Mesdames les ministres, mes chers collègues, l'accès aux soins est une préoccupation majeure des Françaises et des Français. Ces dernières semaines, nos concitoyens ont pris la parole pour témoigner leur détresse et leur colère face à la détérioration progressive de nos services publics dans certains territoires. Les situations que nous décrivent les Français viennent conforter le diagnostic que nous nous attachons à poser depuis plusieurs mois. Notre majorité n'a pas attendu le grand débat national pour prendre conscience des inégalités d'accès aux soins. À cet égard, je tiens à saluer le travail mené par nos collègues, Mme Stéphanie Rist et M. Thomas Mesnier, qui sont venus nourrir utilement le texte que nous allons examiner.
Bien qu'il nous faille oeuvrer à un véritable changement de paradigme pour relever les défis auxquels nous faisons face, cela ne signifie pas pour autant que tout est à jeter, loin de là. Nous sommes attachés à notre système à la française qui associe une médecine hospitalière et une médecine libérale. C'est grâce à ce modèle particulier que la France se situe au deuxième rang des pays du monde en matière d'espérance de vie de nos concitoyens. C'est grâce à ce modèle que le reste à charge des ménages pour leur santé est le plus faible des pays du monde. Enfin, c'est grâce à ce modèle que notre système de santé fait l'objet de nombreuses convoitises chez nos voisins.
Pourtant, ce modèle s'essouffle. Vous l'avez dit, madame la ministre, notre système de santé a des forces, mais il s'est considérablement fragilisé ces dernières décennies. Notre société a changé : aujourd'hui, nous devons faire face au vieillissement de la population et à l'explosion des maladies chroniques.
Parce que notre société a changé, notre système de santé est en tension. Il est en tension en matière d'accès aux soins : patient sans médecin traitant, délais d'attente excessifs pour accéder à certains spécialistes, et j'en passe. Cette première tension en nourrit une seconde, celle du mécontentement et de l'usure des professionnels de santé, dont le mal-être est grandissant d'année en année, du fait de leurs conditions d'exercice. Et les nouvelles générations, vous l'avez dit, n'aspirent pas à la même carrière que celle de leurs aînés.
Mais fragilité ne doit pas nécessairement rimer avec fatalité. Il n'y a, dans les défis qui se présentent à nous, rien d'inéluctable. Car les limites de notre système ne sont pas le fruit d'un problème de sous-financement, mais plutôt de défauts d'organisation.
Par défauts d'organisation, j'entends le fait que notre système est cloisonné, déséquilibré même, avec d'un côté de trop nombreux professionnels de ville qui exercent de manière isolée, et de l'autre des professionnels de ville et de l'hôpital qui ne communiquent pas, qui ne travaillent pas ensemble, ou pas suffisamment.
Pour adapter un système de santé à bout de souffle – je crois que nous partageons tous ce constat, quelle que soit notre couleur politique –, nous devons repenser notre système de santé. Les auditions que nous avons menées ces dernières semaines en témoignent. C'est précisément l'ambition que porte ce projet de loi et qui incarne le projet du Président de la République : réformer pour mettre le patient au coeur du système de santé.
Mettre le patient au coeur, cela veut dire construire la réponse des professionnels de santé autour du patient, en proximité, et coordonnée en réseau. C'est ce levier qui nous permettra de relever les défis qui se présentent à nous : la réponse à la demande de soins de la population, l'accélération du virage ambulatoire, l'allégement de la pression sur l'hôpital, l'amélioration des conditions d'exercice des professionnels de santé.
La structuration des soins de proximité ne pourra être une solution que si nous sommes capables de redonner du temps médical aux professionnels. Il faut donc former suffisamment de médecins. C'est tout l'objet de la réforme des études de santé, dont nous nous réjouissons, et qui mettra enfin un terme à tant d'années de gâchis.
Cette réforme ne portera pas ses fruits avant dix ans. C'est une première réponse, mais elle ne suffit pas à lutter contre les difficultés d'accès aux soins que connaissent près de 20 % de nos concitoyens dans les zones sous-denses. Il nous faut compter sur toutes les forces vives : les praticiens diplômés hors de l'Union européenne, mais aussi les internes qui ont toutes les compétences pour assister ces médecins débordés.
La structuration des soins de proximité – c'est notre objectif – doit également permettre une prise en charge fluide et coordonnée du patient. Il faut que les professionnels s'engagent à travailler ensemble et à apporter une réponse collective au patient pour répondre aux besoins de santé sur le territoire. Par la réponse aux besoins de santé, j'entends le fait de garantir l'accès à un médecin traitant, d'organiser une réponse aux urgences qui relèvent des soins de ville, de proposer davantage d'actions de prévention ou encore de favoriser le maintien à domicile des personnes âgées. Cette réponse collective doit avoir une contrepartie : l'autonomie et la confiance en nos professionnels de santé.
Vous l'avez dit, madame la ministre, mais je le redis parce que je crois que c'est la colonne vertébrale de votre projet de loi : l'exercice isolé doit devenir l'exception. Le cadre de cette coopération sera bien sûr la constitution de communautés professionnelles territoriales de santé. C'est dans la proximité que se gagneront les principaux défis qui se posent à nous, une proximité organisée par les acteurs des territoires eux-mêmes.
Si la structuration des soins de proximité est l'un des axes forts de la transformation du système de santé que nous portons, la gradation des soins en est un autre. Car si nous voulons permettre à toutes et tous sur le territoire d'accéder à des soins, nous souhaitons de surcroît qu'ils soient de bonne qualité. Oui, la qualité du système de santé français fait sa renommée, mais nous pouvons faire mieux. Et c'est ce que nous proposons à travers ce projet de loi : organiser la gradation des soins dans chaque territoire, c'est-à-dire que chaque hôpital doit se concentrer sur les soins pour lesquels il est le plus pertinent.
Rien de tout cela ne sera possible sans prendre enfin en compte le déploiement des nouveaux outils numériques. En 2016 a été créée la base de données de santé. Aujourd'hui, il est indispensable que toutes les données de santé soient partagées pour une médecine « 4P » : préventive, prédictive, personnalisée, partagée.
La révolution numérique dans le domaine de la santé doit également apporter de nouveaux services aux usagers pour qu'ils disposent de leurs données de santé et de l'information nécessaire pour être acteurs de leur santé. Je veux parler du déploiement du dossier médical partagé, mais plus largement de l'espace numérique de santé.
Enfin, il est urgent que le numérique tire tous les bénéfices de l'intelligence artificielle dans le domaine de la santé. Nous sommes confiants sur le rôle de la future plateforme des données de santé dans cet exercice.
La transformation du système de santé constitue un engagement fort du Président de la République. Elle correspond également à une attente importante de nos concitoyens et de nos concitoyennes. À cet égard, je me réjouis, au nom du groupe La République en Marche, que nous puissions avancer sur l'épineuse question de l'égalité d'accès aux soins.