Intervention de Jean-Pierre Door

Séance en hémicycle du lundi 18 mars 2019 à 16h00
Organisation et transformation du système de santé — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Door :

Dans ma région du Centre-Val de Loire, 20 % de la population est dans ce cas.

Le cloisonnement est un frein au parcours des patients qui demandent une offre de proximité et de qualité. En 2018, plus de sept Français sur dix auraient renoncé au moins une fois à se soigner.

Contrairement à nos voisins européens, nous investissons insuffisamment dans la prévention. Alors que de nombreux facteurs, dont l'amélioration des traitements, ont contribué à l'allongement de l'espérance de vie, celui-ci tend à ralentir, des projections indiquant même que l'espérance de vie pourrait atteindre un plafond.

Les études médicales doivent être adaptées aux besoins tout en poursuivant des objectifs réalistes. Il faut aussi que la médecine puisse mettre à profit les progrès du numérique. C'est pourquoi une transformation structurelle s'impose.

Il y a plus d'un an, le Premier ministre, en visite à Eaubonne, a indiqué avec fermeté vouloir mettre fin aux « rafistolages de la santé ». Le 18 septembre 2018, ce fut au tour du Président de la République de présenter le plan « Ma santé 2022 » dont les propositions, d'inspiration technocratique, n'étaient pas à la hauteur des attentes des Français au regard des situations d'urgence récurrentes à résoudre.

Ce n'est qu'aujourd'hui que le Gouvernement nous présente ce projet de loi de vingt-trois articles, qui a été préparé dans la précipitation et sur lequel il a engagé la procédure accélérée. Ce texte, très en deçà des annonces initiales, n'est, en fait, que l'une des briques du plan de santé.

Y a-t-il lieu que nous en délibérions ? La soudaine précipitation du Gouvernement contraint notre assemblée à légiférer dans des conditions qui ne peuvent que nuire à la qualité de la loi. Par bien de ses aspects, le texte contrevient d'ailleurs au principe de clarté défini par le Conseil constitutionnel, et à celui d'intelligibilité de la loi, objectif ayant une valeur constitutionnelle.

À cet égard, je me réfère au président Jean-Louis Debré qui, le 25 mars 2005, dans le cadre du printemps du droit constitutionnel organisé par le Centre de recherche en droit constitutionnel de l'université Paris I, a souligné que les parlementaires avaient une responsabilité à l'égard de la qualité de la loi. Eh bien, prenons nos responsabilités face à un texte ultra flou, qui nous prive d'une information susceptible de nous permettre d'exercer notre compétence de contrôle ! Le Conseil d'État a dénoncé, dans son rapport public de 1991, « un droit mou, un droit flou, un droit à l'état gazeux ». Or, madame la ministre, ce projet reste flou, car plusieurs de ses dispositions sont renvoyées au décret d'application. C'est manifeste notamment pour les études médicales, dont il est question à l'article 1er et à l'article 2.

Nous sommes d'accord sur les objectifs d'une réforme de l'accès aux études médicales, d'une diversification des modalités d'entrée et de la suppression du numerus clausus, devenu inadapté. Nous approuvons également le principe d'une réforme des deuxième et troisième cycles, notamment la suppression des épreuves classantes nationales tant décriées par les associations étudiantes et les doyens de médecine, surtout depuis le fiasco de juin 2017, lorsque deux épreuves classantes avaient été annulées pour rupture d'égalité.

Toutefois, de nombreuses incertitudes n'ont pas été levées lors des auditions et de la discussion en commission. Le Gouvernement a dû, par exemple, déposer in extremis un amendement énonçant les missions des hôpitaux de proximité, qui doivent être le trait d'union entre la médecine de ville et le milieu hospitalier, tant celles-ci restaient vagues. Leur périmètre n'est pas encore bien défini.

Au motif qu'il faudrait désormais aller vite, d'autres dispositions concernent des ordonnances, ce qui nous prive d'un débat complet et approfondi. Cela nous prive également d'une véritable concertation alors que la clé d'une réforme médicale bien menée est de la conduire avec ceux qui font le système de santé.

