Monsieur le rapporteur général, nous avons recours aux ordonnances pour huit mesures dans six articles, afin de laisser le temps d'approfondir, avec les acteurs concernés, des réformes qui exigent une concertation approfondie. Des modalités de concertation différentes ont été conçues pour chacune des ordonnances. Le premier article d'habilitation par voie d'ordonnance concerne la recertification des compétences des médecins. Un nombre important de concertations doit être mené, afin de décliner les préconisations du rapport du professeur Uzan, qui nous a été remis il y a trois mois. Nous lancerons au deuxième trimestre 2019 un chantier de concertation avec les différents professionnels pour savoir ce que sera la recertification.
Le deuxième article d'habilitation par voie d'ordonnance concerne la modernisation des statuts d'emploi médical à l'hôpital. Ce projet est engagé dans le cadre du calendrier coordonné avec le développement des GHT, dont il s'agit de modifier les instances médicales et de moderniser la gestion des ressources humaines. Il nécessite aussi de nombreuses concertations globales, et comporte des déclinaisons de nature législative justifiant l'habilitation et d'autres de nature réglementaire. Les travaux de concertation se tiendront jusqu'en juillet 2019.
Le projet de refondation des hôpitaux de proximité a quant à lui été lancé en novembre 2018, dès les annonces du Président de la République. Il s'appuie sur un comité de concertation ad hoc qui intègre notamment les fédérations hospitalières et les différentes conférences. Le cadre a été élargi aux acteurs de la ville, pour faire le lien avec les communautés professionnelles territoriales de santé. Les mesures d'adaptation législative du régime des hôpitaux de proximité s'appuieront sur des séances de travail participatives et itératives qui ont vocation à se tenir pendant toute l'année 2019, ce qui justifie le recours à une ordonnance.
La quatrième mesure a trait à la réforme des autorisations. Il s'agit d'un projet structurant de longue haleine, dont les travaux ont commencé en janvier 2018, qui concerne dix-huit activités de soin et cinq équipements médicaux lourds. Ce projet s'appuie sur un comité de concertation ad hoc qui intègre les fédérations hospitalières, les syndicats médicaux, les ARS, les directions d'administration centrale et les opérateurs concernés. Il repose également sur un groupe de travail par activité, qui intègre notamment les conseils nationaux professionnels (CNP), les fédérations hospitalières, les ARS et les opérateurs.
La cinquième mesure concerne la prescription électronique – la e-prescription –, dont l'expérimentation est en cours, sous la conduite de l'Assurance maladie, ce qui permettra de préciser le calendrier du projet.
Le cadre juridique de l'exercice coordonné, la sixième ordonnance, est une mesure qui remonte directement des acteurs auprès des délégués de l'accès aux soins. Elle relaie largement les expressions du terrain. Nous attendons les conclusions des négociations conventionnelles sur ces communautés territoriales de professionnels de santé, afin de connaître les missions précises qui leur seront confiées pour cadrer le travail juridique. Cela permettra également de rouvrir la question des sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (SISA) et de la gouvernance. À court terme, les CPTS peuvent d'ores et déjà se constituer sans difficulté sous forme d'association loi de 1901, avec constitution d'une SISA si elles souhaitent redistribuer les revenus entre professionnels. La future ordonnance permettra d'arrêter la future évolution de ce dispositif.
Enfin, les septième et huitième mesures concernent la revue des missions des ARS et la création de l'Agence de santé de Mayotte. Les travaux sont en cours aux niveaux local et national pour respecter l'échéance d'une création au 1er janvier 2020.
La perspective de ces ordonnances a suscité des critiques de la part d'élus et de parlementaires qui craignent d'être exclus des travaux. Je me suis engagée en permanence pour rappeler que le recours aux ordonnances se justifiait essentiellement par le calendrier de la loi, qui doit impérativement être votée avant l'été 2019 afin de faire disparaître le numerus clausus et les ECN dès la rentrée. Je m'engage devant vous à travailler avec les rapporteurs pour inscrire certaines dispositions dans la loi, quand cela sera possible, en fonction de l'avancée des travaux des différentes ordonnances.
S'agissant de la délivrance de médicaments sous prescription médicale obligatoire par les pharmaciens ou les pharmaciens correspondants, l'article 39 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 a inscrit le dispositif du pharmacien correspondant dans le cadre expérimental de l'article 51. Le Gouvernement souhaite favoriser ces coopérations interprofessionnelles dans le cadre d'un exercice coordonné, en s'appuyant notamment sur les pharmaciens, qui disposent d'un vrai maillage territorial. Ils souhaitent mettre davantage leur pratique au service de la santé publique et devenir un échelon important de la médecine de proximité.
Nous sommes attentifs à votre proposition. Des négociations relatives aux CPTS sont en cours à la CNAM. Nous devons naturellement veiller à préserver tous les équilibres et à respecter les désirs des uns et des autres. Je vous propose de poursuivre le travail et les discussions avec tous les acteurs, pour être certains d'aboutir à un projet concerté, qui reçoive l'assentiment de tous. Si nous sommes favorables au renforcement du rôle du pharmacien dans les parcours de santé, l'évolution de sa place dans la prescription nécessite encore un peu de travail avec les différents acteurs des CPTS.
