Intervention de Marie Tamarelle-Verhaeghe

Séance en hémicycle du lundi 18 mars 2019 à 16h00
Organisation et transformation du système de santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie Tamarelle-Verhaeghe :

Hérité des Trente Glorieuses, notre système de santé est traversé, malgré son excellence, par des incertitudes qui caractérisent un modèle en transition. Si ce projet de loi ne porte pas l'ambition d'apporter une réponse définitive à toutes ces incertitudes, il est un puissant levier pour s'en donner les moyens. Pour dépasser ces incertitudes, il faut oser. Osons changer nos références, envisageons d'autres possibles pour réformer des études de santé qui ne satisfont ni les étudiants, ni les enseignants, ni nos concitoyens.

D'autres possibles, c'est notamment supprimer les épreuves classantes nationales, dont le nom parle de lui-même et implique que le choix de l'avenir professionnel des étudiants sera défini par leur classement. Cela, je le sais, je l'ai vu, je l'ai vécu et je le vis encore au contact des jeunes que je côtoie. À quel moment avons-nous pensé qu'il était bon de détruire 25 000 vocations chaque année par un système de sélection dont les jeunes dénoncent la violence ? La PACES impose la culture de la concurrence, un rapport de forces entre les étudiants, au lieu de l'émulation, de la bienveillance, de la coopération nécessaires pour servir la santé de nos concitoyens. Dans une formation qui doit être profondément humaniste, le couperet du concours promeut la réussite individuelle, le chacun pour soi. C'est ce même principe que l'on reproduit au bout de six ans, pour nos jeunes médecins, avec les ECN – épreuves classantes nationales.

Le numerus clausus, créé en 1971, et les ECN suivaient une logique de gestion de flux, qui n'avait pas pour objet de permettre à l'étudiant de trouver sa place, mais une place. Il s'agit d'un cursus où l'excellence cognitive et mnésique prime. Mais être bien soigné, c'est aussi être écouté, compris, encouragé. Cette bienveillance s'apprend. C'est finalement considérer, comme le philosophe Georges Canguilhem, que la médecine n'est pas une science ou seulement une science, mais un art, au carrefour de plusieurs sciences, notamment humaines, qui peut permettre de saisir la subjectivité des patients. Cette attention à l'autre se construit quand on en a bénéficié soi-même. Le rapport du docteur Donata Marra sur la « qualité de vie des étudiants en santé » a, en ce sens, abouti à la formulation de quinze engagements pour l'amélioration du bien-être des étudiants et des professionnels. Les articles 1er, 2 et 3 du projet de loi portent cette ambition.

Nous allons donc accomplir un acte majeur en supprimant le numerus clausus et les épreuves classantes nationales ; en accompagnant davantage les étudiants, en améliorant leur bien-être, en ouvrant davantage ces études, en formant des profils beaucoup plus variés ; en nous inscrivant, enfin, dans une dynamique collective et de coopération, tout en conservant la même excellence.

En matière de coopération, le groupe La République en marche est fier d'avoir porté un amendement en commission, qui va permettre d'expérimenter un tronc commun entre les professions de santé médicales et paramédicales. Ce même paradigme habite l'ensemble du projet de loi. À la coercition, à la contrainte à l'installation, nous préférons appuyer l'innovation, soutenir la construction de nouvelles formes d'exercice pluriprofessionnel, encourager la coopération, promouvoir des techniques modernes pour une médecine de qualité, là où on en a le plus besoin. Les professionnels et les étudiants se sentent responsables de l'équité en santé que nous devons à nos concitoyens.

J'ai rencontré un grand nombre d'étudiants et de jeunes professionnels au cours des dernières semaines. Ils attendent cela. Ils demandent qu'on leur fasse confiance. Je le vois sur mon territoire, le département de l'Eure, où la démographie médicale est parmi les plus faibles de France. Certains l'ont compris depuis dix ans, en permettant un accroissement de l'offre de santé grâce à la mutualisation des ressources, au décloisonnement du privé et du public. Sortons de la culture du tout individuel pour insuffler une dynamique d'équipe, de communauté de santé où chacun, usager comme professionnel, construit la santé pour tous. Nous en avons plus que besoin. C'est la perspective d'avenir. Le Gouvernement et la majorité portent cette perspective. Les jeunes la souhaitent. Les professionnels y croient. Aujourd'hui, nous vous proposons de le faire.

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