Intervention de Bruno le Maire

Séance en hémicycle du jeudi 14 mars 2019 à 21h30
Croissance et transformation des entreprises — Article 51 (appelé par priorité)

Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances :

Autrement dit, la bonne solution pour lutter contre cette addiction ne consiste pas à conserver La Française des jeux dans la sphère publique, mais à renforcer la régulation, en particulier grâce à l'intervention d'une autorité indépendante.

Le renforcement de la régulation reposera sur cette autorité, dont nous parlerons sans doute beaucoup au cours de ce débat. Elle sera compétente en matière de régulation de l'ensemble des jeux, et sa première mission consistera à lutter contre l'addiction.

Pour répondre à une question posée par M. Peu et M. Juanico, elle pourra retirer un jeu de la commercialisation – comme le peut aujourd'hui le président de la FDJ – en cas de risque d'addiction trop fort. Je crois fermement qu'une autorité solide et une régulation forte seront plus efficaces que la présence de l'État au capital.

On me dit que les dividendes rapportent beaucoup et qu'il est inutile de privatiser. Je rappelle tout de même que ces cessions immobilisent aujourd'hui 10 milliards d'euros qui seront demain disponibles pour un fonds pour une innovation de rupture qui produira des résultats et dynamisera l'argent de l'État, c'est-à-dire l'argent des Français.

En ce qui concerne les ressources fiscales, nous engagerons une réforme globale de la fiscalité des jeux avec deux objectifs.

Il s'agira d'abord d'éviter les décisions discrétionnaires du ministre des comptes publics. Cela ne vise évidemment pas mon collègue Gérald Darmanin, mais il est vrai qu'aujourd'hui le ministre des comptes publics détermine à la fin de chaque année le prélèvement sur les profits de l'entreprise en fonction de la situation budgétaire du pays. C'est très commode, mais on ne peut pas dire que cela soit nécessairement la manière la plus démocratique et la plus rationnelle de procéder.

Nous procéderons donc à une fiscalisation du produit brut des jeux, produit brut qui correspond à la différence entre le montant des mises et le retour aux joueurs. Nous appliquerons à ce produit brut une fiscalité transparente et stable, qui ne dépendra plus du pouvoir discrétionnaire de Bercy – ce qui nous est souvent tellement reproché. Chacun devrait en tout cas être satisfait de voir les choses évoluer dans ce sens.

Nous mettrons ensuite en place un niveau de prélèvement équivalent sur les différents segments du jeu : les loteries, les jeux sportifs en ligne et les paris sportifs en points de vente physiques. C'est l'un des grands défis de la fiscalité du jeu.

S'agissant des contrôles et des amendes, évoqués par M. Blanchet que je sais très engagé – à juste titre – sur ce sujet, notre objectif est bien de faire en sorte que l'on évite l'addiction au jeu, que l'on lutte contre elle avec des dispositifs plus efficaces, et que l'on sanctionne ceux qui distribueraient des jeux à des mineurs.

Je ne conteste absolument pas l'analyse que vous avez faite sur tous les bancs de cette assemblée : l'addiction au jeu est dangereuse, et elle est particulièrement dangereuse pour les mineurs. Nous avons entendu votre volonté de pérenniser par la loi des mécanismes d'amende contractuelle entre La Française des jeux et les détaillants, et de faire passer du contractuel à la loi le régime de responsabilité et de sanctions. J'y suis totalement favorable.

En revanche, je pense qu'il est trop tôt pour décider du montant de l'amende. En procédant ainsi, nous courons à l'échec. En effet, nous n'avons pas encore discuté de façon approfondie avec les buralistes. Une décision prise sans avoir échangé avec eux risque de nous mener au blocage.

Je propose que nous rédigions l'ordonnance ensemble, avec les parlementaires intéressés – parmi lesquels je vous compte au premier chef, monsieur Blanchet – et avec les buralistes. Nous pourrons discuter de ce que pourrait être la sanction appropriée, qui mérite, comme toute sanction, de faire l'objet de discussions approfondies qui prennent en compte des éléments complexes. Par exemple, aujourd'hui, l'amende forfaitaire s'élève à 135 euros en cas de distribution de tabac à un mineur, mais elle atteint 7 500 euros en cas de distribution d'alcool. Cela s'explique par le fait que la distribution d'alcool crée un risque de trouble à l'ordre public qui n'existe pas en cas de distribution de cigarettes. Tout cela demande donc une analyse poussée. Dans un État de droit, on ne peut pas imposer purement et simplement un tel régime de sanctions sans en avoir discuté auparavant avec les opérateurs, les spécialistes de l'addiction aux jeux, la garde des sceaux et le ministère de la justice.

On m'objecte aussi que, dès lors que l'État ne sera plus au capital de La Française des jeux, il ne sera plus en mesure de réguler le secteur. Je répète qu'une autorité administrative en sera chargée. À mon sens, elle s'acquittera mieux de sa tâche que l'État au capital.

Prenons l'exemple de l'addiction au tabac. La SEITA, autrefois entreprise publique spécialisée dans la culture, la fabrication et la vente de tabac en France, a été privatisée en 1995. Est-ce que tous les Français ont développé une addiction au tabac ? Est-ce que l'État a abandonné sa politique de lutte contre la consommation du tabac ?

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