Intervention de Mohamed Laqhila

Séance en hémicycle du vendredi 15 mars 2019 à 15h00
Croissance et transformation des entreprises — Article 9

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMohamed Laqhila :

Au plan financier, tout d'abord : je vous rappelle que le Conseil d'État, sur le fondement de la responsabilité sans faute du fait des lois, obligera l'État à indemniser les professionnels en raison du « préjudice grave et spécial ».

Cet article aura également pour conséquence de remettre en cause la sécurité économique de notre pays, ainsi que l'épargne de nos compatriotes. Savez-vous, mes chers collègues, pourquoi il y a moins de scandales financiers en France ? C'est d'abord, et surtout, parce qu'il existe des commissaires aux comptes, dont la mission d'intérêt général est définie par la loi.

Oui, cette profession est une exception française, que de nombreux pays européens nous envient. Comment se traduit-elle concrètement ?

D'abord, par la révélation de tout fait délictueux : la loi fait obligation aux commissaires aux comptes, dans le cadre de leurs missions, de révéler les faits délictueux qu'ils découvrent, auprès du procureur de la République. À l'exception des déclarations concernant Tracfin, une telle révélation ne s'impose pas aux experts-comptables, qui, eux, ont une mission de conseil. Cette obligation de révélation vise à protéger l'entité et ses dirigeants, autant que son environnement et ses partenaires.

Au-delà de la prévention, l'autre exception française est la procédure d'alerte auprès du tribunal de commerce. Dans ce projet de loi, nous parlons d'aider les entreprises à prospérer. Sachez que le commissaire aux comptes a un rôle à jouer en matière de déclenchement des procédures collectives. Il évite qu'un chef d'entreprise ne se retrouve isolé, jusqu'à ne plus pouvoir redresser la barre.

Avec cette obligation d'alerte, les commissaires aux comptes jouent un rôle fondamental de prévention des difficultés financières des entreprises. L'alerte est une vraie opportunité de redresser une situation et de sauver des emplois. Le commissaire aux comptes a un rôle de gendarme à jouer, un gendarme qui agit aussi en matière de prévention.

Enfin, l'exception française réside dans le co-commissariat aux comptes pour les entités tenues de présenter des comptes consolidés, une disposition qui suscite l'intérêt dans d'autres pays. Ce co-commissariat vise à renforcer l'indépendance de l'auditeur face aux entités contrôlées les plus importantes.

Oui, le commissaire aux comptes est utile, nécessaire, indispensable, non seulement au développement de nos entreprises, donc à la croissance économique de notre pays, mais aussi à la lutte contre la fraude. Il est le gendarme de l'entreprise, celui qui veille sur les intérêts de l'ensemble des parties prenantes, y compris ceux de l'État, en assurant la base fiscale.

Madame la secrétaire d'État, savez-vous seulement combien d'entreprises corrigent leurs comptes suite à l'intervention d'un commissaire aux comptes ? Mes chers collègues, imaginez un instant nos routes sans radars, pour prévenir, sans gendarmes, pour réorienter.

Enfin, madame la secrétaire d'État, j'appelle votre attention sur une autre conséquence de ces dispositions, qui, selon moi, serait beaucoup plus dommageable : les risques liés à l'emploi. Vous la première, tout comme M. Bruno Le Maire et le Gouvernement en général, avez à coeur de lutter contre la perte d'emplois. N'était-ce pas là une de nos promesses de campagne, chers collègues sur tous les bancs ?

Prenons l'exemple de l'amendement qui visait à interdire l'importation de l'huile de palme. En raison de ses répercussions dans mon département des Bouches-du-Rhône, à La Mède, chez Total, je ne l'avais pas voté. J'avais voté contre, non pas parce que je suis favorable à l'importation et à l'utilisation de cette huile, mais parce que je mesurais le risque que cette suppression brutale faisait peser sur 700 emplois, donc sur 700 familles, dans ce territoire.

Dans ce cas, j'ai été partagé, comme tout à l'heure, entre une éthique de conviction, d'une part – à savoir, en finir avec l'huile de palme – , et une éthique de responsabilité, de l'autre. J'ai préféré une solution raisonnable visant à accompagner une sortie progressive de l'huile de palme. La responsabilité ne se résume pas à presser un bouton à quatre heures du matin, comme on presserait sur une gâchette.

Encore plus près de ma circonscription, à Gardanne, la fin du charbon est annoncée pour le 1er janvier 2022. Les 60 salariés concernés par cette fermeture, qui menaçaient il y a quelques jours de mettre le feu au département, seront accompagnés, avec des mesures de reclassement. De plus, on laissera suffisamment de temps à la centrale pour mener à bien une reconversion complète.

Mes chers collègues, c'est d'une manière solennelle que je m'adresse à vous. Dans quelques instants, vous allez voter pour ou contre l'article 9, qui ne prévoit aucun aménagement ni accompagnement. Relever le seuil d'audit légal, d'une façon aussi brutale, sans accompagnement, sans délai d'adaptation, c'est exécuter 10 000 emplois. Ce sont 10 000 familles potentiellement laissées sur le carreau !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.