Il en va ainsi de l'article 3 visant à habiliter le Gouvernement à prendre des mesures de recertification des compétences des médecins par voie d'ordonnances. L'article 6 est une habilitation relative aux mesures créant un statut unique de praticien hospitalier et supprimant le concours.

L'article 8 est, pour sa part, une habilitation à prendre des ordonnances pour redéfinir les missions et les modalités de gouvernance des hôpitaux de proximité. Encore des ordonnances à l'article 9, afin de moderniser le régime des autorisations des activités de soins et des équipements matériels lourds. Enfin, quatre habilitations à l'article 19.

De surcroît, les deux derniers articles sont des ratifications d'ordonnances. Si l'on ajoute à ce décompte les mesures d'abrogation et de toilettage de l'article 15, il apparaît clairement que nous sommes loin de ce que laissaient espérer les annonces solennelles initiales.

Madame la ministre de la santé, vous avez déclaré lors de la présentation de vos voeux à la presse : « Nous avions repéré les causes de ce malaise de société et préparé les remèdes pour en sortir ». Il faut croire que le malaise était trop grand et trop profond, et le remède trop lent, à tout le moins trop tardif. Pourquoi avoir attendu deux ans après l'élection présidentielle ? Il faudra encore patienter au moins dix-huit mois pour voir les ordonnances entrer en application.

Enfin, ce projet est, sur bien des points, lacunaire. Qu'est-ce, en effet, qu'un système de santé ? La définition qu'en donne l'Organisation mondiale de la santé est globale : « Le système de santé est l'ensemble des organisations, des institutions, des ressources et des personnes dont l'objectif principal est d'améliorer la santé. Les pouvoirs publics doivent ainsi concevoir des systèmes de santé solides et efficaces, capables de prévenir les maladies et d'offrir un traitement à toutes les femmes, à tous les hommes et à tous les enfants, sans distinction, où qu'ils habitent. »

C'est pourquoi nous regrettons l'absence de vision et de stratégie en matière de prévention, alors que la médecine devient de plus en plus prédictive et préventive, ainsi que l'omission d'un objectif de revalorisation et d'attractivité de la profession des médecins qui concourent à la santé.

Aucune disposition ne concerne la recherche médicale non plus que la recherche pharmaceutique, dont la situation se dégrade, comme le montre le recul de sa compétitivité depuis plusieurs années. En dix ans, la France est passée, dans le classement des pays producteurs de médicaments en Europe, de la première à la quatrième place.

En outre, nous cherchons en vain des propositions concernant le statut des centres hospitaliers universitaires.

Nous sortons d'une loi santé, pilotée par votre prédécesseure, qui n'avait satisfait personne. Le projet de loi répond-il à la promesse de transformation globale de notre système de santé ?

Vous entendez d'emblée répondre au défi de la formation des métiers de la santé. Il s'agit, à juste titre, d'assurer une formation de qualité en vue de la réorganisation territoriale de l'offre de soins et de la mise en place des parcours de patients pluriprofessionnels. Cette formation doit préparer la médecine de demain. Ainsi, le projet introduit une nouvelle rédaction de l'article L. 631-1 du code de l'éducation pour permettre l'accès aux études médicales à partir de voies diversifiées.

La PACES serait remplacée par une première année de licence en santé sans redoublement. Comme le note la conférence des doyens des facultés de médecine, il convient de « faciliter l'entrée à l'université de jeunes lycéens motivés et susceptibles d'être adaptés à l'exercice d'un métier de soignant », cela dans une logique territoriale que n'autorise guère Parcoursup. Les facultés de médecine dressent le même constat : leurs étudiants ont le même profil standard, tous sont titulaires d'un bac scientifique mention « Bien » ou « Très bien ». Il convient donc de diversifier la culture de ces lycéens, qui ne doit pas être exclusivement scientifique et technique.

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