La simplification administrative est une priorité du Gouvernement, comme de sa majorité qui nous fait régulièrement remonter les attentes du terrain dans ce domaine. Des expérimentations sont en cours, notamment dans le cadre de l'article 51. Quatre directeurs généraux d'ARS ont obtenu, par le décret du 29 décembre 2017, le pouvoir de déroger à certaines normes réglementaires. Par ailleurs, une réflexion a été engagée en février 2018, avec l'ensemble des directeurs généraux des ARS, pour simplifier et alléger leur mission et leurs modalités de réalisation, afin de se concentrer sur les actions les plus directement liées à la mise en oeuvre de la stratégie nationale de santé. Ces actions de simplification relèvent tantôt du niveau législatif, tantôt du domaine réglementaire. Celles de niveau législatif qui étaient prêtes ont été inscrites dans la loi ; d'autres, qui nécessitent encore un peu de temps de concertation, ont été renvoyées à des ordonnances. Les chantiers de simplification contenus dans le projet de loi ne se limitent donc pas aux dispositions de son article 18.
Les simplifications qui seront traitées par voie réglementaire concernent : la suppression des procédures d'agrément ou leur passage sous le régime du principe selon lequel « le silence vaut acceptation » ; l'allégement de l'obligation de transmission de déclarations à l'administration pour les professionnels et les particuliers – par exemple, pour les prolongations d'arrêt de travail lié à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le médecin n'aurait plus besoin de remplir un volet spécial. D'autres mesures concernent l'allégement du fonctionnement des établissements de santé, comme la publication de leurs actes ou la gestion des comptes épargne temps de leurs cadres dirigeants. Est également prévu un allégement de la procédure préalable aux modifications du cahier des charges de la permanence des soins ambulatoires.
Concernant les missions d'information des patients sur l'exercice de leurs droits au sein de la nouvelle gouvernance de la plateforme des données de santé – le Health Data Hub –, il est prévu de constituer un groupement d'intérêt public (GIP). Le Gouvernement a bien l'intention de faire porter par le GIP une mission d'information relative à l'information des patients, qui porterait notamment sur les droits relatifs à l'utilisation de leurs données de santé, en particulier leur droit de rectification, d'accès ou d'opposition. Cette mission pourrait notamment consister en la rédaction d'une charte du droit des patients, dont les modalités restent à déterminer. L'accès élargi aux données de santé et cliniques suppose en effet que les patients soient davantage informés des possibilités offertes par l'exploitation de leurs données de santé, comme des protections qui seront accordées par le droit. Il nous semble évident qu'en matière de données de santé la transparence et, partant, l'information de tous sont essentielles.
Nous avons souhaité renforcer la place des élus dans la gouvernance de cette politique publique, sachant qu'un certain nombre de dispositions avaient déjà été prises dans la loi HPST. Les collectivités territoriales sont déjà inscrites dans l'architecture institutionnelle des ARS, puisqu'elles sont représentées dans les instances de gouvernance. Elles sont dans les conseils de surveillance, les commissions de coordination des politiques publiques, la conférence régionale de la santé et de l'autonomie et dans le conseil territorial de santé. Les ARS sont partenaires des collectivités territoriales, puisque ces partenariats organisent sur une base territoriale la plus proche possible de l'organisation administrative des collectivités leur déclinaison des politiques de santé – je pense notamment aux différentes facettes des projets régionaux de santé élaborés par chaque ARS.
En général, la composante de proximité est celle du département, considéré comme un bassin de santé. Les modalités de ces partenariats se traduisent souvent par la conclusion d'un contrat local de santé ; ces contrats participent à la construction des dynamiques territoriales de santé, en permettant la rencontre des projets de l'ARS avec ceux des collectivités territoriales, au plus près des populations. À ce jour, 305 contrats locaux de santé ont été signés et 70 sont au stade du projet. Il existe aussi des espaces de concertation et de coordination locales au niveau des conseils locaux de santé mentale.
Enfin, la loi vise à créer un projet territorial de santé, qui sera un intégrateur des différentes démarches de coopération lancées par les acteurs sur un même territoire : projet médical partagé, projet territorial de santé mentale, contrat local de santé, contrat territorial de santé. Il permettra ainsi de renforcer la cohérence d'ensemble, à l'échelon territorial, de ces contrats et favorisera leur lisibilité. Cette mesure garantit la prise en compte des projets des collectivités locales, dans le cadre des contrats locaux de santé conclus avec l'ARS. Le projet de loi prévoit l'association des collectivités territoriales à l'élaboration du projet territorial de santé. C'est notre façon de renforcer la place des élus au sein de la politique de santé.
Pour ce qui est du consultanat, monsieur le rapporteur général, il nous semble important de favoriser la participation des PU-PH à l'offre de soins territoriale. Je serais assez favorable à ce qu'ils aillent dans des hôpitaux périphériques qui ne soient pas des CHU. En plus de la dimension pédagogique, qui est intéressante, cela favoriserait les possibilités de stage pour les internes. Cette possibilité pourrait se décliner jusque dans les hôpitaux de proximité, dans le cadre d'un volontariat plus que d'une obligation, en fonction des bassins de vie : il y aura probablement assez peu d'hôpitaux de proximité concernés en région parisienne, où la majorité des consultants aujourd'hui vont à l'AP-HP, par rapport aux régions rurales. Il faut aussi voir comment ils pourront décliner leur activité au sein de ces établissements. En tout état de cause, je suis favorable sur le principe, mais il faudra y travailler plus précisément.