stratégiques, puisque tout aura déjà été bradé. Emmanuel Macron poursuit la grande braderie à laquelle il a largement participé lors du quinquennat précédent : je me dois de rappeler que, ministre de l'économie sous François Hollande, il a à son actif la privatisation de l'aéroport de Toulouse, ayant autorisé sa vente à un groupe chinois peu recommandable, implanté dans des paradis fiscaux, avec à sa tête un oligarque corrompu qui a siphonné une bonne part de la trésorerie pour s'octroyer des dividendes colossaux, à hauteur de 27 millions d'euros. Il tente aujourd'hui de revendre près de 50 % des parts de son groupe pour 500 millions d'euros ce que lui a été vendu 308 millions par l'État. Quelle gabegie !
Au-delà de la question purement économique et financière, Aéroports de Paris, cela a été rappelé, y compris par mes collègues Les Républicains, est la première frontière de France. La recherche exclusive de profits risque de s'accomplir au détriment des enjeux de sécurité et de sûreté.
Oui, monsieur le ministre, le futur acquéreur aura intérêt à diminuer toujours plus les effectifs destinés au contrôle de la sécurité et de la sûreté des aéroports et des vols. Oui, monsieur le ministre, le futur acquéreur aura intérêt à intensifier toujours plus le trafic aérien au détriment de l'environnement. Oui, monsieur le ministre, le futur acquéreur pourra privilégier les profits à court terme au détriment des investissements de long terme. Cette privatisation laissera donc la possibilité à des capitaux étrangers de recourir au chantage si on invoque les intérêts collectifs du pays.
Monsieur le ministre, nous vous alertons aussi sur le caractère anticonstitutionnel de cette privatisation. Le préambule de la constitution de 1946 est clair : « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. » En conséquence, ADP n'est pas privatisable.
De plus, la privatisation d'un monopole est toujours absurde au plan financier, car elle représente une perte pour l'État : pourquoi céder cette rente aux intérêts privés ? Certes, la privatisation devrait rapporter 8 milliards à 9 milliards d'euros, dont une partie serait placée dans un fonds pour l'innovation, mais le rendement sera moindre que ce que rapporte aujourd'hui ADP à ses actionnaires. L'État engrangerait donc davantage en gardant ses parts.
Vos arguments ne sont pas suffisants et j'espère que vous en avez gardé sous le coude pour ce matin.