Intervention de Bruno le Maire

Séance en hémicycle du vendredi 15 mars 2019 à 15h00
Croissance et transformation des entreprises — Article 13

Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances :

Mais dès qu'on lance un vrai projet de transformation de l'outil public français, il n'y a plus personne : tout à coup, chacun s'envole, disparaît et retourne sur sa branche. Le Gouvernement propose ici une vraie belle réforme de la puissance publique, une réforme fidèle à l'esprit des CCI tout en leur réinventant un avenir.

Pour ma part, je suis très attaché aux chambres de commerce et d'industrie car je pense qu'elles jouent un rôle important, et surtout qu'elles sont une partie de notre histoire et qu'il faut toujours être très prudent quand on touche à l'histoire de France. La première a été créée en 1599 à Marseille, si mon souvenir est bon, puis elles se sont développées ; ensuite, après avoir été supprimées par la loi Le Chapelier de 1791 et rétablies en 1802 par Chaptal, sous Bonaparte, elles se sont à nouveau développées sous le Premier Empire – on en compte alors déjà vingt-deux – , renforcées puis modifiées au début du XXIe siècle.

Pour la première fois, nous réinventons le modèle des chambres de commerce et d'industrie. Au fond, trois voies étaient possibles.

La première, un peu malhonnête et pas très courageuse – donc pas tellement dans mon caractère – , aurait consisté à laisser s'éteindre, lentement et tranquillement, les CCI. C'est ce qu'a parfaitement décrit Denis Sommer. On aurait réduit de 10 millions par-ci, de 50 millions par-là, en diminuant chaque année un peu plus le montant de la taxe affectée aux chambres de commerce. À la longue, conformément à la technique de l'étrangleur ottoman, elles seraient mortes étouffées sans que personne ne s'en aperçoive. C'est à peu près ce qui les attendait.

Il y avait une autre voie possible, très radicale et qui m'a été proposée, pas totalement dépourvue de sens : il s'agissait de rattacher les chambres de commerce et d'industrie aux régions. Après tout, celles-ci ont parmi leurs compétences le développement économique et disposent des outils à cet effet : alors fusionnons les CCI et les régions. Mais, après en avoir longuement discuté avec les chambres, je pense qu'on touchait à notre histoire et à leur culture même, et que nous nous serions engagées dans une voie sans issue qui aurait barré d'une croix leur identité. C'était une mauvaise idée.

Et puis il y a la voie que nous vous proposons de choisir : elle consiste à réinventer les CCI de fond en comble.

Il s'agit d'abord de réinventer leur organisation en confiant à CCI France un rôle de pilotage pour que leur fonctionnement soit plus clair, plus transparent, plus efficace. Je remercie son président, Pierre Goguet, pour son implication car cela n'aurait pas été possible si, avec tous les présidents de CCI, que j'ai vus au début de la réforme, il y a maintenant près de seize mois, il ne s'était pas engagé pleinement et totalement, en chef d'entreprise courageux et lucide, dans cette transformation.

Le deuxième changement, c'est la clarification des missions. J'ai expliqué à CCI France et à l'ensemble des CCI qu'il fallait définir précisément leur rôle. Elles assurent trois séries de missions : l'accompagnement des entreprises dans leur développement et leur transmission – les CCI jouent un rôle clé sur ce second point – ; l'accompagnement des entreprises pour leurs exportations, où leur rôle est, là aussi, particulièrement utile ; la formation, car même si toutes les CCI n'en dispensent pas, nombre d'entre elles ont sous leur autorité des écoles de commerce, petites ou grandes, et leur rôle en ce domaine demeure précieux. Il y a donc une clarification autour de trois missions principales : accompagnement des entreprises, exportation, formation.

Le troisième changement, c'est que les CCI se financeront dorénavant par la vente de prestations et non plus par une taxe. Là est évidemment le changement structurel. On leur dit : « Si le service que vous délivrez est utile, les entreprises vont accepter de le payer, vous vous financerez ainsi car il n'y a aucune raison que le contribuable continuent de vous financer via une taxe affectée. » Je veux rendre, là encore, un hommage appuyé aux chambres de commerce et d'industrie, à leurs employés, et au président de CCI France, qui ont eu le courage de prendre cette réforme à bras-le-corps et se sont dit : « Allons-y, banco, on va se financer par la délivrance de prestations qui seront du coup de meilleure qualité, plutôt que par une taxe affectée. » Je pense que c'est un vrai modèle de transformation.

En contrepartie, le texte apporte des garanties et des éléments de souplesse aux chambres de commerce et d'industrie. Sans les citer tous, je rappelle le plus important : l'extinction progressive du statut des personnels des CCI de façon à permettre un recrutement de droit commun, plus souple. En corollaire, les personnels auront la possibilité d'accéder à l'assurance chômage de droit commun – cela n'avait jamais été le cas pour les personnels des CCI – , ce qui leur garantira une sécurité. C'est là une transformation en profondeur.

Un dernier point a été souligné par Denis Sommer et répond aux remarques de plusieurs députés : il concerne les CCI rurales. Il faut évidemment y être attentif, et nous y avons consacré beaucoup de temps. J'étais élu d'un département rural et, même si c'est loin d'être le plus isolé, je vois bien qu'il est infiniment plus compliqué pour une CCI d'y développer des prestations.

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