Intervention de Caroline Fiat

Réunion du mardi 5 mars 2019 à 16h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Fiat :

Madame la ministre, depuis votre arrivée au ministère de la santé, nous avons bien compris, au groupe La France insoumise, que la santé n'était pas la priorité de ce Gouvernement. Il aggrave les causes de morbidité en laissant s'accroître la malbouffe, la grande précarité et l'usage des pesticides les plus dangereux. Il ne cherche pas à soigner la population, encore moins à réduire les inégalités de santé.

En 2018, 4,2 milliards d'euros d'économies étaient réalisés sur le dos de l'assurance maladie, et vous prévoyez 3,8 milliards pour 2019. Dans ce contexte, que pouvions-nous espérer d'un projet de loi relatif à la santé ?

Vous nous parlez de proximité, de gradation des soins, de parcours de soins. Derrière vos éléments de langage, la réalité de vos mesures est tout autre : ce projet de loi est un cache-misère. Pire, il va encore aggraver la situation de notre système de santé public.

Alors que l'hôpital public est malade de la médecine libérale, votre projet de loi promet des saignées supplémentaires en autorisant les praticiens hospitaliers à exercer en libéral et en encourageant les regroupements hospitaliers. Pourtant, la situation n'est-elle pas déjà suffisamment préoccupante ? Les médecins fuient l'hôpital, les médecins étrangers exploités les remplacent comme ils peuvent, les fermetures d'hôpitaux rallongent les distances pour les personnes malades ou accidentées et les files d'attente aux urgences s'allongent.

À cause des fermetures de lits, les soignants perdent un temps fou à en trouver un de libre. Le turn over est si important que les équipes de soins n'existent plus. La continuité des soins est entièrement mise à mal.

Vous souhaitez favoriser encore la contractualisation des médecins hospitaliers, contraindre les hôpitaux à mutualiser leurs ressources humaines. Contrairement à ce que vous dites, ce n'est pas à une association de la médecine de ville et de la médecine hospitalière que l'on va assister, mais bel et bien, hélas ! à un détricotage de l'hôpital public au profit de la médecine libérale. Cette dernière, surtout lorsqu'elle exerce en secteur 2, n'est pourtant pas un modèle de service public. Liberté d'installation, dépassements d'honoraires et atomisation ne permettent pas et ne permettront jamais une offre de soins digne de ce nom.

Vous dîtes vouloir créer la coopération entre médecins, alors que tout dans notre système de financement les pousse à la concurrence. La tarification à l'activité reste la règle, le pouvoir des gestionnaires la norme. Mais l'hôpital n'est pas une entreprise. Aussi, je m'interroge : faut-il se réjouir de l'article 1er de ce projet de loi ? La suppression du numerus clausus est une bonne chose. Mais si cette mesure ne s'accompagne pas d'une réelle hausse du nombre de médecins formés et de mesures restreignant la liberté d'installation, elle sera totalement inutile.

Pour lutter contre les déserts médicaux, vous dites vouloir des mesures incitatives, mais madame la ministre, ne faites pas semblant : vous savez aussi bien que nous tous ici qu'elles ont toutes démontré leur inefficacité. En revanche, le conventionnement sélectif des médecins serait réellement efficace, mais vous n'y comptez pas. Les zones rurales devront se contenter d'une médecine à distance, par écran interposé en télésoins. Ce projet de loi de santé est en réalité le projet de loi des inégalités de santé, de l'abandon des territoires ruraux, de la désertification médicale, du détricotage de nos hôpitaux publics.

Et que dire des moyens utilisés ? Vous demandez des chèques en blanc. Par voie d'ordonnances, vous voulez revoir totalement le statut du praticien hospitalier, les missions des hôpitaux de proximité, des groupements hospitaliers de territoire, des ARS. Incapables de soigner notre système de soins, il faudra en plus que vous aggraviez le cas de notre démocratie malade !

Ce projet de loi brille par son refus d'aborder tous les problèmes urgents. Les inégalités de santé se creusent et les déserts médicaux s'accroissent, mais vous n'apportez pas de solutions. Les laboratoires pharmaceutiques déploient tous leurs moyens pour vendre à des prix onéreux leurs médicaments, mais vous ne prévoyez pas une seule mesure pour réguler le secteur. C'est même le contraire qui est fait, puisque l'article 15 renonce à étudier les causes des ruptures d'approvisionnement.

Pas un mot sur les établissements psychiatriques ni sur les EHPAD. Notre démocratie sanitaire est complètement mise à mal. Certaines associations de patients sont obligées de se financer auprès des industries pharmaceutiques pour survivre… Là encore, pas un mot les concernant. Les soignants ont vu ces dernières années leurs conditions de travail se détériorer, engendrant démissions et absentéisme massif : rien sur le sujet.

En définitive, les moyens cruellement insuffisants dont nous disposons sont consacrés à la médecine libérale, et rien n'est fait pour notre système public de santé.

Mesdames les ministres, je suis désolée, notre système de santé n'est pas à vendre !

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