Venons-en à présent au fond.
Pour le groupe Libertés et territoires, il y a bien une avancée dans ce texte : la réforme des études de santé. Elle était nécessaire, c'est vrai, mais soyons honnêtes, il s'agit non de supprimer le numerus clausus – cela est répété à l'envi – , mais uniquement de le relever d'environ 20 %. Or si l'idée est bonne, tout ne semble pas réglé, notamment en matière de diversification des profils des étudiants. Et surtout, sans investissement, comment les universités pourront-elles accueillir leurs nouveaux étudiants ?
En outre, nous aurions souhaité que la future répartition des étudiants aille plus loin encore dans la prise en compte des spécificités des territoires. C'est pour cela que notre groupe proposera de véritables internats régionaux, pour résorber les inégalités territoriales.
Enfin, le relèvement du numerus clausus sera effectif à la rentrée 2020, pour des résultats attendus d'ici à 2030. En attendant, que fait-on ?
La commission parlementaire sur l'égal accès aux soins des Français sur l'ensemble du territoire, dont Philippe Vigier, président de notre groupe, a été rapporteur, avait formulé de nombreuses propositions. Certaines ont été en partie reprises, mais de manière insuffisante ou inadaptée.
Nous craignons que la nouvelle classification « hôpitaux de proximité » n'entraîne le déclassement de certains établissements. En effet, elle constitue une menace de plus pour l'accès aux soins, en particulier pour nos citoyens dont la mobilité est réduite ou qui vivent dans des territoires isolés ou enclavés. Cela pose, entre autres, la question des transports, qui n'est pas réglée et constitue une véritable préoccupation en zone de montagne.
Il est fort probable que cette classification entraînera de facto la fermeture de nombreux blocs opératoires. Sur le terrain, l'inquiétude est grande, tant de la part des élus que des professionnels. L'Association des médecins urgentistes de France rappelle qu'au-delà de trente minutes, le taux de mortalité augmente de 9 % pour les urgences et de 30 % pour les blessés graves. Cette perte de chance n'est pas tolérable.
Concernant le décloisonnement tant attendu entre la médecine de ville et l'hôpital, les mesures sont encore faibles. Nous pouvons aller plus loin pour encourager l'exercice mixte. Il faut donner plus de souplesse et d'initiatives aux médecins afin qu'ils puissent s'adapter plus rapidement et plus efficacement aux réalités du terrain.
C'est l'objet de notre proposition de création d'un statut de médecin volant, qui pourrait venir épauler un médecin installé, selon les besoins – nous y reviendrons lors des discussions.
Le décloisonnement doit aussi passer par un effacement des frontières entre le public et le privé. À cette fin, nous sommes favorables à un service hospitalier public fort et à un secteur privé performant, qui travaillent ensemble à une meilleure prise en charge du patient, sans que la nature des structures soit discriminante. Plus précisément, la coopération doit être le maître mot de la stratégie d'organisation de notre système de santé. Nous saluons, d'ailleurs, votre volonté d'encourager le maillage territorial des communautés professionnelles territoriales de santé, les CPTS. L'exercice coordonné doit devenir la règle.
Néanmoins, nous nourrissons encore de nombreux doutes quant au financement des CPTS, notamment à la rémunération du temps consacré par les praticiens libéraux à l'élaboration du projet territorial de santé et à l'organisation des CPTS. Ces questions doivent être le fruit d'une initiative des professionnels de santé, en concertation avec les usagers et les élus locaux. Le pouvoir des ARS en la matière est encore trop fort. La démocratie sanitaire doit être privilégiée à l'imposition par le haut, par une technostructure bornée suivant une logique comptable. Nous avons déposé un certain nombre d'amendements en ce sens, et soyez assurés que nous serons attentifs à ces sujets lors de nos discussions.
Nous ne devons pas perdre de vue que les difficultés de notre système de santé sont symptomatiques d'une problématique plus large encore, qui a partie liée à l'attractivité de nos territoires. Les services publics, pas seulement dans le domaine de la santé, ferment les uns après les autres, ce qui laissent nos concitoyens de plus en plus isolés et démunis. Sans une politique plus large pour répondre à cette perte d'attractivité de nos territoires, je crains qu'aucun plan concernant la santé ne puisse aboutir.
Enfin, sans un investissement considérable pour améliorer l'attractivité des métiers et des structures, les objectifs seront difficiles à atteindre. Je pense surtout à tous les professionnels de santé, libéraux comme hospitaliers, dont les compétences, mais aussi l'humanité et l'écoute, sont mises tous les jours à l'épreuve pour nous offrir des soins de qualité, malgré les difficultés qu'ils rencontrent au quotidien.
Je ne veux pas passer sous silence la revalorisation des tarifs, non plus que la restitution de crédits prévus par l'ONDAM, pour un montant de 300 millions d'euros, qui s'ajoutent aux 415 millions de décembre 2018. Cela n'est que justice. Ces crédits devraient infléchir le déficit des hôpitaux publics et le ramener aux alentours de 600 millions d'euros. Cela montre qu'il reste encore beaucoup à faire.
Vous l'aurez compris, madame la ministre, nos discussions en commission sur ce texte n'ont pas suffi à apaiser les craintes du groupe Libertés et territoires. Nous attendons davantage de nos débats à venir.