Votre définition de la souveraineté m'étonne, monsieur le ministre. Elle ne se résumerait plus qu'aux frontières et à la nanotechnologie. Je ne sais pas si vous écrivez dans Sciences et Avenir, mais figurez-vous qu'il existe beaucoup d'autres souverainetés : la souveraineté alimentaire, la souveraineté énergétique, la souveraineté du peuple etc.
Je ne sais pas si cette définition vous est venue cette nuit mais je la trouve formidablement réductrice et très contestable. Votre réponse est d'ailleurs à son image. Vous prétendez que la privatisation des aéroports n'induit pas la privatisation des frontières. Depuis quand les frontières ne sont-elles plus constituées, en partie, de l'équipement qui les matérialise ? Ce que vous dites est extraordinaire ! Il est bien évident que les frontières seront privatisées dès lors que l'équipement qui les matérialise le sera. Les frontières ne sont pas seulement composées des personnes qui les contrôlent, mais aussi des équipements qui les matérialisent. D'ailleurs, il suffit de se remémorer le sort que vous avez réservé à la surveillance du tribunal de grande instance de Paris pour ne pas être rassurés. Vous l'avez en effet retirée à la police pour la confier à des services de sécurité privée, sous le prétexte d'être plus efficace ! Ce n'est pas pour nous rassurer quant à vos intentions actuelles.
Je voudrais par ailleurs reprendre certaines réponses que vous avez apportées aux intervenants, ce matin. Vous avez déclaré que l'avenir de l'innovation ne devait pas être soumis aux fluctuations de la bourse. C'est pourtant ce que vous vous apprêtez à faire en plaçant sur les marchés le fonds pour l'innovation. Dès lors que ne seront utilisés que les intérêts produits par ces fonds, nous serons bien plus soumis aux aléas de la bourse que si nous nous en étions tenus aux actifs stratégiques d'ADP.
Par ailleurs, pour nous convaincre du bien fondé de la privatisation, vous avez essayé de nous démontrer, ce matin, qu'elle permettrait de raccourcir le délai d'attente, en général une vingtaine de minutes, entre l'atterrissage et l'accès au terminal, qu'elle mettrait fin aux tourniquets des avions au-dessus de Roissy ! Quel rapport avec la privatisation ? Bien évidemment, il faut améliorer cette gestion et réduire les temps d'attente mais en quoi ces dysfonctionnements dépendent-ils de la privatisation ?
Vous nous avez encore dit que l'État récupérerait, au terme de la concession, l'intégralité du foncier, mais c'est faux : l'État devra le racheter, ce qui est bien différent ! Là encore, vous avez péché par omission, si ce n'est par mensonge.
Enfin, vous avez énuméré toutes les contraintes que vous comptiez imposer au privé. Il s'avère finalement, à la lecture transversale qu'en a faite M. Pupponi, que ces contraintes ne seraient peut-être pas aussi lourdes que vous le promettez. Cela étant, s'il faut autant contraindre le privé, à quoi sert-il de privatiser ? Vous n'avez toujours pas répondu. Si l'État considère qu'autant de règles sont nécessaires pour faire fonctionner cet équipement qui répond à un service public stratégique, économique et souverain, pourquoi le privatiser ? C'est aberrant et révélateur du sens de cette privatisation qui répond, au mieux à des choix idéologiques, au pire à des intérêts bien sentis qui sont ailleurs.