En réponse à votre question sur le décloisonnement, madame Brugnera, je voudrais vous raconter une anecdote. Il y a quinze jours, j'ai organisé une table ronde sur ce projet de loi avec différents professionnels de santé. Ce qu'ils en ont retenu, indépendamment du contenu du texte, c'est d'avoir pu discuter entre eux, marquant ainsi leur intérêt pour cette démarche de décloisonnement.
Lors de l'élaboration du rapport, j'ai été marqué par l'élimination de nombreux candidats qui pouvaient être d'un très bon niveau et motivés. Après s'être cognés deux fois contre le mur de la PACES, des jeunes, qui ont obtenu le bac avec une mention assez bien ou bien, se retrouvent sans rien et parfois désespérés au bout de deux ans, sans compter la souffrance des familles qui les soutiennent. Il faut vraiment en finir le plus vite possible avec cet échec massif.
En matière d'adéquation territoriale, l'idée est que l'université, l'ARS et la communauté de la santé définissent des objectifs pluriannuels communs pour que nous ne nous retrouvions pas dans la situation actuelle, tout en sachant que nous n'allons pas toucher au but du jour au lendemain. Quels objectifs nous fixons-nous, tous ensemble, en ce qui concerne les différents cursus d'entrée et les diverses passerelles jalonnant le parcours des étudiants, au fur et à mesure du développement de leurs compétences ? Nous devons chercher à obtenir un apport de compétences variées tout au long du cursus.
Monsieur Minot, merci de votre intervention. Le parcours restera sélectif même après la suppression du numerus clausus. Tous les étudiants qui entrent en première année de médecine ne deviendront pas médecins, de la même manière que ceux qui entament des études de droit ne deviennent pas tous magistrats ou avocats. L'idée est de développer et de valider des compétences acquises tout au long du cursus.
Il ne s'agit pas d'accroître les capacités car, à terme, la filière principale en santé devait compter moins d'étudiants qu'actuellement, étant donné l'ouverture à d'autres parcours, notamment grâce à la mineure santé. Contrairement à ce qui se passe actuellement, il faut varier la manière d'entrer dans le cursus « santé ». Les gens qui ont fait des expérimentations insistent sur la possibilité d'élargir les opportunités et de diversifier les sites sur lesquels les étudiants pourront s'inscrire en mineure santé.
Pour ce qui concerne les amphithéâtres, je vais vous citer la réflexion du vice-président d'une université de l'Ouest, que j'ai rencontré vendredi dernier. Que ce soit en première ou en deuxième année, quand j'ai dans l'amphithéâtre la moitié des étudiants prévus – nombre qui a déterminé la capacité du lieu –, je suis plutôt content, me disait-il. À mon avis, la capacité des amphithéâtres ne sera pas un point de blocage de cette réforme.
S'agissant des méthodes d'évaluation, je vous répondrais que l'objet de ce texte n'est pas de valider les évaluations de toutes les formations françaises, sinon nous devrions avoir beaucoup de réunions de commission ! Je préfère laisser cela aux universités et à des gens qui le font mieux que nous ne pourrions le faire.
Sur l'attractivité, la coordination et le décloisonnement, vos propos rejoignent ceux d'Anne Brugnera. Nous avons vraiment besoin de lever les barrières entre des professions qui fonctionnent actuellement en silos. Il faut créer, le plus tôt possible, des passerelles qui permettront une meilleure coordination des interventions et une approche plus locale au travers des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), qui font l'objet d'un autre titre du texte. Dès le stade des études, les différents professionnels doivent pouvoir travailler en coordination.
Mme Essayan a abordé des thèmes importants. Nous voulons faire progresser notre système de santé mais n'oublions pas de dire qu'il offre des soins de qualité au plus grand nombre, et qu'il compte des professionnels très engagés quel que soit l'endroit où ils exercent. Au cours des travaux, notamment lors des auditions des organisations lycéennes ou étudiantes, j'ai été frappé par le mal-être des jeunes : on voit de nombreuses addictions, des syndromes d'épuisement. Nous avons vraiment beaucoup d'efforts à faire dans ce domaine et nous devons nous doter d'un système qui puisse accompagner les étudiants.
Une question portait sur la répartition des compétences entre l'ARS et l'université. C'est l'université qui définit les capacités après un avis conforme de l'ARS qui traduit, en quelque sorte, le positionnement de l'État et les besoins de l'ensemble de la communauté médicale. L'université a le dernier mot. Je trouve cette répartition des rôles normale.
J'ai été surpris d'entendre Mme Dumas dire que le texte ne traitait que des études médicales. Le projet de loi est bien plus vaste et il y est notamment question de l'accès à la santé sur les territoires et du travail numérique. Le texte prévoit une véritable transformation de l'ensemble du système dont la réforme des études ne constitue qu'une partie.
S'agissant de la précipitation, j'ai cité Grand Corps Malade au début de mon rapport, en disant que c'était une « course contre la honte ». Quand on discute avec certains étudiants, on se dit qu'il y a urgence. La PACES laisse de côté 70 % des étudiants qui se retrouvent sans aucun diplôme alors qu'ils ont travaillé de façon acharnée pendant deux ans. Il y a urgence à réformer le système et c'est le but de ce projet de loi. Je note d'ailleurs que Mme Dumas était très favorable à l'article 1er et à l'article 2, tout comme les personnes auditionnées.
Madame Ressiguier, vous êtes aussi favorable à ces deux seuls articles dont notre commission a été saisie. J'assisterai aux débats concernant l'ensemble du projet de loi, mais je renvoie gentiment toutes les autres questions à nos collègues de la commission des affaires sociales qui a été saisie au fond.
