Intervention de Véronique Louwagie

Séance en hémicycle du jeudi 14 mars 2019 à 9h30
Croissance et transformation des entreprises — Article 44 (appelé par priorité)

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Louwagie :

Faut-il privatiser ? C'est la question que l'article 44 nous conduit à poser. Pour ma part, je n'ai pas de position arrêtée. D'une façon générale, la question me semble devoir être posée au cas par cas. Pourquoi, donc, privatiser les aéroports de Paris ? En vue, répondez-vous, monsieur le ministre, de créer, au sein de Bpifrance, un fonds d'innovation de rupture abondé par le produit des 10 milliards d'euros issus de la cession. Nous sommes plusieurs à nous demander, comme Éric Woerth l'a fait avant moi, pourquoi seul ce produit, 250 millions d'euros selon les estimations, sera affecté au fonds. Pour l'innovation, cela n'aura pas beaucoup d'impact.

En revanche, vous entendez vendre un joyau de famille qui a une forte rentabilité. Qu'on en juge par les chiffres : grâce à lui, entre 2006 et 2015, l'État a perçu près de 870 millions d'euros de dividendes, et près de 2 milliards entre 2016 et 2020. Sur l'objectif, vos arguments ne sont donc pas audibles. Les aéroports demeurent une rente, comme le rappelle la Cour des comptes, selon laquelle les aéroports sont « des actifs profitables pour les court, moyen et long termes, et des investissements peu risqués, compte tenu de la conjoncture et des perspectives favorables du trafic aérien ». Les services de la Commission européenne, eux, considèrent que « les aéroports accueillant plus de 55 millions de passagers sont structurellement rentables et à même de couvrir la totalité de leurs coûts ». Par conséquent, vos arguments sur le fonds d'innovation tombent, dès lors que, comme vous le savez, sa rentabilité sera inférieure à la rentabilité actuelle et future des aéroports de Paris.

Vous commettez ici, je pense, une erreur politique, préjudiciable aux intérêts de notre pays. Je ne développerai pas les questions touchant à la souveraineté et à la sécurité, précédemment évoquées par mes collègues. Je veux néanmoins réagir sur quelques erreurs de forme. En premier lieu, le Gouvernement, au cours des dernières semaines, a déclaré vouloir attendre les conclusions du grand débat national pour prendre certaines décisions. Dans mon département, j'ai assisté à huit réunions dans le cadre du grand débat ; chaque fois, la question dont nous parlons a été soulevée par des citoyens et, chaque fois, ils ont manifesté leur opposition farouche à la privatisation. Pas une seule voix ne l'a soutenue. Pour l'ensemble de nos concitoyens, l'affaire est donc très sensible.

La deuxième erreur est d'avoir intégré cette mesure dans le projet de loi PACTE, que, sans elle, j'aurais probablement voté en première lecture, au lieu de m'abstenir.

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