Intervention de Daniel Fasquelle

Séance en hémicycle du vendredi 15 mars 2019 à 15h00
Croissance et transformation des entreprises — Article 9

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Fasquelle :

Vous nous expliquez, madame Motin, que la profession a coopéré. Cela m'amuse beaucoup. Quand je vous entends dire cela, l'image qui me vient à l'esprit est celle d'un condamné que l'on mène à la guillotine ; on lui coupe la tête mais, comme il ne s'est pas débattu, qu'il n'a pas protesté, on se dit : « Super ! Il a coopéré ! » En réalité, la profession est vent debout contre vos propositions, à juste titre.

Par ailleurs, je comprends de moins en moins la cohérence de votre projet de loi. Hier, à propos d'Aéroports de Paris, vous avez expliqué que l'État devait désormais agir par la régulation, directement ou indirectement. Or, en l'espèce, il s'agit précisément d'une régulation, par les experts-comptables et les commissaires aux comptes ; ce sont eux qui vérifient concrètement l'application des règles sur le terrain.

Si peu d'erreurs sont commises en France, notamment en matière fiscale, s'il y a peu de fraude – situation que de nombreux pays nous envient – , c'est grâce au travail des experts-comptables et des commissaires aux comptes. Écarter des commissaires aux comptes, c'est se priver d'un regard vigilant. Des erreurs qui sont corrigées aujourd'hui ne le seront plus demain ; des cas de fraude qui sont évités aujourd'hui ne le seront peut-être plus demain.

N'oublions pas non plus la question de l'alerte précoce, sachant que le projet de loi traite également des procédures collectives. En France, on s'enorgueillit d'intervenir très tôt, le plus tôt possible. Or le rôle des commissaires aux comptes est précisément de tirer la sonnette d'alarme, comme d'autres l'ont très bien dit avant moi.

Les arguments ne manquent donc pas. J'ajoute que votre mesure aura un effet très brutal, comme l'a souligné Éric Woerth : 70 % des mandats seront supprimés. En adoptant l'article 9, vous allez rayer 10 000 emplois d'un trait de plume.

Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, je vous poserai quatre questions très précises, qui recoupent ou complètent celles d'Éric Woerth et de Véronique Louwagie.

Êtes-vous d'accord, oui ou non, pour prendre en considération les filiales, notamment les filiales indirectes ? Il y a eu un débat à ce sujet. Peut-être pourriez-vous adresser en signe positif à la profession sur ce point.

Nous avons déposé des amendements visant à reporter la date d'entrée en vigueur de l'article 9. Êtes-vous prêts à les accepter, pour éviter la brutalité que j'ai évoquée ? Nous avons eu ce débat en commission spéciale et nous en discuterons à nouveau lorsque nous examinerons les amendements. Véronique Louwagie en a très bien parlé. Vous nous direz probablement que les mandats se poursuivront dans le temps. En tout cas, faites un geste sur la date d'entrée en vigueur !

Quid des territoires ultramarins ? Faites là aussi un geste ; sortez de la position complètement bloquée qui a été la vôtre en commission spéciale.

Enfin, la profession sera-t-elle indemnisée, comme d'autres l'ont été dans le passé ? Cela a notamment été le cas des avoués, lorsqu'ils ont perdu leur monopole d'intervention en cour d'appel.

Si vous pouvez répondre à ces quatre questions, nous gagnerons du temps lors de l'examen des amendements. J'espère que vous porterez un regard bienveillant sur certains d'entre eux. Vous seriez enfin à l'écoute de la profession, comme l'a souhaité, à juste titre, Mme Motin.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.