Madame Dubois, vous m'interrogez sur les modalités d'affectation. Les universités travaillent sur le sujet à partir des expérimentations qui ont été menées dans certains territoires. Certaines envisagent l'anonymisation pour éviter une sélection non objective. Pour ma part, je n'ai aucun doute sur nos marges de progression en la matière : la reproduction sociale est assez forte dans ce type d'études. Dans les universités, les présidents et les encadrants sont assez à l'aise sur le sujet. Certains d'entre eux discutent déjà avec des collègues d'autres filières pour pouvoir aboutir à la bonne méthode. C'est un point de vigilance mais pas un sujet d'inquiétude.
Quant à la réorientation, elle est vraiment l'objet du décloisonnement entre filières. La folie du système actuel fait que des professeurs de pharmacie ont été amenés à nous déclarer, en audition, qu'ils récupéraient les mauvais médecins. Nous souhaitons promouvoir une autre approche, intégrant la durée : chacun choisira les matières et le métier qui l'intéressent, sans subir le couperet d'une sélection. D'ailleurs, je parlerais plutôt de passerelles que de réorientation. Il y aura des passerelles entre les quatre métiers de professionnels de santé mais aussi, à terme, entre les mineures en santé et les majeures dans un autre domaine. En deuxième ou en troisième année, un étudiant pourra utiliser ces passerelles pour se réorienter vers des métiers de professionnel de santé. À l'inverse, un étudiant pourra bifurquer vers un autre type de métier s'il est déçu ou si, au fil des stages, il se rend compte qu'il ne se voit pas dans un métier de santé.
Madame Charrière, je suis d'accord avec vous sur le statut des MSU. Il faut vraiment travailler sur ce statut, valider les compétences pédagogiques des MSU et essayer d'en avoir plus dans les zones sous-denses pour y attirer des étudiants et répondre à la désertification. Deux amendements se rapportent à cette question. Notre collègue rapporteure Stéphanie Rist s'est intéressée à l'inadéquation entre les stages et l'orientation prise par les étudiants car, parfois, il y a des stages qui ne sont pas pourvus. Il y a manifestement un travail à faire entre les professionnels de santé, les universitaires et les étudiants dans ce domaine.
Monsieur Poulliat, je suis évidemment favorable aux parcours européens. Même si la formation médicale de base est définie par une directive, il y a encore en Europe une grande diversité d'approche des métiers du soin, de la médecine et de la santé en général. Il est important d'avoir une donnée d'entrée assez commune pour les étudiants qui demandent une validation ou une équivalence. Ce n'est pas toujours facile. Les universités ne sont pas toujours à l'aise pour valider des compétences et des connaissances acquises dans un autre pays. Pour l'étudiant qui revient, il faut poser des jalons clairs, je pense à ce qui remplacera les ECN. Notre système a eu tendance à mettre l'accent sur les connaissances et il nous faudra améliorer la valorisation des compétences.
J'ai en mémoire l'audition d'une dentiste qui avait recruté un stagiaire formé dans la péninsule ibérique où les pratiques sont différentes des nôtres. Elle nous a expliqué que son stagiaire, à aucun moment de son cursus, n'avait mis les doigts dans la bouche d'un patient ! Il est donc nécessaire d'en passer par une certaine uniformisation des pratiques. Force est de constater que nous ne sommes pas prêts car les différences sont trop importantes. Il est donc indispensable de prévoir un examen commun pour le dernier cycle qui est vraiment professionnalisant.
Madame Calvez, je suis totalement favorable à la culture commune et au décloisonnement. Les professionnels ont envie de travailler le plus tôt possible de façon décloisonnée. Comment identifier les compétences ? Quelques orientations sont déjà testées, entre autres les examens cliniques par objectifs structurés (ECOS). L'évaluation peut se faire en mode réel avec des maîtres de stage ou par le biais de simulations.
J'ai participé à une simulation dans un centre de recherche de Rennes où la ministre avait mis un casque 3D et pris la place d'une chirurgienne dans une salle de bloc opératoire. Face à elle, l'aide-soignante était un avatar qui n'était pas programmé : l'intelligence artificielle simulait les réactions possibles – et que nous ne pouvions pas prévoir – de cette assistante. À mon avis, l'interaction avec le patient doit se faire le plus tôt possible et il y a des amendements en ce sens.
Enfin, vous avez évoqué la voie professionnelle scolaire et la place des formations santé dans les campus des métiers et des qualifications. Si je suis d'accord pour considérer que nous devons en faire un objectif, j'estime que nous devons procéder en deux étapes. La première consisterait à augmenter – si possible à doubler – le nombre des sites universitaires où il est possible d'accéder à des professions de santé, ces sites n'étant pour le moment situés que dans les métropoles, là où se trouve un CHU. Pour cela, sans doute pourrions-nous nous inspirer de l'expérimentation en cours à Angers, dans le cadre de laquelle l'ouverture d'un parcours de formation PluriPASS à Laval et au Mans permet soit un véritable dédoublement de la première année de médecine, soit d'effectuer dans l'une de ces deux villes une année de mineure santé, avant de reprendre éventuellement, en deuxième ou en troisième année, le cycle classique des professions de santé.
Nous pouvons imaginer d'aller plus loin dans quelques années en multipliant les interactions entre les écoles d'infirmières et d'aides-soignants et en encourageant le travail en partenariat et en décloisonnement entre les quatre métiers dits des professions de santé, ce qui implique d'instaurer une véritable culture commune à l'ensemble des professionnels médicaux et paramédicaux. Comme vous l'avez suggéré, les campus des métiers et des qualifications pourront nous aider à franchir ce qui constituera une étape de redéploiement.