Intervention de Joël Aviragnet

Réunion du mardi 5 mars 2019 à 16h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Aviragnet :

La question de la santé de nos concitoyens fait partie des principaux sujets abordés dans le grand débat national voulu par le Président de la République. Or le Gouvernement nous présente son projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé avant que le grand débat national ne soit terminé, et surtout avant qu'il ne trouve un débouché politique concret. Autrement dit, vous passez outre l'avis des citoyens sur une question aussi importante que celle de la santé qui pourtant arrive en bonne place dans leurs doléances.

Par ailleurs, sur vingt-trois articles, vous ne proposez pas moins de sept ordonnances. Faut-il en déduire que vous méprisez aussi l'avis des parlementaires qui, quoi qu'on en dise, doivent relayer les besoins et les attentes des habitants de leurs circonscriptions ? Voilà pour la forme. Je passe sur le fait que ce projet de loi a fait l'objet d'une concertation quasiment inexistante de la part du Gouvernement vis-à-vis des professionnels de santé, des associations, des syndicats, contrairement d'ailleurs à ce que vous affirmez. On se demande d'ailleurs si nous avons rencontré les mêmes personnes lors des auditions…

Quant à la place des élus locaux dans les politiques de santé territoriales, ce que vous avez lu, madame la ministre, est tout à fait séduisant ; à ceci près que, dans la réalité, les choses se passent un peu différemment.

J'en viens au fond : esbroufe, dédain et omissions. Oui, j'émets de très nombreuses réserves car, une fois de plus, après les grandes annonces du plan « Ma santé 2022 », vous nous présentez un projet de loi au rabais, un projet de loi qui ne répond pas aux annonces que vous aviez faites au mois de septembre dernier et qui ne tient pas compte des attentes exprimées par les Français.

Esbroufe, car vous dites supprimer le numerus clausus tout en créant des modalités de régulation identiques. J'en veux pour preuve ce qui est écrit à la page 20 de l'étude d'impact. Les modalités de régulation tiendront compte des capacités de formation, des besoins du système de santé et reposeront sur une concertation étroite entre les universités et les agences régionales de santé. Le nombre d'élèves médecins continuera d'être fixé, comme aujourd'hui, par les ministres concernés. C'est écrit noir sur blanc : tout restera comme avant. En d'autres termes, vous supprimez le numerus clausus pour en créer un nouveau qui poursuivra le même objectif et produira les mêmes effets. Mais vous prendrez le soin de l'appeler différemment… Mesdames les ministres, il faut reconnaître que vous êtes excellentes en termes de communication ! Moi-même, j'ai failli vous croire… Il faut cesser ce jeu de dupes qui ne dupe plus personne, en finir avec les tartufferies qui ne servent qu'à produire de la déception et de la défiance pour demain. Vous ne changerez rien au numerus clausus car vous n'augmentez pas les capacités d'accueil des universités de médecine, ni en termes d'infrastructures ni en termes de moyens financiers.

Dédain, car concernant les hôpitaux de proximité, vous vous payez de mots. Vous annoncez la création de 500 à 600 hôpitaux de proximité, comme si vous alliez faire construire de nouveaux hôpitaux en France. En réalité, vous allez déclasser les CHU et les centres hospitaliers dans nos territoires. Avec le label « hôpitaux de proximité », vous labellisez le déclassement de l'hôpital public ; c'est bien de cela qu'il s'agit. Vous n'avez que faire les millions d'euros investis par les collectivités locales et donc par l'impôt des Français dans les plateaux techniques, les maternités ou les services d'urgence. Ce qui vous importe, c'est que les hôpitaux dits de province ne grèvent pas le budget de la sécurité sociale… Sauf que vous oubliez que, dans bien des territoires, CHU et CHR sont indispensables. De plus, les habitants des territoires ruraux comme ceux des banlieues ne sont ni des sous-citoyens, ni des exclus de la République. Les hôpitaux de proximité que vous prétendez créer ne sont rien d'autre qu'un dispensaire doublé d'un EHPAD. Dire le contraire serait mentir. Tout ceci est très éloigné des attentes de notre population et des revendications exprimées dans le grand débat national et les cahiers de doléances.

Omissions enfin : ce qui m'a peut-être le plus choqué dans ce projet de loi, c'est tout ce qui n'y figure pas – je veux parler de la prévention, du handicap, des soins à domicile et des soins ambulatoires, des EHPAD et de tous les autres établissements médico-sociaux. Bref, ce projet de loi déçoit profondément, tant sur la forme que sur le fond. J'avoue qu'il sera bien difficile pour les députés du groupe Socialistes et apparentés de l'améliorer, car on n'amende ni l'esbroufe, ni le dédain, ni les omissions.

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